it is one of those nights (syd)

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la pointe de son nez se fronça, libérant sur son front quelques rides amères. l'esprit endormit, un de ses yeux s'ouvrit à moitié sur une chambre froide et noire, emplit d'un manque de vie certain. serait-ce la lune qui vient chatouiller sa joue laiteuse pour le réveiller alors que les étoiles chantent encore la même mélodie? son portable vibra une seconde fois, éveillant son corps pour la dernière fois.

la lune s'inclina, firent de même les étoiles, sur le corps malsain d'un gamin qui venait de se faire réveiller en plein milieu d'un rêve carmin.

sans même voir l'interlocuteur qui venait déranger le silence de son univers, sa main s'empara du téléphone pour décrocher mécaniquement. une voix. un homme. un prénom. syd. un appel a l'aide qui le fit grogner sévèrement, ajoutant comme toute réponse des murmures à peine perceptible commandée par sa bouche pâteuse et ce sommeil interminable. il voulait dormir,

mais il allait sortir.
il allait le retrouver,
encore et toujours,
les bras ballants
et la tête en vrac.
peut-être sous un banc,
peut-être sur une barque.
toujours un nouveau défi,
toujours un nouvel oubli.

il raccrocha au nez de son interlocuteur, trop absorbé par l'idée de sortir de ce lit et affronter la brise fraîche, que d'aider un homme perdu au milieu d'une ville qu'il devrait pourtant connaître autant que lui. ses pas traînaient contre le parquet. ses mains frôlaient les objets avec nonchalance. son visage resta à moitié endormi lorsqu'il quittait son appartement, les yeux rouges et le ventre anormalement vide. son manteau noir épais et long pour cacher sous ce revêtement, un pyjama bleu nuit qu'il s'était résolu à ne pas quitter qu'importe la raison. son corps se dissolvait sur l'odeur du béton, il s'élargissait contre les ombres des lampadaires jaunis par cette ville éveillée pourtant si, si, si silencieuse. sur son chemin il ne croisa qu'un homme rentrant chez lui, ou bien, lui aussi, à la recherche d'un gamin perdu.

cette berceuse, douce litanie, cette mélodie: ce sont les vagues. elles s'étalent, elles rebroussent chemin, elles reviennent, continuellement, perpétuellement. ne sont-elles jamais fatiguées? ne dorment-elles jamais? ne se laissent-elles jamais bercer par leur propre son? des questions essentielles qui embrumaient son esprit d'une couche fastidieuse afin de ne pas déranger ce corps, inlassablement éteint. un corps au loin. un visage au loin. un point sur son téléphone qui suivait à la trace celui de syd, un traceur installé secrètement dans le fond de son cellulaire pour éviter ce genre de galère. il continuait d'avancer avec ses baskets raclant le sol en direction de ces cheveux blonds se dispersant au rythme du vent. syd! par-ici. il leva une main pour appuyer ses paroles criées. au fond de cette voix, une rage terrible qui grondait contre un ciel noirci. lorsque l'enveloppe syd ne fut plus qu'à quelques pas du sien, une brise légère vint chatouiller le bout de son nez. un mélange d'alcool et de sueur, rien de tel pour faire froncer les sourcils d'un henry claqué. t'as bu? une affirmation, plus qu'une question. mais son cerveau laissait planer le doute, pas assez éveillé pour tirer des conclusions hâtives. son corps se laissa tomber doucement contre un muret en pierre, construit pour garder les vagues et la mer loin de ce qui pourrait ressembler à un bout de terre. ses yeux verts contre le froid de cette mer, il ferma les paupières, happé par ce son sévère.

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il s’est paumé, syd. paumé dans les ruelles. paumé dans sa tête. paumé, tout court. il erre, esseulé dans cette ville désertée par le monde. tout là haut dans l’ciel, y’a la lune qui l’toise. et l’môme la regarde. l’admire de là où il est. minuscule petit être qu’il est face à la grandeur de l’astre nocturne. sa lumière le fascine un instant. lui donne envie d’rester au milieu d’la route pour la laisser l’éblouir de sa blancheur pâle. il se souvient quand il était petit, les heures qu’il a pu passé à la regarder à travers les barreaux. la voyant comme la fuite qu’il espérait. le bout du tunnel dans l’enfer qu’il vivait. et aujourd’hui, il est libre et elle, elle est toujours aussi haute, toujours aussi loin et il espère toujours autant l’atteindre.
retour sur terre. retour à son problème actuel. au fait qu’il soit paumé dans cette ville. qu’il se souvienne plus comment il en est arrivé là. un after qui s’est terminé dans une maison abandonnée, peut-être. une partie d’cache-cache dans une bâtisse hantée, sûrement. dans tous les cas, il sait pas où il va, ni où il d’où il vient. trou noir d’la soirée, incapable d’se souvenir. comme d’hab, il a des trous dans l’crâne. y regarde à gauche, y regarde à droite. y’a qu’des vieilles maisons et, au loin, le bruit d’la mer. la symphonie des vagues qui s’échouent sur le rivage. syd suit l’appel d’la mer. y songe à passer la nuit sur la plage et voir ce qu’il fera demain. se souvient déjà plus d’avoir appelé henry quelques minutes plus tôt. énième trou dans la tête, énième trou dans sa soirée.
les pas qui le mène jusqu’à elle. cette mer calme qui ne s’agite que parce qu’elle est obligée. il est encore trop tôt pour que sa violence s’éveille. elle tourne au ralentie. attend qu’le soleil prenne la place de la lune. syd, lui, il veut pas la voir disparaître, bien trop habitué à sa présence et à ce qu’elle signifie pour lui. l’gamin est un animal nocturne. a trop longtemps vécu dans l’ombre pour s'habituer un jour à la lumière. dans sa poche il fouine, remue tout l’bordel qui s’y trouve. des billets froissés, d’la came, un peu d’beu et ses clés mais pas ce qu’il cherche. va dans l’autre, fouille toujours. son téléphone, une capote et son paquet d’clopes. il le sort, l’ouvre et compte, à la lumière de l’astre nocturne, combien il lui en reste. juste assez pour finir la soirée. contre le petit muret que son dos vient s’appuyer alors qu’il soupire, persuadé qu’il passera la nuit à la belle étoile.

il l’entend cette voix. celle de henry. elle fait écho au son des vagues. elle lui fait détourner l’regard. et syd il fronce les sourcils. comprend pas comment son pote peut s’retrouver là. s’rappelle vraiment pas lui avoir envoyé un signal de détresse plus tôt. sa carcasse se détache du mur et s’avance jusqu’à lui. « j’crois, ouais. » qu’il répond. à vrai dire, il sait plus trop c’qu’il a consommé pendant la soirée. sait plus s’il a bu. s’il s’est défoncé. s’il a sniffé. « t’as une sale gueule. » constatation qu’il fait face aux p’tits yeux d’son bro. l’mome l’a réveillé dans sa nuit profonde. les deux retournent contre l’muret. s’échouent là comme les vagues le font plus loin. syd ressort ses clopes, en prend deux. une pour lui. une pour henry. il lui tend. « t’en veux? j’ai pas mon briquet par contre. j’crois qu’il est resté à l’appart. » ou dans la maison qu’il a quitté sans jamais la retrouver. ou quelques part sur l’bitume qu’il a piétiné. il en sait trop rien. et, au fond, il s’en fout. ça n’a pas d’importance. pas plus que d’savoir comment il a réussi à s’paumé dans une ville qu’il devrait connaître.

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un 'je crois' qui lui brise les tympans.
le retour d'syd, la passoire à plein-temps.

des yeux timides roulent vers le ciel avant de s'abattre sur des vagues en colère. un rêve ou un mirage, de par son corps planqué dans un sommeil étrange, henry s'dit que c'est la première fois qu'il voit le lac. un lac. un étendu d'eau bordé par une plage sablonneuse. la première fois et pourtant, le son des vagues lui semblent si familiers. tu fais chier, syd. tu te souviens au moins de m'avoir appelé? peut-être pas. certainement pas. parce que syd oublie toujours tout. il comprend pas toujours tout. il sait pas vraiment tout. y a des soirs, remplit de méchanceté où henry s'interroge sur le pourquoi du comment cahal a choisi syd. le mystère qui résonne dans la pièce, un silence pour simple réponse. il s'en veut toujours de se poser cette question. parce qu'il l'apprécie syd. parfois trop, parfois pas assez. comme un frère qu'on idole sous les étoiles, qu'on déteste au lever du jour.

un astre qui fait des désastres pour un simple sourire, un regard, un geste. ça fait chauffer son myocarde de se savoir utile, de savoir que syd l'apprécie. toujours à sa manière, cependant. ses mots étranges qui résonnent, presque dur à ses oreilles, presque mesquin sur ses lèvres (mais il sait, henry. il est pas con, henry. c'est comme ça qu'il aime, syd. c'est pour ça qu'il l'aime, syd.) ta gueule, syd. n'en rajoute pas une couche, tu veux. il ronchonne, bercé par les vagues et se levant doucement au son de sa voix. les lampadaires agressent ses yeux verts, sa peau laiteuse se réveillant lentement. son esprit ouvre les yeux, frotte son crâne, se demande qu'est-ce qu'il fait là, prend son temps devant les vagues avant de recommencer.

à réfléchir.
à réfléchir.
à encore réfléchir.
à toujours réfléchir,
pour le pousser un jour ou l'autre
au bord du gouffre dans lequel il s'échouera pour toujours.

une cigarette qui s'offre à lui. ne pas refuser pour ne pas provoquer un scandale. mais comme toujours, syd ne fait qu'une partie du boulot. ça ouvre une porte, dans son esprit. cette porte fermée à clé, à double tour. protégée par une forêt noirceur, de vides pour empêcher un inconscient de s'y incruster. cette porte se déverrouille. elle grince. un filet gris argenté éclaire la pièce et c'est l'énervement qui pointe le bout de son nez. d'abord timide, il sort lentement. il cherche, à tâtons, une prise ou un piège qui le renfermera jusqu'à la prochaine colère. rien. qu'un vide qui ne demande qu'à l'énervement de gonfler, il grossit en quelques secondes. nuage brumeux d'un agacement qui fait tiquer henry. tu crois. tu crois toujours mais tu sais jamais. son dos s'écarte du muret et son corps se déplace, bouffé par sa propre ombre. il sort de sa poche de manteau son propre paquet avec à l'intérieur, des cigarettes parfaitement alignées où entre elles, un briquet si joliment disposé n'attend qu'un mouvement pour exploser. sa cigarette s'embrase en silence, imitant ses baskets qui semblent léviter contre le bitume. à nouveau, henry n'est plus qu'un mirage. une ombre parmi les ombres, un homme au visage qui s'efface, rien qu'un murmure terré dans l'immensité du moment. il tend en arrière son briquet, car l'énervement brumeux tourne autour de cette lumière qui l'agace. éclair mielleux de ce que l'on pourrait appeler amitié, qu'aucun énervement ne pourra taire même, pour un soir ou un jour.

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il a l’cerveau en passoire, syd. les souvenirs qui fuitent. qui dégoulinent d’partout. il ne passe pas une journée sans qu’il laisse derrière lui des brides d’sa mémoire. petit poucet qui parsème l’macadame de ce qu’il perd. ça s’échappe d’cette cervelle fissurée. d’ce crâne qu’on a prit pour cible. qu’on a voulu brisé à grand coups d’mandales. une brèche devenue cicatrice invisible des torgnoles reçues. et ça s’envole dans les airs. ça tourbillonne dans l’néant d’la vie. ça s’évade sans jamais revenir. ou parfois si. mais souvent non. quand ça disparaît, ça disparaît pour toujours.
haussement d’épaules. non, l’gamin se souvient pas. ce détail-là d’la soirée qui s’est fait la malle en compagnie d’tous les autres. « si, j’me souviens. » mensonge qu’il cache derrière sa façade glaciale. comme un gamin, syd ment pour n’pas montrer qu’il a l’cerveau qui fuit. pour pas montrer la perte de contrôle sur ses songes. parce que l’bambin, il est pas comme henry. il a pas cette obsession pour l’contrôle. y se fout de l’ordre. aime le désordre. aime le chaos de l’incertain. l’anarchie pour philosophie de vie. plus c’est l’bordel, plus il s’y retrouve. dans l’chaos, il trouve sa place, son équilibre.

il est pas d’humeur, henry. ça s’entend dans sa voix. ça se voit dans ses gestes. il a cette façon d’lui répondre. cette manière d’parler que syd déchiffre tout de suite. cerveau troué mais pas dénué d’sens, l’gosse. alors il le laisse râler, ronchonner, bougonner plus par habitude. c’est ni la première fois. ni la dernière. routine d’une amitié bancale. les deux se connaissent trop pour se cacher des choses. même les non-dits transparaissent. les gestes trahissent l’affecte. « t’es d’bonne humeur à c’que j’vois. tu sors tes belles phrases des grands jours. » qu’il balance, provoquant ce frère qui joue les pères. et il le regarde s’éloigner un instant, lui tourner le dos. c’est le silence nocturne qui s’installe entre eux deux. mur invisible qu’henry finit par traverser d’un mouvement de bras. une main tendue celui qui se joue de ses mots. syd attrape le briquet comme un enfant à qui on offre quelque chose qu’il ne mérite pas. la flamme éclaire sa peau blanche avant d'embraser la gourmande. du muret, il détache sa carcasse pour venir rendre le zippo à son propriétaire. « tu comptes faire la gueule longtemps? » l’audace qu’il a d’jouer avec la patience de celui qui a fait l’effort d’être là. ses pas viennent se mettre aux côtés des siens. et son regard qui retourne vers elle, cet astre qui les observe, témoin de leur colère. témoin de cette affection silencieuse.

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abandonner aux yeux de syd
une explication presque futile,
d'un ordre dans ses pupilles malhabiles.

il n'a pas d'autres choix que de se laisser croire,
oubliant un soupir déranger ses lèvres fermées.
henry se prélasse sur le sens de ses histoires,
à croire qu'il n'a pour unique but, se dégoter un nouvel auditoire.

ses baskets qui raclent la nuit à même les étoiles, laisse son esprit divaguer dans le noir. ne pas se réveiller, il ne veut pas se réveiller. car le silence est trop fort, le calme est si prenant, l'oubli est si fragile. et la lune dans tout ça. cet œil immonde qui les poursuit jusque dans leurs terribles cauchemars. elle s'inspire de ces tableaux aux yeux suiveurs, regardant et jugeant leurs corps chétifs. il lui suffirait d'ouvrir sa gueule acérée de dents enragées pour faire qu'une bouchée de ces êtres, suintant de peur au quotidien. un frisson le parcours. à cause de la brise de minuit. il se rassure en silence, alors qu'il lance fiévreux, un œil malheureux en direction de ce géant cadavéreux. c'est au cœur de la nuit que le monde s'obstine à nous montrer ce qu'il pourrait devenir, si le monde ne vivait qu'à l'aide, de si éphémères.

j't'demande d'la fermer c'est si compliqué à digérer pour ton cerveau d'bouffon? sa voix déraille dans les aiguës, source d'un réveil en cours. et v'là sa main qui vient arracher son bien des mains de ce frère étrange. bien qu'il fusille ce dernier du regard, il prend le temps d'agir avec délicatesse pour ranger son briquet soigné. j'fais pas la gueule. un râle s’échafaude pour réponse. il retrouve ses formes de l'insolence qui le berce depuis l'enfance. insolence qui serpente entre ses os, vipère salée à l'emprise dentée. sa cigarette qui s'épuise entre ses doigts, change de place pour s'agripper à ses fines lèvres. il fait une tête de plus que lui, syd. et c'est énervant. énervant de devoir lever les yeux, d'incliner légèrement sa tête pour faire face à ce géant débecté.
et la voilà, cette impression. l'impression de n'être qu'un enfant. un gamin. un gosse. un moins que rien qui voudrait faire six mètres de plus. pour tous les regarder de haut, lâcher des soupirs et des sourires en coins fatidiques. pour pouvoir faire comme syd. pour avoir l'air comme lui. pour avoir l'air encore plus grand, pour avoir l'air encore plus, pour avoir l'air.
juste avoir l'air.

j'te ramène ou t'as décidé d'me faire la cour à la belle étoile? des mots qui, sous la lumière d'une bougie en fin de vie, se transforment en un désolé succinct. l'idée d'une trêve dans sa rage fortuite, qu'il glisse sous le coup d'une plaisanterie de mauvais goût. ses lèvres recrachent la fumée, ses doigts reprennent l'avantage de sa cigarette et son corps, lui, commence seulement à obéir à henry. ses yeux dansent sur les alentours endormit. il laisse les rouages de son cerveau se débloquer dans un vacarme ouaté, à la recherche du chemin le plus court pour abandonner l'grand syd à sa nuit difficile.

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y’a les souvenirs d’sa soirée qui reviennent par moment. comme des étincelles d’lucidité. pendant une milliseconde il aperçoit quelque chose. des gens. des bouteilles. d’la drogue. et puis, à nouveau l’néant qui reprend sa place. sa cervelle qui cherche à faire les connexions. brancher ses neurones pour se souvenir d’comment il en est arrivé là. comment il a finit par s’paumer dans la nuit. comme si tout ça avait une quelconque importance. comme si ça pouvait rétablir un semblant d’équilibre dans l’bancale d’ses pensées. syd s’en fout d’tout ça. s’en branle d’comment il en est venu à s’paumer. lui ce qui voudrait c’est plus oublier. plus devoir appeler personne pour s’retrouver. être comme henry, juste une fois avant d’se rappeler qu’il trouve son équilibre dans l’déséquilibre. dans l’instable. dans l’incertain. qu’la normalité, qu’le contrôle n’ont de sens que s’ils peuvent être défiés.
henry s’énerve. sort les insultes. et syd, lui, il retient les injures. garde son va te faire foutre pour lui. choisi d’fermer les poings au lieu de venir lui refaire le nez. lui remettre les dents en place. l’môme contient sa violence dans ses muscles qu’il contracte. des efforts qu’il fait pour ne pas créer une embrouille. pour ne pas voir ce frère lui tourner le dos et le laisser. il préfère que le silence apaise leur rage soudaine. que la nuit fasse disparaître l’amertume de l’instant.
le calme ne se brise que sous le poids de ses mots. plaisanterie que syd ne comprend qu’à moitié. inculture d’un imbécile qui n’a appris que les bases. mais syd sait prétendre. faire semblant. alors un fin sourire se profil sur son visage d’idiot avant qu’il expulse la fumée dans les airs. « j’sais pas ce que c’est faire la cour, pis d’toute façon, je veux rentrer. fait trop froid et j’ai faim. » un dernier regard à l’astre nocturne. un dernier regard sur le lac endormi. et ses rangers se mettent en marche. robotisé, le gosse enclenche toute la mécanique de son corps frêle. tous les deux tournent les talons. offre leurs derrières à la lune qui les observait en silence. « ça m’revient, je faisais un cache cache dans les maisons abandonnées. tu crois qui m’cherchent toujours? » qu’il demande, la clope dans l’bec après quelques pas. la vision des maisons au loin lui reviennent. électrochoc dans son bulbe complètement stone. il se revoit courir entre les pièces à la recherche d’une cachette parfaite. il est, d’un coup, persuadé de s’être perdu à ce moment-là.

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une amitié qui se désigne
comme vagues soudaines.
des hauts et des bas,
qui jamais ne s’épuisent.

ils râlent avant de se laisser échouer,
amorphe près du sable.
des rires pour secondes vagues,
un soupir comme simple mousse.

il jette un rapide regard à syd. il ne paye pas d’mine. il ressemble à tous ces gosses, la clope au bec, le sourire mesquin, les yeux vides mais le plein aux lèvres. toujours un mot à dire, dans cette nonchalance puérile. une sorte d’admiration secrète pour cette attitude. cette chance de se foutre du monde qui l’entoure, d’agir comme si lui et lui seul, avait un pouvoir sur son destin. maître de sa vie, syd arrive à piétiner les autres d’un simple regard. les mots qu déchirent un sourire sur la gueule d’henry, un sourire presque heureux. faire la cour c’est, genre, draguer quelqu’un. prendre le temps de lui expliquer, de gaspiller de la salive pour remplir la tête de l'aîné d’une culture frivole. demain, se dit-il; il m’aura déjà oublié.

dans les profonds tréfonds de la poche de son manteau, henry en sort une barre chocolatée. tiens. j’savais que t’allais avoir faim. même cercle comique d’un syd sous la lumière de la lune, la tête en vrac et l’estomac grognant. parfois l’impression d’être un frère, pour la passoire mouvante. c’est que ça lui ferait chaud au coeur, henry. de se savoir utile et apprécié, par ce frère adoptif. un cache-cache? vraiment? ses sourcils qui se haussent et ce sourire qui s’agrandit. un rire succinct s’échappe, s’entrechoque, s’éparpille contre son palais. il coupe la mélodie, par une fumée aspirée et recrachée. y a des fois j’me demande t’as quel âge. s’ils sont dans l’même état qu’toi, y a de grande chance pour qu’ils aient déjà oublié qui t’étais. il ne comprend pas très bien, henry, cette façon de laisser baigner son cerveau jusqu’à un oubli complet du monde extérieur. ça le dépasse. ça forme sur son visage des grimaces étranges. un point d'interrogation qui reste suspendu dans l’immensité de son crâne pour toujours. au détour d’un croisement, henry part à gauche. syd semble continuer son chemin vers la droite. il lève les yeux au ciel, c’est toujours pareil avec syd. un demi-tour apprivoiser pour tirer l’gosse par le bras, le ramener à lui, le garder sur le droit chemin. sa cigarette consommé, il jette le mégot par terre. fouille tes poches, voir si t’as pas perdu tes clés en chemin. une surprise à chaque coin de rues, syd bouquet mystère. il voit les dessins d’un appartement trop connu au loin. et ses yeux se posent sur cette figure perdue. toujours perdu avec cet air, toujours cet air. de nonchalance cramé, toujours cramé. syd, il est chiant. mais syd, il dégage un truc aimant. un aura délicat qui change des larmes en des sourires terribles.

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y comprend jamais rien, syd. faut toujours lui rappeler les choses. buriner sa cervelle en miette dans l’espoir qu’ça rentre. faut de la patience pour qu’il apprenne. faut du temps pour qu’il retienne. henry le sait. henry en paye le prix. d’la salive il en a gaspillé pour tenter de lui apprendre des choses. pour l’instruir un peu plus. des heures qu’il a passé à essayer de lui faire rentrer du savoir dans la caboche dans l’espoir qu’ça s’imprime dans les neurones qui lui reste. mais bien souvent, y reste que des bribes, des morceaux d’phrases qui s’mélangent au reste et qui forment des connaissances bancales. et henry s’voit obligé d’recommencer. d’répéter les mêmes mots pour remplir le vide abyssale d’un crâne brisé. il est l’professeur d’un gosse qui a la volonté d’apprendre mais pas les capacités cérébrales pour.

syd écoute. syd retient. du moins quelques secondes, et puis ça disparaît. le môme est trop concentré sur son estomac qui supplie d’être rempli. l’appétit qui prime sur la concentration. mais henry pense pour deux. de sa poche, il sort une barre que le gamin attrape aussitôt délaissant la clope sur l’bitume. il la dévore tout aussi vite qu’il s’est jeté dessus. animal qu’on nourrit après une période de jeun. et puis, le grand benêt se met à rire, la bouche encore pleine. « tu sais, j’crois que j’les aient oublié moi aussi. » il ricane d’la situation. se fout ouvertement d’la gueule de son compagnon d’cavale. repense à ses mots prononcés plus tôt. l’imagine déjà hurlé que ce n’est qu’un abruti. ce qu’il a sniffé, bu, fumé, n’aide pas à calmer l’euphorie. ça l'amplifie même, la rend plus grande encore. syd le faux joyeux qui s’montre. le sourire de l’ange qui apparaîtrait presque sur ses babines. mais il revient à lui quand henry le ramène dans l’bon chemin et le guide sur le macadame. parce qu’encore une fois, le môme diverge, sort du bon chemin et dérive dans tous les sens. la main du guide qui vient discipliner l’agité.
d’un coup il s’arrête. prétend réfléchir aux mots prononcés. l’info monte doucement dans les méandres de sa cervelle et trouve le bon souvenir. « elles sont là. » qu’il lui dit en levant son tshirt montrant les clés qui pendent à sa ceinture. il est presque fier, cette fois, car il a pas perdu le plus important. car il a prit l’habitude de les garder là, contre lui, bien attachées dans le doute. « tu dors à l’appart ce soir? » il demande, l'euphorie passée et le calme revenu. changement de sujet soudain oubliant au passage que la nuit se termine doucement. que le soleil viendra bien assez vite étouffer la nuit de ses rayons brûlants.

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il a dans le coeur des formules de bonheur.
elles sont là, collées contre son myocarde.
elles attendent.
elles murmurent.
elles tournent en rond.
il y a parfois le soleil qui vient chatouiller l’horizon,
d’un bonheur presque à portée de main.
elles se baladent dans le sang
prêtes à s’échapper contre ses doigts
ou à se coller sur le bout de sa langue.
mais au moment où henry s’agite
pour laisser sortir ces formules latines:
elles se rétractent en un frisson docile.
elles retournent s’attacher contre son coeur.
elles ne s’agitent qu’aux pulsions vivantes.

et là, comme ça, sur le bord du trottoir: il sent une formule remonter le long de sa trachée, se bloquer un instant contre son palais avant de se glisser sur le bout de ses lèvres. à cause de ce rire, à cause d’un rire, à cause d’un sourire, à cause de syd. elle semblait sur le point d’éclater, quand un frisson vient frapper ses côtes. la formule se rétracta en quelques secondes, venant se plonger pour un nouveau sommeil semi-éternel. l’gosse lui montre ses clés comme le plus beau des trophées. il ne fait que sourire. que devrait-il lui dire? l’applaudir? souligner l’excellente idée d’une clé autour de son jean? d’un oubli enfin effacé? il pourrait. mais syd s’dira qu’il se moque (c’est vrai)[un peu]-beaucoup- alors il garde ses lèvres scellés, n’lui offrant qu’un regard doux. presque chaud. un regard qui le félicite de ne pas avoir à chercher au fond de ses poches, une solution à ses oublis.
j’sais pas trop. dormir? la fatigue? ses yeux venaient enfin de s’accaparer la nuit pour habitude, son corps venait enfin de puiser l’essence d’une nouvelle journée, son visage venait enfin de perdre la fatigue pour masque. j’ai des trucs à faire. j’verrais. haussement d’épaules pour ne pas froisser le grand gamin à ses côtés. c’est vrai qu’il pourrait rester. c’est vrai qu’il pourrait couper sa solitude en restant allongé sur un canapé poussiéreux, ses yeux fixant le plafond, son corps se plongeant dans un calme béa au rythme des ronflements cosmiques d’un syd au corps embués de produits illicites.
il s’arrête devant la porte de l’immeuble.
j’ferais rien qu’une sieste. après j’me casse.
les mains dans les poches, il fait signe d’ouvrir la porte.
eh dit.
il renifle.
les yeux vissés sur le ciel.
la tête collée contre le mur.
le corps à l’abandon.
je crois qu’evey elle m’kiff.
et il guette la réaction de syd
pour savoir,
si par malheur ou bonheur,
elle lui aurait soufflé quelques mots sur
sa personne (comportement)[attitude]-conduite- terrible.