poison and wine (ace)

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au loin, tu voyais le paysage s'éloigner sur ton passage.

longeant des champs, des bouts de forêt, et même quelques petits étangs, tu roulais depuis plusieurs heures maintenant. hier, tu t'étais réveillé du mauvais -ou du bon, selon le point de vue- et sur un coup de tête, tu avais décidé de quitter la ville pour la journée et la nuit. une envie de reconquérir ta liberté. vie domptée, tout roulait pour toi. tu avais passé toute ta vingtaine à morfler, à prendre des coups, métaphoriques ou non, en pleine poitrine. sang craché, poings liés à un destin qui te faisait vomir. une envie de tout foutre en l'air, toi le premier, un peu plus chaque jour. tu l'as fait jamais pourtant, certain qu'un avenir doré t'attendait.

et c'est au détour de tes vingt-sept que ce jour arriva. la cage en métal dans laquelle t'avais été enfermé des années, s'était enfin ouverte, et tu avais pu prendre ta liberté d'oisillon féroce. et depuis ce jour, les choses allaient mieux. beaucoup mieux. tellement mieux, que t'avais l'insupportable impression d'avoir atterri dans une nouvelle cage. l'habitude t'avait conforter dans une vie simple et banale, à des années lumières de celle que tu vivais avant. c'est drôle, comme la vie est faite. c'est dans l'idée de te libérer du quotidien, de reprendre un nouveau souffle, que tu avais fait une escapade dans une ville perdue dans la nature -plus encore que lewisburg- où tu avais passé une après-midi et une nuit des plus paisibles.

requinqué, l'oiseau de proie rentrer chez lui. les paysages de ta ville défilait finalement, et bien vite, tu retrouvas mulberry avenue et le kraken. voiture garée, t'en sortais, levant les bras au ciel pour les étirer. il était déjà tard. le nightclub était ouvert, tu entendais la musique résonner. rejoignant ton loft, situé juste au-dessus, tu déposas tes affaires, passant par la salle de bain. malgré l'obscurité, tu voyais une mine plus fière, plus robuste, plus apaisée. satisfait du reflet dans le miroir, tu changeas de tenue avant de descendre aux enfers, un étage et quelques en-dessous. saluant les habitués, tes employés, et envoyant des sourires à qui voulait bien les choper au passage, tu pris un verre de vin au bar. tes yeux de jais admirèrent une silhouette au loin. quelques secondes d'hésitation avant d'embarquer avec toi un second verre, et la bouteille. "ace." assis sur un siège, tu attendis qu'il se tourne vers toi pour continuer. "tu attendais quelqu'un, ou je peux boire en ta compagnie ?" verres et bouteille que tu remuais, comme pour l'attirer dans tes filets. pas question de boire seul dans ton coin.

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poison and wine.

Neo & Ace

Si Ace est en ce moment même, et de loin, bien chaussé dans ses baskets abîmées, il lui arrive encore de traverser des instants de purs excès...

Il s’était convaincu ce matin-là d’en finir avec la pièce qui lui servait de cuisine, et pour cause. Ce n’en était pas vraiment une, seulement un endroit sombre et exigu où il faisait réchauffer son café sur un réchaud de fortune. Lui qui n’avait jamais eu réellement de toit sur la tête s’en contentait habituellement mais aujourd’hui en réfléchissant au lieu parfait pour se poser et regarder le soleil se lever il s’était cogné à l’amas instable où trônait son brûloir. Vieux réflexe d’ancien sans-logis qui se débrouille avec ce qu’il trouve, sauf qu’en plus d’avoir le pied amoché et l’orteil gonflé il s’était cramé la cuisse. Pour empêcher la brûlure de s’étendre, il courait plutôt traînait la jambe, vers un point d’eau (qui n’était évidemment pas dans la dite cuisine, quand il y pensait il faisait la vaisselle dans une bassine élimée) pour refroidir la tache pourpre qui déjà muait, se boursouflait en une bulle lancinante.

Il hurlait Ace, non pas de douleur mais de rage. Exaspéré de n’être encore qu’un jouet de la destinée qui s’acharnait, alors que lui se considérait comme un rescapé en plein progrès, il vociférait des injures qui ne seraient, bien entendu, écoutées par personne, ni dieux, ni saints, mais qu’importe.
Fini la matinée enchantée à écouter les oiseaux chanter, non satisfait de s’être époumoné Ace a saisi un marteau patiné qui attendait sagement d’être utilisé pour une tâche plus constructive que de défoncer l’auteur innocent de la récente blessure. Sous les coups acharnés le réchaud explosait et comme ce n’était pas suffisant à le calmer, Ace perce de gros trous au mur où il était adossé. Essoufflé, il se recule enfin pour admirer l’étendue des dégâts, voit les premiers rayons de soleil filtrer, percer la lucarne improvisée. La colère est passée.

La colère oui, mais pas la tension qui courrait sous son épiderme pincé. La frustration d’avoir commencé par ruiner un peu plus l’épave où il logeait, l’avait tout droit conduit à une journée à ramasser, réparer. Pour s’amender il s’était même promis de se procurer une cafetière, premier élément high-tech, pour son habitat délabré mais au dernier moment il avait bifurqué. Ace avait besoin de se changer les idées et avait garé son bolide sur le parking du Kraken dont il était un habitué. Il s’assied à l’ombre d’un coin sombre espérant qu’un serveur dévoué, Kawther en particulier, lui ramène sa bière préférée. Elle ne pointe pas le bout de son p’tit nez, à la place le propriétaire de la boîte himself se dérange pour l’accoster. Dans ses mains deux verres et une bouteille de vin. Lui Ace n’y connaît rien au vin, mais il est certain qu’il ne ressemblera pas au vinaigre dont il s’abreuvait dans la rue pour se réchauffer et oublier. Il lui répond avec son habituelle amabilité.

- Comme tu voudras, cet endroit est à toi !

(c) calaveras.