ori | i wasn't expectig that

Tu n’avais pas pensé remettre les pieds au Red Lion après l’incident de la dernière fois avec malotru et le vigile mal dégrossi. Mais tu avais promis à Ailish de donner une deuxième chance à l’endroit (et on ne renonce pas à une nuit de divertissement, soyons honnête). Tu n’avais qu’une petite propension au pardon mais en l’honneur de cette amitié toute neuve et de celle qui te liait à Lonàn depuis un bon moment déjà, tu avais décidé de remettre les pieds en ce temple de l’argent. Avec ton père, rien que ça. Tu ne t’étais pas attendue à ce qu’il te rejoigne, toi qui étais habituée à ne plus le voir que rarement aux repas de famille. Distance minutieusement installée entre vous, scrupuleusement bâtie par une belle-mère manipulatrice et sa fille tout aussi retorse. Ton père t’avait été arrachée il y a longtemps déjà. Et tu avais fait le deuil d’une relation qu’il n’avait rien fait pour sauver. Alors ce revirement était… inattendu. Et le cadre étrange : une soirée au casino pour une soirée père-fille ? Tu avais fini par rapidement déchanter lorsque tu avais compris que tout ceci n’avait été qu’une couverture pour une soirée d’affaires. Ce genre de soirées où on échange des millions sous forme de contrat en sirotant du scotch et en matant les nichons des croupières. Tu n’étais là que pour jouer à l’élément de décor, à apporter un peu de rondeur dans toute cette testostérone. Il ne l’avait pas dit mais tu étais sans doute là parce que ni Brenda ni Grace n’était disponible. Tu étais le faire-valeur, le plan c. Une donnée de remplacement. Pourquoi ça te faisait toujours aussi mal ? Quand tu pensais qu’il ne pouvait plus te faire plus de mal qu’il ne t’en avait déjà fait, il excellait à te prouver le contraire.

Il était minuit passé lorsque tu avais enfin pu prendre congé de sa mascarade. Que de sourires factices échangées, que de mains baladeuses que tu avais feint avec dégoût de ne pas sentir. Tu avais envie de vomir, putain. Tu t’éloignes enfin autant que ta robe haute couture et tes talons vertigineux te le permettent. Dire que tu aurais pu être tranquillement au fight club. Ou à la boxe, à exorciser cette rage qui te bouffait de l’intérieur. Il allait falloir que tu abandonnes définitivement quelque espoir que ce soit. Ton père était une cause perdue.

Tu percutes quelqu’un, perdue que tu es dans ton monde brumeux. « Pardon. » Tes yeux peinent à appréhender l’individu dont tu es bien trop proche. Mais très vite les détails te heurtent, la carrure, les muscles saillants qui traduisent une activité physique assidue mais pas simplement. Tu as côtoyé assez de « vrais sportifs » pour reconnaître ce qui font du muscle et savent s’en servir. Ton cerveau est passé en mode rabatteuse et plus tu l’observes, plus cet agent de sécurité a l’air de cocher toutes les casses pour que tu l’attires dans le monde des combats clandestins. Puis enfin tu atteins son visage, ses traits séduisants… et tu te fiches. Il n’est pas juste séduisant, il est connu. De toi, du moins, adepte des sports de combat. C’est le visage d’un champion déchu qui a su faire vibrer ton palpitant combat après combat. Tu fronces légèrement les sourcils mais c’est un sourcil qui étire légèrement tes lèvres. « C’est la première fois que je vous vois par ici. Vous êtes nouveaux ? »