Du petit journalisme pour les uns, une façon d'exister pour d'autres. Média délaissé, de plus en plus informatisé et les imprimeries en situation critique. Industrie délaissée, à l'abandon, dénigrée. Et pourtant, les journaux locaux en avaient, des choses à raconter. Depuis l'affaire de la grand-mère aux poupées vivantes, c'était ce que je recherchais : ce petit journalisme, ces palmarès de qui a le plus beau jardin, qui fait le meilleur gâteau. La vie quotidienne de Lewisburg, aussi simple et prévisible que peut l'être la vie dans une petite ville. Cela me rappelait peut-être, familier et confortable, ce nid près des fjörds norvégiens. Le calme du vent, la brise marine, la fraîcheur des bois environnants. Le tranquille, le banal. Je le portais comme un sourire en plein visage.
Aujourd'hui, je n'allais pas faire une légende avec une pomme de terre en forme de cœur découverte chez le producteur du coin. J'avais obtenu une entrevue avec le gérant d'un nightclub du centre-ville. Neo Kang et son Kraken. Je n'étais pas une grande partisane du monde de la nuit, préférant le cadre intimiste d'une soirée entre amis à la table d'un bar ou d'un restaurant. Danser au milieu des autres, musique frappant les tympans et alcool coulant à flots. Cela ne m'a jamais grandement intéressée...
Cependant, la curiosité me faisait aimer écrire cet article ! Un coup de pouce pour la rubrique où sortir à Lewisburg. C'est en plein après-midi que nous nous étions donné rendez-vous sur les lieux. Questionnaire préparé, chemise cintrée et pantalon à pince, je nouai mes cheveux dans un chignon approximatif en sortant de ma voiture garée. Quelques pas vers le club et je m'arrêtai, interloquée par mon reflet dans la fenêtre d'une autre voiture. C'était peut-être un peu trop... formel, non ? Je détachai mes cheveux, les arrangeai en passant ma main, les ondulant d'un mouvement calculé. Avant de me rendre compte qu'une silhouette me regardait bizarrement dans la dite voiture...
Gênée, je sentis mes joues devenir roses. Sans prendre le temps de m'attarder sur le visage intrigué, sans doute amusé, je rejoignis rapidement l'entrée du Kraken.
Je n'étais pas seule : quelques mains s'affairaient à divers préparatifs pour la soirée. Des bonjours discrets, étrangère de la fourmilière, je demandai à voir le directeur en m'annonçant d'une voix douce. « Herkja Reynolds, journaliste pour la Lewisburg Gazette, j'ai rendez-vous avec M. Kang », demandai-je avec un sourire amical.