Le volume de la musique menace d'faire fondre les tympans de la brune, mais cette sensation, elle l'oublie presque quand la lumière des projecteurs et des stroboscopes glisse sur son corps comme de la soie. Faut croire que d'ce genre d'attention, on s'en lasse pas. En tout cas pas Aura. Dans une autre vie, peut-être bien qu'elle aurait détesté tout ça. Les soirées trop arrosées, les tenues trop osées, les copines trop déglinguées, les regards trop assoiffés. Peut être bien que si une chose, une seule avait été différente, alors la brune l'aurait été aussi. Mais la réalité, c'était que l'idée d'rester seule chez elle deux soirs de suite suffit à lui coller la nausée, à la rendre malade à en crever.
Tout ça parce que Clovis a annulé. Mais la brune, elle n'y peut pas grand chose, un rien et elle se sent abandonnée. Alors Aura, elle fait ce pourquoi elle est douée : s'braquer, crier. Programme qui tombe à l'eau, elle n'a pas grand mal à trouver comment s'occuper. Sortir ou ruminer, le choix a été vite fait.
Elle rentre sans mal dans le club avec les deux filles qui l'ont invité. Impossible de retenir leurs prénoms, mais c'est pas comme si elles l'intéressaient vraiment, alors elle s'contente de les différencier dans sa tête en les surnommant
décolorée première et
seconde du nom. La brune s'dit qu'au pire, si elle les perds de vue, elle aura aucun mal à trouver leurs nombreux sosies sur la piste en train d'se dandiner. Il ne lui faut pas plus de deux minutes pour sentir sur elle tous les regards se braquer. Sur ses jambes, sur ses cheveux, sur sa robe, sur sa bouche. Aura aime à se dire qu'elle n'y peut rien, mais la vérité, c'est qu'elle aime tellement ça qu'elle y sacrifierait sans hésiter sa dignité. On lui offre un verre, puis deux, tandis qu'elle s'contente de danser. Puis très vite, les décolorées l'entraînent dans un coin plus privé, là où sniffent ostentatoirement les privilégiés. Elles prétextent de vouloir rejoindre un ami, mais elles veulent probablement surtout s'faire rincer. Et trouver une proie friquée à agripper pour la soirée. Aura s'met à regretter Liz, avec qui elle se s'rait sans aucun doute bien plus amusé. Elle l'aurait même aidé à trouver un moyen d'se venger de
Moran pour l'avoir si lâchement abandonné. Quoi qu'la brune était presque sûre de pouvoir s'en charger seule. Surtout quand le destin semblait vouloir s'en mêler.
La brune n'eût pas le temps de s'asseoir qu'elle avait déjà repéré Clovis dans un coin isolé, entouré d'hommes en costumes, probablement des associés. Et une pétasse sur les g'noux. Plus ou moins au courant d'ses affaires, elle devrait pas être surprise de le trouver là, pourtant une certaine amertume s'empare d'elle. Verre à la main, regard perçant, sourire faussement amusé, Aura se débarrasse des décolorées et s'avance vers le groupe.
Moran, distrait par la nana qui l'agrippe, finit tout d'même par la remarquer. Visage décomposé, celui qui fait face à une tempête qu'il n'arrivera pas à éviter.
J'espère que je n'interromps pas les affaires,dit la brune, sourire charmeur adressé aux associés, tandis qu'le principal intéressé n'a le droit qu'à un regard mauvais. Faut le dire, elle est partagée entre l'idée d'exploser, et celle de s'en amuser.
Tic tac, font ses ongles sur son verre.
J'en déduis que ta réunion s'est bien passée, elle insiste sur le prétexte dont il s'est servi pour la planter. Elle s'adresse à Clovis, mais c'est sur la blonde que son regard de glace est rivé.
Tic tac, fait la bombe sur le point d'imploser.
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