and suffer eternally. (rosa)

Alors qu'il avance les mains enfoncées dans les poches, il ne peut empêcher son esprit de divaguer. De se perdre dans les souvenirs. En premier lieu envahi par les bons. Avec cette envie d'embrasser à son tour cette profession. De faire le bien, enfermer les méchants. Rendre justice. Suivre les pas de celui qu'il admire tant. Rien ne le prédestinait à passer de l'autre côté. Cette angoisse d'être découvert ne le quitte pratiquement jamais. Tout comme sa crainte de ne pas savoir faire demi-tour. Néanmoins, il ne refuse pas pour autant l'appel des billets verts. Falsification, dissimulation de preuves. Prévention avant les perquisitions. Adem ne sait pas comment il a fait pour tomber si bas. Pour devenir la honte du milieu. Il n'ose même pas imaginer la réaction de son père. Nul doute que la déception remplacerait la fierté dans ses yeux.

Encore une fois il s'apprête à enfreindre la loi. Continuant d'avancer dans la nuit noire, pour aller rejoindre celle avec qui il semble avoir étrangement lié son destin depuis une année. Rosa pouvait se montrer impitoyable, pour l'heure il n'en avait pas fait les frais. Mais nul doute en revanche qu'elle l'entraine dans sa chute si elle devait faillir de son trône. Il continue à se bercer de douces illusions la concernant. Se persuade qu'elle n'est pas si mauvaise. Qu'à sa façon elle essaye d'aider les plus démunis. Elle n'en reste pas moins à la tête du cartel familial, luttant contre les concurrents d'une main de maitre. Dans la pénombre il la rejoint, s'enfonçant un peu plus dans ses travers. On l'avait prévenu pourtant. On l'avait mis en garde une fois sa mutation accordée. Adem a pris ça à la légère, convaincu que ses années d'expérience suffiraient à ce qu'il ne mette pas les pieds dans la corruption. Nul n'est infaillible.

Il scrute l'horizon, sortant un paquet de clopes de sa veste. Tige entre les lèvres, il s'adonne à son besoin de nicotine. Son regard finit par se poser sur cette rose épineuse qu'il attendait. Il jette alors son mégot sur le sol, prenant le temps de l'écraser avant de la rejoindre. « Charmante. » Il a beau être là pour affaire, rien ne l'empêche de se rincer l'oeil, cette femme était un réel plaisir pour les yeux. « Y a une descente de programmée demain. » Il n'en oublie pas les raisons de ces retrouvailles nocturnes. Ses collègues étaient désireux, et acharnés à l'idée de la faire tomber pour trafic de drogue. Tellement proche de la réalité. Les soupçons étaient fondés, mais telle une anguille, elle leur glissait entre les doigts à chaque fois. Ce qui avait le don d'agacer ses acolytes, lui amenait entière satisfaction.

(c) calaveras.

C’est toujours la nuit. Retrouvailles douteuses, coups fourrés ou coups d’états. Les histoires fumeuses commencent toujours la nuit. Peut-être parce qu’elle est propice aux connivences, que les murmures qui s’échangent ne passent pas la fourrure des ténèbres. Les talons de Rosa claquent sur le sol humide, se répercutant en écho dans la rue déserte. Un lampadaire faiblement éclairé pour guider ses pas dans l’obscurité. Une scène de film noir, qu’elle pense dans un sourire fugace. Sauf qu’ici les balles sont bien réelles et le danger omniprésent. Souvent, elle jette un œil par dessus son épaule. Le cœur qui s’emballe jusqu’à l’ultime seconde, quand elle constate qu’elle est bien seule. Elle n’est pas femme à négliger sa sécurité. Trop consciente des risques, du plaisir qu’auraient certains à voir sa tête tomber. D’ordinaire jamais seule, ce soir c’est l’exception. Il y a des rencontres qu’il vaut mieux ne pas ébruiter, des visages qui doivent rester secrets. Le sien compte parmi ceux là, trop précieux pour être sacrifié sur l’autel de la négligence. Les flics pourris, il y en a bien trop. Cupides et idiots, on les compte par dizaines. Véritablement utiles, c’est une manne qui se fait rare.

À l’intersection, ses talons marquent le pas. Elle tourne à droite, ruelle plus sinistre encore, dépourvue d’éclairage. L’odeur du crime a des relents de sueur et de bouffe décomposée. Les bennes à ordures dégueulent des poubelles des commerces alentours. Le jour, la rue vit. Le soir, elle est tristement moribonde. Juste ce qu’il leur faut, une artère qui suffoque quand le soleil disparaît derrière la ligne d’horizon. Une grimace dégoûtée glisse sur son visage, balayant l’habituel masque d’indifférence qu’elle arbore en pareils occasions. Elle marche en zigzag, pour éviter à ses chevilles de toucher les immondices qui polluent le sol. Il est loin, le temps des bidonvilles de Medellín… Celui où la gamine ne craignait pas la poussière et naviguait droit devant sans prendre garde aux apparences.

Légère exaspération, quand elle constate qu’elle est la première sur les lieux. L’habitude de donner les ordres, d’être celle qui se fait désirer. Ici, le flic est son égal, pire, il se peut qu’elle lui soit redevable. Du pognon, il peut aller en chercher ailleurs. Des informations, il est le seul sur lequel elle peut se reposer. Elle n’ose s’adosser sur rien, reste plantée, droite au milieu de l’allée, guettant d’une oreille le moindre bruit suspect. Le bruit de ses pas se rapproche. Elle reconnaît l’homme dans l’ombre grandissante à ses épaules larges et sa démarche familière. Elle ne distingue pas son visage que déjà, elle entend sa voix. Bonjour à toi aussi Pointe de reproche dans son accent traînant. Elle sent son regard s’éterniser sur elle, mais déjà, il reprend. Les affaires sont les affaires et au milieu de cette ruelle puante, leur présence n’est pas anodine. Merci du tuyau. On fera ce qu’il faut. Demain, toute trace de méfait aura disparu. Coïncidence trop belle pour durer trop longtemps. Viendra le jour où la balance sera démasquée. Mais tant qu’il lui est utile, Rosa sait apprécier sa compagnie à sa juste valeur. Elle entrouvre son sac, duquel elle tire une liasse de billets verts. Avec les compliments de Grant et Francklin deux pas pour se hisser à sa hauteur, et sa main qui s’aventure jusqu’à la poche de poitrine de son blouson pour y glisser les billets de 50 et 100$. Toujours un plaisir elle retire sa main, croise ses bras, un mince sourire affiché sur ses lèvres carmin.

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La nuit était déjà bien installée, et le flic avance d'un pas décidé. Il sait où il va, et surtout ce qu'il à faire. Cette rencontre doit rester discrète, comme toutes les précédentes. Il ne peut pas se permettre d'être vue en compagnie de cette femme. Surtout pas dans ces conditions. Pour ses retrouvailles nocturnes, perdues dans une ruelle sordide. Il appréhende ce jour où sa corruption éclatera au grand jour. Ce jour, lui parait bien loin. Pour l'heure, il se sent protégé, tant qu'il arrive à couvrir ses arrières, c'est le principal. Il sait qu'il peut compter sur celle qui dirige d'une main de maître ce royaume poudré. Adem pour une fois, il est légèrement en retard, il presse pas pour autant le pas. Non, il prend le temps de s'adonner à son addiction pour la nicotine. Il sait que Rosa l'attendra, c'est elle qui a besoin de lui, pas l'inverse. Cigarette entre les lippes, il s'avance dans cette ruelle aux odeurs nauséabondes. À cette heure tardive, personne ne prendra le risque de s'y aventurer. Quand il s'avance, elle est là, plantée dans la pénombre. Ça l'amuse quelque peu de la voir si droite. Son mégot finit par rejoindre les autres déchets qui jonchent le sol de cette artère.

En guise de salutations, il se permet de la dévisager, Rosa avait des avantages non-négligeables. La raison pour laquelle il voulait bien l'aider à faire tomber le chef de la fratrie McGrath. Il ne relève pas son accueil, il se contente de lui balancer l'info pour laquelle ils se sont retrouvés ce soir. À savoir la descente de ses collègues demain afin de fouiller le QG du clan Suria en quête de drogue. Sûr de coincer enfin Rosa pour son trafic. Seulement, grâce à son intervention, elle allait encore une fois passer entre les mailles du filet. Encore une fois, ils ne trouveraient rien. Il redoute le jour où on lui donnera de fausses informations afin de tester sa loyauté. Faisant ainsi tomber son masque, révélant au grand jour son visage de ripou. Simple hochement de sa tête de sa part quand elle s'avance, liasse de billets à la main. « Merci à toi. » Adem la laisse glisser l'oseille dans la poche intérieure de sa veste.

Un sourire se dessine sur ses lippes à son tour. Son regard posé sur cette femme qui était d'être une fleur fragile et délicate. « Et toi tu as besoin de quelque chose? » Il n'est pas pressé de voir Rosa retourner vaquer à ses occupations, tout comme il n'a pas envie de réintégrer sa maison sur mariners boulevard tout de suite. La Colombienne avait peut-être quelques preuves ou soupçons a dissimiler pour que les regards se tournent vers Cahal. Il n'a jamais cherché à comprendre pourquoi, le simple fait de savoir que ce dernier était pourri jusqu'à la moelle lui suffisait amplement. Il va de soit que l'élimination d'un clan adversaire était suffisante en soit pour vouloir le faire tomber de son trône. Il suppose cependant la connaître assez pour savoir qu'une idée doit être en place dans son esprit à ce sujet. Qu'elle doit avoir d'autres plans en tête que la simple chute du corbeau pour le clan Mcgrath.

(c) calaveras.