mrs clean. || Dag

mrs clean, here to unf*ck ur place.

La radio chantonne une reprise jazz d’une chanson française alors que la chaleur écrasante de la fin du mois de Mai s’est définitivement installée en cette fin d’après-midi. Le courant d’air presque inexistant qui traverse la maison peine à me rafraîchir alors que je suis occupée en cuisine. A croire qu’il ne fait pas assez chaud… Pourtant, je suis appliquée dernière mon piano de cuisson, surveillant ce qui se transformera bientôt en confiture de framboises. Mon frigo déjà plein de ses soeurs fraise, groseille et cerise.

Le four sonne et j’abandonne tout pour extraire un gâteau préparé avec une intention spéciale. D’ailleurs, je serai presque inquiète de ne pas avoir eu de nouvelles de ma patiente du jour si je ne la connaissais pas. Malgré l’heure ultra avancée, elle doit encore dormir. Ce qui n’est pas plus mal, vu son état de la veille. Elle a besoin de se reposer. C’est probablement pour cela que je lui ai préparé un dîner et quelques douceurs. Pour qu’elle en fasse le moins possible.

Quand je l’ai laissée rentrer hier soir, j’avoue que j’aurai préféré ne pas la savoir seule. Je sais qu’elle est habituée. Je sais qu’elle encaisse plutôt bien. Mais, pour ma tranquillité… J’avais seulement réussi à négocier, enfin imposer, une visite aujourd’hui. Ce qui, connaissant le caractère de Dagmar, était déjà une réussite. Alors, bien évidemment que j’allais en profiter au maximum. Bien évidemment que j’allais la pourrir d’attentions au point ou elle n’aurait probablement pas à quitter son lit ou son canapé autrement que pour aller aux toilettes et au frigo chercher de quoi s’alimenter. Probablement que c’était un peu extrême. Probablement qu’elle ronchonnerait. Mais au final, elle appréciera.

Un coup d’oeil à l’horloge me signale d’ailleurs que je devrais m’activer. Terminer tout le chantier ici, nettoyer, ranger les pots du jour. Préparer mon escapade vers le centre-ville. Dans l’absolu, voilà ce qui me dérange le plus. Devoir conduire jusque dans la ville, là ou tout le monde se trouve, fourmille. Je n’aime pas particulièrement aller en ville, simplement parce que je préfère le calme de ce quartier retiré, proche du lac où on entend les oiseaux plutôt que les klaxons.

Le trajet entre ma petite maison et le duplex de Dagmar est tellement ancré dans ma mémoire que je pourrais le faire les yeux fermés. L’habitude d’aller la voir, le plus souvent pour les mêmes raisons. C’est effrayant et rassurant à la fois. J’espère seulement que la princesse sera réveillée alors que je pénètre dans son bâtiment, grimpant les escaliers en courant presque pour gagner sa porte.

Je frappe, assez fort pour qu’elle m’entende si jamais elle dort encore. « Livraison du dîner. » Ce qui est vrai. J’ai dans la main un panier rempli de victuailles. Dans l’autre, mon cabas avec de quoi lui prodiguer quelques soins selon son état. La porte s’ouvre sur Dagmar, et je ne suis laisse pas le temps de dire quoi que ce soit. « Toscatårta et confitures. » Je lui souris, avançant déjà dans son appartement en agitant mon panier.

@Dagmar Lukanov

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J’agis rapidement. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Dagmar trouverait bien un million de raisons de se plaindre et de refuser que j’arrive comme ça, encore en plus pour lui apporter de quoi se sustenter. Parce que, c’est qu’elle n’est pas facile, la championne. Elle a son petit caractère. Avec le temps, j’ai appris qu’ils avaient tous leur foutu caractère, de toutes les façons alors… J’ai décidé que faire comme eux : faire ce qui me chante quand ça me chante. En l’occurence, la cible est Dagmar mais cela aurait très bien pu être Lonàn…

La cible referme la porte et si je ne lui ai pas encore jeté un coup d’oeil, c’est parce que j’étais trop occupée à rentrer rapidement pour éviter qu’elle ne me claque la porte au nez. Sa question me fait rigoler. « Toscatårta. Un gâteau genre quatre quart avec une couche croquante d’amandes effilées au beurre. » Définitivement un truc qu’on évite pour la ligne, mais, avec tous le sport qu’elle fait, elle peut largement se le permettre. Et puis, c’est un peu un gâteau doudou, alors, elle devrait y trouver un peu de réconfort.

En attendant, plutôt que de me retourner sur elle, je continue ma lancée et mes yeux balaient la grande pièce du regard. Clairement, cette semaine, Dagmar n’a été là qu’en coup de vent. Coup de vent étant parfaitement indiqué vu l’état de son appartement. A croire qu’une tornade était passée par là. Je laisse le panier s’échouer sur la table basse et mon cabas à côté.

« Blablabla… Je n’aurais pas dû… » Je lève les yeux au ciel prenant finalement le temps de la regarder installée dans le canapé. La façon dont elle se tient me laisse penser que ça va être douloureux quelques jours. Je vais la surveiller du coin de l’oeil mais pour le moment, je déballe déjà le contenu du panier. « Une part de gâteau ? Il est frais. » Je débarrasse l’assiette du linge qui entoure le gâteau pour le tenir juste à peine tiède posant le tout sur la table basse. « Je t’ai même apporté des confitures que j’ai faites avec les fruits de mon jardin pour mettre dessus. »  Je prends un air très sérieux.

Parce que je me doute que le plus souvent, elle mange des trucs immondes déjà préparés ou de la bouffe qu’elle se fait livrer. La seule chance d’habituer en Louisiane, c’est que les restaurants ici ont une culture culinaires plutôt riches et interessantes. Malgré tout, ça peut rapidement devenir très gras et sucré si on ne fait pas attention. Au moins, je sais que ce que je lui apporte est relativement sain.

Si je pose les pots de confiture aux côtés du gâteau, le reste ira droit dans son frigo sous forme de Tupperware. « Je t’ai aussi fait de quoi dîner comme il faut. » Je tapote sur le couvercle du conteneur du dessus. Rien d’extravagant, des lasagnes aux épinards pour tous les bienfaits que cela peut apporter.

Je me retourne, me dirigeant vers la cuisine et le frigo comme si j’étais chez moi. Avec le temps, j’ai appris que je devais faire comme chez moi. C’est aussi pour cette raison que je fouille les tiroirs pour extirper un couteau, puis les placards en quête d’une assiette. Le seul but est de lui faire manger du gâteau. Qu’elle le veuille, ou pas d’ailleurs.

« Tu as bien dormi? Tu te sens comment? » C’est posé simplement, ouvertement alors que je reviens vers elle. Ce n’est pas qu’une visite de courtoisie, non. Je suis tout de même venue pour savoir comment elle va et éventuellement essayer d’améliorer les soins prodigués la veille au soir. La seule chose que j’espère, c’est qu’elle se laissera faire facilement.

@Dagmar Lukanov

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C’est presque un affront lorsque Dagmar me demande si je fais vraiment mes confitures. Je lève les yeux au ciel, exaspérée. Depuis le temps, la réponse à cette question est une évidence et je sais que les moqueries sur ce sujet peuvent aller très vite, très loin. Il suffit de voir leurs réactions quand parfois je bricole mes bestioles en crochet au fight club pendant un temps calme ou je ne suis pas nécessaire. Depuis le temps, je m’y suis habituée et je dirais que nos différences me font parfois rire. Si je suis terriblement barbante et rangée, certains d’entre eux sont diamétralement opposés à mon style de vie. De sortie le plus souvent, abusant de certaines substances ou autres « douceurs », se nourrissant de plats à emporter ou de livraisons entre deux combats.

Le ton sarcastique de mon amie me rappelle à l’ordre. Je sais qu’elle ne dort pas très bien. Je connais certains de ses secrets, certaines de ses peurs. Je sais aussi que certaines de ses difficultés sont si profondes qu’elles auront du mal à être exorcisées, si elles le sont un jour. Je souffle à sa confession. « Je t’ai déjà dit que je pouvais t’avoir de quoi dormir. » Et quelque chose de plus recommandé que de la bière ou autre chose de plus fort. Mais, mes remèdes de mamie ne leur plaisent pas, alors…

Je m’installe à genoux et lui coupe une part de gâteau malgré ses pseudos protestations. « Tututu. » Je ne lui coupe pas une part démesurée, juste de quoi la faire accepter, qu’elle le veuille ou non. Mais c’est quand je la vois en train de se lever que je bondis sur mes pieds, l’attrapant par les épaules. « Je crois qu’on s’est mal comprises. » Je lui lance un grand sourire, poussant doucement vers le canapé pour qu’elle y retrouve sa place.

« Si tu avalais quelque chose, tu ne te sentirais pas nauséeuse. C’est quand la dernière fois que tu as mangé, hum ? Bien avant le match. » Et je la regarde d’un regard appuyé. Je sais que j’ai raison. Souvent, ils mangent assez longtemps avant pour ne pas avoir l’estomac trop lourd, mais suffisamment bien pour avoir l’énergie nécessaire. Un peu comme de vrais champions.

« Donc tu vas te réinstaller et manger un peu de cette douceur pendant que je vais aller te faire un thé. » Regard appuyé et ferme. Non, je ne lâcherai rien. Non, elle n’a pas le choix. Et qu’elle n’essaye même pas de feinter je ne sais quoi, je sais ou appuyer, littéralement, pour la mettre à genoux. « Allez… » Je n’attends que de voir son postérieur se poser sur le canapé pour lui refourguer l’assiette et partir m’occuper de son thé dans la cuisine. D’ailleurs, la vaisselle mériterait aussi un peu d’attention.

@Dagmar Lukanov

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Elle ne touche pas aux drogues. C’est assez drôle cette façon de penser. Certes, elle ne touche pas aux drogues officielles, mais, ce rend-elle compte que l’adrénaline, les bières et certaines autres petites choses sont des drogues ? Ce n’est pas forcément la substance qui compte, mais l’effet. Et, je mettrais ma main à couper que l’effet de certains de ses petits plaisirs, bien qu’innocents, aient le même effet qu’un fix de cocaïne. Enfin, Dagmar était grande. Si je pouvais me permettre beaucoup de choses, je savais aussi qu’il y avait une limite que je ne devais pas dépasser. Après tout, officiellement, je n’étais plus médecin. Je n’étais pas sa mère, ni sa sœur. J’étais, au mieux, une de ses amies très proches. Ma place n’était pas autre part.

Ma place, pour le moment, c’est tout de même de me diriger dans la cuisine pour faire chauffer de l’eau pour son thé. Avec le temps, j’ai appris certaines de ses manies et je sais qu’elle n’aime pas quand son thé trop chaud, certainement pas sucré et encore moins trop infusé. Alors, je m’active, sagement, la surveillant du coin de l’œil alors que la bouilloire commence son office. Sa petite remarque me fait rire, sincèrement, alors que j’extirpe la dernière tasse du placard. « Oh non, ce n’est pas parce que je suis toubib… » Je lève les yeux au ciel franchement amusée alors que je cherche le thé. « C’est simplement parce que Lonàn râlerait comme un gosse contrarié si j’étais blessée et indisponible parce que tu m’as attachée. » Et je le regarde, lui lançant un regard de gosse dans le genre « tu sais que j’ai raison ». Parce que, si nos petites querelles de nanas ne l’intéressaient pas, je présume que si Dagmar le privait de son toubib pour le prochain match, il râlerait un peu, McGrath.  

J’arrête l’eau avant que la bouilloire ne s’arrête, préparant son thé avant de ne lui apporter. J’ai même un regard satisfait quand je constate qu’elle a entamé la part de gâteau que je lui ai servie juste avant. Pourtant, je ne m’y attarde pas. J’ai remarqué que la cuisine aimerait bien l’attention de mes mains de femme au foyer plus ou moins désespérée. D’ailleurs, c’est Dagmar elle-même qui essaye de me stopper en insistant d’un ton impérieux pour que je reste là, assise, à la regarder.

« Toi et Lonàn, y’a vraiment rien à faire. » Je secoue la tête, me dirigeant malgré sa tirade vers l’évier et ses cadavres en manque d’attention. « Si je le fais, c’est que cela ne me dérange pas. Et encore heureux que vous surviviez l’un et l’autre entre deux passages de Maman Beatrix. » L’eau coule dans l’évier et je vérifie la température avant de ne commencer la tâche qui m’attendait : la vaisselle ;

« Vous ne demandez rien. Contentez-vous d’apprécier et de dire merci, non ? A moins que ça ne soit trop dur. Et dans ces cas-là, plutôt que de venir vous voir pour éviter d’être tentée par ces tâches ménagères qui murmurent mon prénom… Je vous ferai venir à la maison. » Et je me doute bien que ça les agacerait encore plus.

@Dagmar Lukanov

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Je ne dis rien. Non, je me contente de rigoler mentalement à sa réflexion et son espèce d’expression qui est supposée me faire paniquer. Comme si Dagmar au pouvoir pouvait être effrayant. Au mieux, on aurait surtout peur de la réaction de Loni qui vivrait mal de ne plus être l’homme de ses dames. Mais, pour le moment, il était plus qu’évident que cela ne serait pas demain la veille et de toutes les façons, je n’imaginais pas Dagmar aller s’emmerder avec des histoires pareilles. Elle était déjà assez occupée.

Elle est même occupée à essayer de me râler après, parce que je sais qu’elle bouille intérieurement que je me mette à faire la vaisselle. Je me doute aussi que si son état lui permettait, elle serait déjà à me pousser gentiment pour le faire elle-même. La fierté… Enfin, je me mets doucement à la tâche, pas spécialement habituée puisque j’ai succombé à l’appel de la modernité rapidement lorsque j’ai emménagé. Avec toute la cuisine et autre que je fais, hors de question de tout laver à la main… Je n’aurais plus de vie. Pas que j’en ai une très palpitante, mais, tout de même.

Les mains dans l’eau tiède, presque jusqu’au coude, je frotte alors que je rigole doucement. Elle semble si sûre d’elle… Je crois que c’est plutôt eux qui ne feraient pas les malins chez moi. Tout est si rangé, astiqué… Je me doute qu’ils me diraient que c’est n’importe quoi, qu’on se croirait dans un magasin. J’ai toujours été comme ça. Maniaque, perfectionniste. Ça s’est accru quand j’ai commencé à habiter seule… C’est devenu un moyen de combler le temps quand j’ai posé mes valises à Lewisburg. Tromper l’ennui pour ne penser à rien d’autre.

« Vous seriez comme des enfants chez votre grande-tante blindée aux as et chez qui tout est immaculé. De grands yeux et une moue de gosse à qui on a presque interdit de respirer. » Je lui jette un œil et je remarque qu’elle s’est rapprochée. Je ne dis rien. Elle serait mieux dans le canapé, mais, je sais que c’est une question de contrôle d’apparence.

C’est la suite qui me fait baisser les yeux et me concentrer en frottant un peu fort sur une assiette qui n’y est pour rien. J’ai pas mérité de finir là. Mais où ai-je mérité d’être alors ? J’ai les mâchoires qui se serrent mais j’essaye de ne rien montrer. Ou est ma place alors que j’ai perdu tout ce pour quoi je me suis battue ou presque ? Nul ne sait, même pas moi. Surtout pas moi. Il n’y a que Lonàn qui a réussi à me trouver une place qui fait effet placebo.

« Profitez-en. Quand j’aurai un mari et des gosses, je n’aurai plus le temps pour vous. Et je vous manquerai. » Sourire par défaut avant de ne passer à l’assiette suivante. Cette fin, on sait tous qu’elle n’arrivera jamais. Parce que c’est contraire aux raisons qui nous lient.

@Dagmar Lukanov