feel like making a deal with the devil (rosa)

les verres s'entrechoquent. baptisent de leur nectar rougeâtre des trahisons complotées. la surprise est tenue secrète, réfléchie depuis des semaines. seulement audible d'oreilles compétentes, triées sur le volet de votre ambition. tous, hommes et femmes de main de ta colombienne. tous, fidèles acteurs d'une mécanique déjà en marche. rosa a la passion de tes appétits. l'espérance de te voir roi à ses côtés - vos deux royaumes éclatants entre vos poignes gantées de soie. les moyens humains, et matériels, de faire plier vos ennemis communs. elle a aussi ce détachement qui te fait tant défaut. celui de voir dans les yeux de ce frère le poison distillé. la menace de mort assurée. tandis que cahal porte encore en ton coeur l'affection naturellement enseignée. mais malgré tes servitudes, la rébellion s'amoncelle. se fait plus forte à chaque ordre aboyé. plus déterminée aux gratitudes méconnues. fut un temps où le vert du trèfle faisait écho à une loyauté sans faille. où dans la silhouette du paternel tu pouvais entrevoir un destin semé de pouvoir. jusqu'à ce que la bête remplace le monstre et emporte avec elle les joies d'un destin spéculé.

à vos soifs étanchées, les sourcils se font bataillon à des envies outrageantes. ton regard océan s'effrite à ses yeux de jais. se perd dans une beauté ornée d'artifices pour l'occasion. le rouge de ses lèvres scintille d'une tentation maintes fois goutée. si bien que l'intimité de votre logis te pousserait à plus d'exhibition si le glas de la guerre ne se faisait pas garde-fou à tes désirs pêcheurs. dis-moi que tout est prêt. l'impatience s'amuse de tes émotions. trépigne de l'attente gracieusement obtempérée par ta personne. des mois que proposition a été faite, des semaines que le sujet traine sur la table. là où tu n'as été qu'ombre résiliante, tu veux ta part de responsabilité. servir la cause salvatrice. braqueur de banque aujourd'hui, poseur de bombe demain. tes ambitions s'allient à des perceptives nouvelles. le message sera grandiose, à la hauteur du ressenti éprouvé. le remord de trahir les tiens bien faible en comparaison. bien qu'il s'agite, parfois, lors de soirées autour d'une bière, de souvenirs contemplés avec nostalgie. tu l'y trouves dans les épaules réconfortantes des frères, dans le sourire de la cadette, dans l'amour de la mère. donne-moi une putain de date à encercler. mais c'est bien l'euphorie qui domine les ressentis. qui rugit pour combler les jours d'attente, encore. le verre se porte à ta bouche pour abreuver une soif insatiable. face à la belle, le masque tombe. se libère des tourments du faussement. rosa, belle rosa, n'a pas l'ignorance de son emprise sur toi. à te savoir prisonnier de guerre, le champ est choisi.              

(c) calaveras.

Une alcôve à l’écart du tumulte environnant. Tes hommes de mains à bonne distance. Lui et toi, presque seuls au monde. Un semblant d’intimité qui rend tes sourires plus avenant. Vos verres qui s’entrechoquent pour boire à la santé des monstres qui ont pavé le chemin sur lequel vous marchez. De ceux dont les méfaits vont inspirer les vôtres. Conspirateurs, vous l’êtes déjà. Ne reste que ces quelques détails à affiner. L’irlandais te rejoint dans tes rêves de grandeur. L’ambition mordant les mollets du frère que vous voulez défaire. Toi par hargne, lui par convoitise. Dans vos plus sombres desseins, vos âmes entrelacées s’affichent au grand jour. Tes lèvres carmin se posent sur ton verre avec la sensualité que tu accordes à chacun de tes gestes. Vos regards s’échangent en silence. Vos non-dits ont le poids des années et l’assurance du temps qui passe. La constance qui vous unie vaut plus cher que tous les mots qui pourraient passer la frontière de vos lèvres. Piliers mutuels face à l’adversité, vous seuls contre le reste du monde. Tu poses ton verre, l’heure est aux affaires. Il a mille questions qui lui brûlent les lèvres, tu le vois tressaillir, s’éveiller sous le feu de l’action. Un sourire se glisse sur tes lippes alors qu’il te fait penser à un gosse pressé d’ouvrir ses cadeaux. Il hausse un peu le ton, emporté par la fougue, mais dans votre jardin secret, nul regard indiscret ne vient mettre vos plans en péril. Une putain de date, qu’il veut, un moment pour sabrer le champagne, pour jubiler devant le frangin. S’il savait… Tes plans pour lui sont bien plus grands que ce maigre moment de gloire qu’il suppose. Votre règne sans partage et ta victoire triomphante sur le corps encore chaud de l’aîné des McGrath. Trop souvent, il s’est joué de ton peuple, le pouvoir dévorant les accords tissés. La patience a des limites et ton orgueil t’impose de riposter. D’une voix solennelle, portée par tout un clan à la fierté farouche, tu acquiesces. Tout est prêt. Mais tes doutes persistent. Ta motivation sans faille garde une faiblesse que tu ne peux maîtriser. Lui. Ton regard esquive le sien pour se poser sur ton verre de vin. D’un index insouciant tu caresses le sommet du cristal. Les mots font défaut.

Les prières muettes que tu formulais pour toi-même sont exaucées. Le serveur entre, assiettes sur un plateau, distraction idéale à tes peurs enfouies. Ton silence se justifie par sa simple présence, désormais. Un sourire en guise de merci. Les fumets de ton plat enchantent tes sens, mais n’ouvrent pas ton appétit. Le serveur disparaît, l’irlandais sautillant reste ta seule compagnie. Tu maudis la question qui passe sur tes lèvres. Tu la sais pourtant indispensable. Nécessaire, aussi, tant la méfiance de ton clan est grande. Tu la partages toi-même, à l'occasion. Mais toi… Est-ce que tu l’es vraiment ? Les répercussions de votre crime à venir ne te font pas douter. Main de fer dans un gant de fer, la poigne solide sur le déclencheur. Le moment venu, tu triompheras. Tes doutes, c’est lui qui les incarne. Tu comprendrais le revirement, l’autre est le frère que nul ne devrait avoir, mais dont les souvenirs partagés en font un être à part. Nul sourire pour égayer tes traits, tes yeux se plantent sur lui pour y lire le mensonge qu’il ne te dirait pas. Jalouse de tes secrets, tant que la certitude n’est pas totale.
            

(c) calaveras.

la satisfaction de l'affirmation s'entremêle à la réalité d'un évènement inéluctable. bientôt, tes actes sonneront le coup d'état. se feront fiers et forts de ces années à comploter dans l'ombre des couronnés. bientôt, s'érigera ta pensée déviante, empreinte de l'envie jalousée. de ce besoin narquois de posséder ce que l'ordre de naissance t'a si négligemment soustrait. l'impatience se faufile entre tes doigts, ronge de leur force la pauvre victime détenue. combien de fois les jambes se sont-elles pliées aux exigences. lâchées au grès d'ordres aboyés, le remerciement terni par l'incapacité émotionnelle de l'aîné. depuis quand as-tu fais une croix sur sa reconnaissance. l'as-tu même déjà attendue. alors, forcé, le dos éreinté, les idéaux ont dévié. la loyauté s'est amenuisée. et la silhouette fraternelle s'est faite ennemie. pourtant, le rugissement des mcgrath ne cesse de rythmer les battements d'un coeur effréné. à ce sang si longtemps versé pour les tiens, saurais-tu t'en montrer traitre. rosa voit juste mais l'interrogation, son doute, t'échauffe. la faiblesse de tes pensées t'est tienne et aucunes lèvres, pas même les siennes, ne seraient autorisées d'en débattre. doutes-tu de moi ? les regards s'écharpent pour ne pas dévoiler tes remords futurs. car, il y en aura. certainement, un jour. mais le destin doit être bousculé. tu n'y renonceras pas. aucun appel du sang ne te fera négliger tes prétentions et cahal tombera de son pied d'estale. la furie pendue à la gueule de se voir détrôner par le plus cadet des frères. celui dont personne n'attendait rien, si ce n'est un asservissement absolu. le remord brillera de son absence ce jour-là.

que ce soit clair. tu reprends, le ton férocement posé. je n'éprouve aucune joie à trahir les miens. tes actes n'attireront aucune sympathie. ta trahison résonnera dans l'égo de chacun. amorcera des désirs de revanche. et ceux aujourd'hui aimés s'écrieront alliés d'un camp qui ne sera pas le tien. tu perdras tout, de ton clan à ta famille. mais je le ferai. car ainsi prédominent tes ambitions. la mise est grande dans cette lutte pour le pouvoir mais le risque en vaut le gain. les sacrifices seront alors regrettés, devenus simples souvenirs photographiques à l'ombre d'une cheminée marbrée.
et alors, l'air de rien, les yeux s'adoucissent. le sourire naturel reprend sa place sur tes lèvres. tes doigts s'arpentent vers les siens, laissés traînés sur la surface de la table. rosa. le ton est assuré mais doux cette fois-ci. vos deux mains connectées en signe d'apaisement. je te repose la question. doutes-tu de moi ? car elle seule motive ton combat. ses facilités logistiques ne sont que des bonus à un duo soudé par des années d'affection et de confiance. il n'y a qu'elle pour partager la victoire à tes côtés. qu'elle pour faire étinceler la beauté de votre victoire. main dans la main.    
   

(c) calaveras.

Tu ne trembles pas. Le vin dans ton verre ne souffre d’aucun remou, ta voix est assurée. Rien ne laisse transparaître les doutes qui sont pourtant omniprésents. Les questions se bousculent et rien ne vient leur donner réponse. Pas même la confiance que tu as pour l’irlandais. Tes proches se font rares, ta famille n’est presque plus. Pourtant, trahir l’un d’eux relèverait d’un crime. On t’a élevé dans ces valeurs, ces principes moraux auxquels rien ne doit déroger. Tu aimes le savoir à tes côtés. T’inquiète de le voir si empressé de destituer son propre sang. Comprend-il vraiment ce que ses choix impliquent ? Cahal n’acceptera rien d’autre que la victoire ou la mort. Les compromis ne sont pas dans les plans des géants. C’est pourtant d’un demi-triomphe que se contenterait bien Aodh. Son frère à terre, mais bien vivant. Petit bras qui n’a pas conscience qu’il n’y a pas d’ambition sans sacrifices.

À sa question, ton silence. Ta lèvre pincée pour dissimuler ta gêne. Franche, à ton habitude. Maladroite pourtant quand il s’agit d’une vérité que tu préfères éviter. Tu devines les pensées qui l’agitent, la colère, peut-être, qu’il ressent de te savoir douter. Tu as pour lui la complaisance que tu n’as pour aucun autre. Leur questionnement n’a pas lieu d’être. Pour ou contre toi, pas de demie mesure. Mais la clémence dont tu fais preuve envers Aodh soulève quelques sourcils parmi tes rangs. Toi-même, parfois, tu crains la faiblesse qu’il fait naître en toi. Le ton féroce t’arrache à tes pensées. Il est calme, posé. Son assurance exagérée pour te convaincre.
Il connaît les enjeux. Mais tu restes persuadée qu’il n’en saisit pas toutes les nuances. La noirceur de son geste, la nécessité d’aller au bout des choses pour éviter les représailles. Un léger soupir franchit la barrière de tes lèvres. Tu le laisses poursuivre, néanmoins. Ton regard accrochant de nouveau le sien devant le sérieux du ton adopté. Et tu vois le contraste s’opérer, la douceur y prendre place. Apaisé. Une part de tes doutes s’envolent, et tu mets l’autre en sourdine. Ta main vient se saisir de la tienne, et d’une pression de tes doigts, tu lui signifie ton soutien. Je devais savoir. Lâche. En vérité, tu feins pour partie la confiance. Si tu n’imagines pas un instant qu’il puisse te faire du mal, tu crains les épreuves à venir. D’ailleurs, ta réponse n’est pas tout à fait franche, juste ce qu’il faut à côté pour lui donner un semblant de vérité sans réellement l’éclairer.

Ta main dans la sienne, quelques secondes encore. Et puis tu brises l’instant, la ramenant à toi, toussant discrètement pour reprendre la contenance qui te fait défaut. Dans trois jours que tu dis simplement. 21h. Il a un dîner en ville. Les informations distillées au compte goutte. Tu scrutes encore ses réactions à mesure que le plan se dessine. Pas tant pour y lire une quelconque fébrilité que pour savourer le plaisir que tu sais à le savoir imaginer le drame. Votre monde brûle. Et tandis que vous dansez parmi les flammes, tu rêves déjà d’y voir s'y consumer Cahal.

            

(c) calaveras.