- alcohol and bitterness
►Éloignée du repère habituel, enfermée dans ce bar isolé mais où il y avait ce super flipper ! J'avais presque autant dépensé en bière qu'en crédits... Le côté arcade de ce genre de jeux était particulièrement déconseillé aux personnes un peu trop compétitives... je voulais éclater le
high score enregistré mais ça semblait vain... De quoi me faire bouillir et persévérer dans mes essais. Sauf qu'au fil des bières, ça devenait de plus en plus brouillon. Passée l'impression de jouer mieux bourrée que sobre, j'en venais à vraiment faire de la merde.
Un coup sur le flanc du flipper d'avoir si bêtement perdu ma bille - encore - et le bruitage du tilt se fit suivre de l'extinction de la zone de jeu. «
Laisse la place, les nanas c'est pas fait pour le flipper, tu dois bien t'en rendre compte vu le nombre de parties que tu t'e's tapé, non ? Ou alors t'es vraiment stupide », siffla le serpent. Doux glas de la rédemption, prétexte à quitter la machine pour que, sur cette partie, ce soit lui qui fasse
tilt. «
Oh t'as raison, quelle perte de temps à appuyer sur des boutons alors que je pourrais tout aussi bien me défouler sur ta gueule cassée par toutes les baffes que les femmes doivent te mettre dans la tronche à longueur de journée ? » Me fis-je loquace tout en approchant vers l'énergumène trop confiant pour son propre bien.
Pour qui se prenait-il ? Juger ainsi et se permettre d'étaler à voix haute ses pensées misogynes ? J'avais beaucoup trop bu pour mesurer mes paroles et encore moins mes gestes. Mes paumes le poussèrent violemment contre une des tables qui dérapa de quelques centimètres sur le sol crasseux. «
Tu veux donner des leçons ? Vas-y, j't'écoute », insistai-je en faisant le saisir par le col. «
Mais t'es complètement tarée ! Lâche-moi salope ! » Se débattit le con de service en arrachant mes mains de ses vêtements.
Deux types vinrent nous séparer. Partant chacun de nôtre côté, nos regards se croisèrent dans une noirceur animale. Je tentai de passer la soirée loin du flipper et de l'emmerdeur. Mais à la fin de celle-ci, de l'autre côté du trottoir, je vis ce trou duc' s'en aller gaiement.
T'as pas les idées claires, laisse tomber, entendis-je le peu de raison trouver son chemin dans mon esprit. Mais dans ce genre de moment, dans ce genre d'état, ce n'était pas la sagesse qui l'emportait sur les choix que faisait ma cervelle ramollie par les trop nombreux coups encaissés au fil des années.
Sans réfléchir donc, je me précipitai d'un pas déterminé à rompre la distance qui me séparait du connard. Lui aussi m'avait vue. Et lui aussi semblait vouloir en découdre. «
Toi ! J'vais t'apprendre un peu la vie ma p'tite, ça t'aidera à retrouver le chemin d'ta cuisine », lança-t-il juste avant de se manger un violent
front kick en plein abdomen. Le coup le propulsa en arrière mais je ne laissai pas d'espace se créer entre nous. Au corps à corps, des poings qui s'enchaînaient. Il m'en mettait dans la gueule sans aucune vergogne et je lui rendait copieusement la pareille. Mes coups n'étaient pas précis, mes prises incertaines lui laissaient un trop gros champ d'action. Je pouvais prendre le dessus, il ne pouvait pas gagner ; alors peu importait la douleur je persévérais.
Ma tête tournait. J'étais bien trop ivre, venant même rire en voyant son poing m'arriver en plein visage et comprendre que mon cerveau ne réagirait jamais à temps pour l'éviter. Le pied ! Vraiment, l'endorphine se mêlait soudainement à la douleur. Je tombai à la renverse. Non pas à cause du poing... l'impact n'eut jamais lieu... pourquoi ? J'en sais foutre rien et je me retrouvai à regarder le ciel en étant étalée sur le bitume.
Toujours la même rengaine. Toujours la même galère. Toujours les mêmes conneries. Allai-je seulement grandir un jour et rompre le cercle ?