—French Quarter, New Orleans, Louisiana.
Anxieuse, assise à la table dans ma petite orbe d’été à noeuds, je regarde les gens autour. Ici, personne ne me connait. Comme presque partout. Mais, ici, je suis certaine de ne pas croiser quelqu’un qui pourrait ne serait-ce que rapporter ma présence à Falco aussi loin de chez lui. Parce que, mine de rien, La Nouvelle Orléans, c’est proche mais éloigné. C’est surtout plein de vie, plein de gens. Un amas effervescent qui peut faire disparaître n’importe qui…
Si le but n’est pas non plus de disparaître totalement, il est de disparaître au moins le temps que ça prendra à Ace de venir, ou pas. Le temps que j’essaye d’obtenir des réponses, aussi. Encore une fois, à son bon vouloir.
J’aurais pu simplement l’appeler. Mais, je ne voulais pas laisser de trace. Aucune trace, rien. Je me suis contentée d’appeler le numéro qu’il avait griffonné sur le papier tendu quelques jours auparavant. C’est sa messagerie vide qui m’a saluée et plutôt que de ne réfléchir à des millions de scénarios sur le pourquoi il ne répondait pas, pourquoi son répondeur ne donnait pas son nom… Je me suis contentée de lui laisser une adresse et une heure.
Adresse et heure où je suis présentement. Ce petit restaurant dans le quartier français passe probablement inaperçu pour beaucoup de gens.Un espèce de dinner avec une ambiance bistrot à la française comme me l’indique le menu dont la moitié des noms me semble imprononçable. L’importance est moindre, car je ne suis pas ici pour déjeuner, malgré l’heure. Et si j’ai des noeuds dans l’estomac, c’est seulement d’anxiété.
Ace ne devrait plus tarder si il compte me gracier de sa présence. Ace. L’envoyé de Kawther. Ma douce Kawther. Mon soleil. Pas une minute ne s’était écoulée sans que je pense à elle depuis que son prénom était revenu dans mes oreilles, dans ma mémoire. Elle était ici. Ici, mais ou ? C’était vaste, dans l’absolu. Elle pouvait être à Lewisburg… Ou seulement dans les environs. Elle me cherchait… Mais dans quel but ?
Si j’avais confiance aveugle en elle, je peinais à ne pas imaginer le scénario catastrophe. Je peinais à l’imaginer libre. Je peinais à nous imaginer plus ou moins libres, ensemble. Le plus dur était d’imaginer la revoir et la laisser constater que la liberté relative accordée par ma vente m’avait peut-être enfoncée plus profond encore que les méandres dans lesquels je sombrais déjà avant de ne quitter Las Vegas.
Malgré le brouhaha qui emplit la pièce, j’entends la petite clochette de la porte et je tourne la tête. Ace est là, dans l’encadrement et je n’arrive pas à savoir si je suis soulagée ou non. Probablement que non. Si il est là, c’est qu’il a des réponses à m’apporter. Des questions à poser peut-être. Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que je ne peux pas reculer alors que je lui souris difficilement.