you hate me but I can help you (freya)

“ You hate me but I can help you. ”
@Freya Thorne

Tu es dans ta cuisine, tu as besoin d’un verre de vin. Ton fiancé est chez toi. Ton fiancé… ce mot t’irrite encore les pensées et tu n’oses même pas le prononcer. Il est là depuis ce matin, il tourne en boucle dans ton appartement comme un chien qui cherche son panier. Car c’est ce qu’il cherche à faire, déposer quelques affaires dans ta maison, ton chez toi. Tu te serres un grand verre de blanc que tu portes immédiatement à tes lèvres alors que tu l’entends fouiller dans ta penderie. Tes doigts se serrent dans ton plan de travail et tu souffles alors qu’il t’appelle, il a trouvé une grande enveloppe marron sous une boîte à chaussure, il te demande ce que c’est. Tu entrouvres tes lèvres pour lui dire que tu n’en sais rien mais soudain tu percutes. Ce sont des photos de toi, dans de mauvaises postures, des photos que Freya Thorne avait prises de toi lorsque tu étais au plus mal. Tu poses alors ton verre et te diriges en vitesse dans ta chambre pour lui arracher l’enveloppe des mains. Il a dû déjà voir des photos du genre à ton sujet mais tu n’as pas envie qu’il pose ses yeux sur celles-ci, pourquoi ? Tu l’ignores mais ce n’est pas ce qui est important. Tu lui indiques que ce n’est rien et tu le laisses retourner à affaires pendant que tu retournes à ton verre de vin. Il t’indique alors qu’il a eu des nouvelles de ton père, toi tu n’en as plus depuis des années à part lorsqu’il t’envoie un paquet avec le mot fiancé inscrit sur le front. Tu ne l’écoutes que d’une oreille et pourtant à un moment il te parle d’une info qui peut t’intéresser, le fait que ton père soit emmerdé par tout un tas de fouines qui cherchent un peu trop profondément des preuves pour le faire tomber, lui et ses affaires si respectables. Tu ignores s’il est totalement crédule ou dans le coup mais bref, tu poses ton regard sur l’enveloppe marron de tout à l’heure et tu y vois une adresse que tu avais marquée au stylo. Celui du studio photo de cette fameuse Freya. Tu fronces les sourcils, il te vient soudain une idée diabolique, et si… Tu termines ton verre de vin d’une traite, ranges la bouteille et attrapes tes affaires, tu prétextes que tu vas chercher du vin et avant qu’il ne dise quoique ce soit tu es déjà dehors, à descendre les escaliers de ta résidence. Tu n’habites pas très loin de l’adresse indiquée, tu arrives là-bas en quelques minutes. Tu te postes devant la vitrine un moment pour observer, puis tu te décides à entrer. Tu te figes alors que tu entends cette petite clochette typique des vieilles boutiques américaines puis tu laisses la porte claquer. Tu t’approches enfin de la silhouette qui est derrière le comptoir et tu lâches l’enveloppe marron devant elle. « Je viens te rendre ça. »

you hate me but I can help you
@riley keene

She's just a girl, and she's on fire

12:01

Écran noir qu'elle dépose à côté de tout son attirail confusément ordonné, là où ne demeure désormais que le silence de la retraite, amputé par le bourdonnement incessant de sa boîte à miracle et du stylo annotant les dernières directives sur l'agenda. pause méridienne, cette relâche exquise pour celle qui ne l'a que trop tardivement estimé. par le passé, elle ne jurait que par la variabilité du planigramme, par les aventures de fortune et les creux oubliés que nul famine n'aurait pu colmater. l'avenir lui tomba dessus comme une rafale en pleine poire, imprévue, déchue de ses milles extases pour une dignité épargnée. c'était donc ça, la continuité; le calme et la placidité. une stabilité à laquelle elle a fini par prendre gout. la liberté bien plus factice, qu'elle gère néanmoins en totale autonomie; un studio exigu qu'elle n'échangerait pour rien au monde.

La collation n'attend qu'à se faire ingérer. Ces petits plaisirs qu'elle aime par-dessus tout savourer en solitaire, bien qu'en une heure, elle aurait de quoi faire l'aller-retour jusqu'au domicile conjugal. des ornières envolées, à l'instar de ces instants choyés en compagnie de l'homme fourvoyé des effets de cotard. plongée dans les songes, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur et son gosier garni de pâtes froides, elle reste aux aguets à l'excitation du carillon qui précède l'intrusion. obnubilée par les bribes de sa vie antérieure, elle ne prend pas même la peine de lever les yeux sur ce qu'elle discerne de la silhouette féminine. excusez-moi madame, mais l'atelier coupe jusqu'à treize heures. c'est inscrit à l'entrée. en gros et en gras, elle ne s'en voudra donc pas de la laisser poireauter. mais l’intéressée, elle, ne cille pas.  
grande, gracile, le sac balmain et l'exhalaison d'un n°5 embaumant l'arsenal d'une violence similaire aux talons qui s'éclate sur le sol, le pas grossier et formaliste, cadencé tel un militaire en pleine parade. les prunelles de la brune finissent par la toiser ostensiblement, comme elles contempleraient les courbes ni trop familière, ni trop clandestine aux milles fragments s'exhortant dans sa collecte d'images. on lui a si souvent vanté une possible mémoire photogénique, un sens affûté alliant estampes et faciès à la manière d'un recueil d’échos pittoresques. dès lors, arquer le sourcil en essayant de poser un nom sur les yeux de biches de la blonde lui apparaît comme un geste ridiculement novice.

je viens te rendre ça.

Syllabes claquées d'une familiarité déconcertante. enveloppe balancée trivialement sur le clavier, objet de courtise, sans doute là pour raviver la remembrance. le regard déviant, intrigué vers le pliage au contenu gardé confidentiel, qu'elle finit par ouvrir avec nonchalance. un cliché. puis un deuxième. une flopée de veilles pellicules narrant l'intempérance d'une vie gloutonne. oh. évadé des lèvres pincées dans un élan de clairvoyance. un bon dans le temps d'une décennie -ou presque- et la voilà, à retenir ses gloussements comme une môme sous sermons face à l'absurdité du moment. elle avait demandé le chef d'une dynastie qu'elle pensait mouillée jusqu'à la moelle; elle avait écopé de la princesse poudrée jusqu'au front. tu sais qu'un cadeau, ça ne se rend pas ? c'est impoli et sa valeur en serait décomptée; rente tarie depuis des lustres dans un cas précis comme celui-ci. dans un soupir quelque peu amusé, elle rend l'enveloppe à son hôte. qu'elle les brûle ou s'en serve de papier, elle n'en a que faire. mais son altesse ne s'incline pas. toujours là, las, élevée sur son trône faisandée dans un aplomb théâtrale, l'aura qui empeste, au mépris de sa fragrance de chez chanel. si t'es là pour un second tirage, navrée de te décevoir mais j'suis plus trop branchée paparazzades. provocante la gazelle. les ravages de la puberté, sans doute.

“ You hate me but I can help you. ”
@Freya Thorne

Tu as presque oublié le comportement de cette fille qui t’avait irrité autrefois. Cette femme s’était crue maligne en prenant en photo des clichés peu attrayants de toi alors que tu sortais du Red Lion, le genre de photos qui passent dans la presse à scandale. Lorsqu’elle t’avait apporté les clichés, tu avais ri. Pourquoi ? Parce que tu t’en fichais, on pouvait t’en apporter des centaines comme ça chaque semaine. Tu voulais toucher la réputation de ton père, lui faire mal, briser cette image d’homme politique parfait. Et aujourd’hui, c’est encore ta motivation première, c’est d’ailleurs pour ça que tu viens trouver Freya. Amadeus, ton fiancé fraichement envoyé par ton paternel, t’a annoncé que quelques fouines menaient des enquêtes un peu trop poussées sur l’entreprise de ton père, sa future entreprise, qui aurait dû être la tienne au passage. Alors qu’il t’avait exposé un premier dossier des détectives et divers enquêteurs de la multinationale de ton père, tu étais tombé sur un cliché de la petite brune et ton cerveau n’avait fait qu’un tour. Terminé les clichés de célébrité, la voilà qui s’attaquait à un plus gros poisson… Mais allait-elle y arriver ? Sans ton aide, honnêtement, tu en doutais. Tu as alors décidé de la retrouver pour lui exposer un plan qui vous sera bénéfique à toutes les deux. Tu peux agir de ton côté mais malheureusement tu as les mains liées, le poids de tes paroles, de tes preuves, est compromis parce que soyons honnête, tu fais partie de la famille Sorensen et tout le monde connaît ton tempérament de feu. Non, il te faut quelqu’un de l’extérieur pour exposer les tord et les travers de ton père et de le faire tomber une fois pour toutes. Ainsi, tu serais libérée de son emprise et tu pourrais te débarrasser de ton fiancé. « Noël, ça doit être sympa chez toi. » Vu la gueule du cadeau... Tu affiches un sourire pincé, pauvre fille. Elle veut lancer une partie de ce jeu malsain, parfait, tu es déjà sur la grille de départ. Elle te tend alors à nouveau l’enveloppe que tu ne daignes pas regarder. Tu plantes ton regard dans le sien tout en l’écoutant puis tu croises les bras contre ta poitrine pour bien lui faire comprendre que tu ne reprendras pas ce torchon. « Tu n’es plus trop branchée hein… ? Ce n’est pas vraiment ce que j’ai entendu. Mais soit, tu peux garder ces photos pour les ajouter à ton dossier que tu es en train de monter sur mon père. » Tu attends que l’information monte jusqu’à son crâne. Elle a beau être une bonne investigatrice, tu l’es tout autant, enfin, tu as des personnes compétentes à tes ordres. Avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, tu lèves ta main pour la faire taire, puis tu lui rétorques : « Je ne suis pas là pour démonter ton petit manège et cela ne sert à rien de jouer les innocentes. Je sais ce que tu trafiques et si je suis là, c’est parce que toi et moi, on a finalement un but commun. » Cette fille a beau être plus vieille que toi, elle a beau se donner des airs de grande dame, cela ne colle pas. Tu contractes alors ta mâchoire en remettant ta main contre ta poitrine. Il faut qu’elle assimile l’info, que son cerveau s’en serve et surtout qu’elle décide quoi faire. Tu ne te fais pas de souci pour ça, elle va avoir besoin de toi et tu le sais. Peut-être qu’elle va te rire au nez, mais quand elle réalisera, elle s’en mordra les doigts.