Arthur, c'est la guerre ! || Caws

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Droite, gauche, droite, gauche.

« Lève les épaules. » j’ordonne, froid, implacable. « Tiens ta gauche ! »

Droite, gauche, gauche, gauche, droite.
J’ai lâché le vouvoiement depuis quelques temps avec celle que j’appelle la marquise. Ou son altesse, ou majesté. L’héritière quoi. J’aime pas l’appeler comme tout le monde l’appelle, parce que je fais jamais rien comme les autres, tu sais bien. Si je déconne beaucoup le reste du temps, la boxe est une affaire sérieuse, et je n’ai pas besoin d’un masque physique pour disparaître derrière l’indifférence une fois les mains gantées. Parce qu’il n’y a que ça qui marche, l’indifférence, quand tu te bats pour ta vie sur le ring. L’indifférence, et la concentration.

« Concentre-toi, hé, regarde moi. Ta gauche ! »

Elle m’agace aujourd’hui, elle est pas comme d’habitude. A travers le filet de sueur perlant sur son front digne, je devine les rides d’une forme de contrariété qui ne s’échappe pas et qui continue à me travailler. Je la dépiaute, la dissèque dans ma tête, prends du jus dans la clarté de ses yeux pour essayer de comprendre, de l’expliquer. Mais rien ne vient ; la marquise ne se laisse pas faire.

« Okay stop, stop ! »

Je lâche le sac de frappe que j’immobilisais jusqu’alors pendant qu’elle frappait dedans et me redresse. Dans la salle de sport aménagée pour l’occasion flottent des phéromones en puissance et des relents de sueur. Des rais de soleil traversent les grandes baies vitrées, transportant des particules de poussière sans cesse soulevées.
J’ai les poumons en feu, la trachée comme du papier de verre, et envie de fumer.

« T’as la tête ailleurs aujourd’hui, marquise. » je décrète, j’informe, j’accuse.

Prête à tout brûler. Furieuse. Incandescente. Elle frappe n’importe comment. Elle s’en rend compte, mais elle ne parvient pas à se concentrer aujourd’hui Carrie. Frapper pour sortir la colère. Les poings qui brûlent. C’est du grand n’importe quoi. Alors forcément Hélio n’est pas d’accord. C’est pour ça qu’il est là d’ailleurs. Il râle, corrige. Elle tente de se reprendre, mais visiblement ce n’est pas le jour. Pas dans le bon mood. Il n’est pas content. Tant mieux, elle non plus. Alors qu’il l’arrête, elle secoue la tête. Parce qu’il va être chiant et qu’elle n’en a pas envie. Pourquoi est-ce que le monde semble-t-il incapable de la lâcher cinq minutes ? Oui, elle a la tête ailleurs, un gosse de maternelle l’aurait probablement aussi remarqué. Mais elle ne veut pas en parler. De toute façon de quoi il se mêle ? « Tu m’emmerdes Hélio. » C’est clair. Il n’a pas besoin de politesse, parce qu’il ne lui en fera pas non plus. Depuis quand est-ce qu’elle lui raconte sa vie ? Il a eu les grandes lignes, c’est déjà bien. Beaucoup. Trop même. Voilà. « T’es gérante de salon de thé maintenant ? Tu vas me donner une brioche pour me faire parler ? » Ouais, elle est mauvaise là. Ce sont les effets secondaires de l’ingrat. S’en prendre à Hélio c’est complètement con. Mais il est là, alors c’est lui qui prends. Voilà.

@helio hawkins

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[J’étais persuadée d’avoir répondu mea culpa .]

Ah, je l’emmerde, tiens donc !

« Comme c’est étonnant ! »

Je roule des yeux sans ajouter de commentaires. Chaque séance de sport libère chez elle une agressivité et une violence que je ne peux pas lui reprocher ; parce que c’est fait pour et parce que c’est exactement l’effet que ça provoque chez moi.

« Ah gérant de salon de thé c’est une bonne idée, tu crois que ça m’irait bien ? J’ouvrirais un petit truc à consonnance geek et japonaise, avec de beaux décors pastels et des jolis tabliers à fleurs. On y boufferait nippon et ça attirerait toutes les petites lolitas du coin. Je tiens quelque chose ! Par contre la brioche c’est dégueulasse. »

J’aime pas le goût du levain qui donne cette saveur si prononcée qui vous reste dans les sinus des heures après avoir mangé cette pâtisserie typiquement française. En plus ça ne nourrit pas ces trucs-là, on a encore faim deux heures après.

« Tu dis rien si tu veux rien me dire, marquise. »

Je traverse la pièce sans demander la permission pour ouvrir la baie vitrée dans un manque de docilité totale. Malgré l’ouverture bien béante de mes bronches, je me grille une clope avec un soupir de plaisir non dissimulé.