blinding lights; cahal

c’est la course effrénée dans les rues d’lewisburg. à grandes enjambées syd court. vite, vite, vite. il martèle le sol à grand coups d’rangers. il entend l’écho d’ses pas qui ricoche contre les briques. l’ennemie invisible --celui qu’il s’est inventé-- est derrière, à ses trousses. il lui en veut. rêve de l’étriper. par moment, il a l’impression d’sentir ses griffes lui chatouiller les mollets. ça l’fait hurler. ça l’fait courir plus vite. ça met son cœur à rude épreuve. parce qu’il tambourine si fort dans sa poitrine qu’il l’entend contre ses tempes. boom boom. prêt à exploser entre ses côtes. mais syd s’arrête pas. court toujours. droit devant lui. suit les lumières d’la ville dans l’espoir qu’elles lui indiquent le bon chemin. il cherche refuge. cherche les lumières assez fortes pour éblouir son poursuivant. car là, il est entouré par un noir si opaque qu’il donne l’avantage à l’autre.
au loin, il l’aperçoit, tout en lumière, le red lion. le casino se dresse dans les ténèbres comme un monstre de lumière. aussi brûlant qu’le soleil. aussi brillant qu’les astres. ses rétines brûlent devant sa grandeur. syd regarde une dernière fois derrière lui. voit que l’autre est encore là. que, malgré la puissance des néons, il ne disparaît pas. il entre dans l’casino. claque les portes. « cahal ! » qu’il beugle, à s'en déchirer la gorge. on l’dévisage. on l’juge. on n’le comprend pas. personne ne peut comprendre. l’fou qui le poursuit n’est qu’une image de ses peurs. c’est son cerveau qui déraille à cause d’la drogue qu’il s’est enfilé. l’gosse est seul et il n’sent rend pas compte. on l’prend pour un fou et il ne l’voit pas. trop flippé pour capter quoique ce soit. trop défoncé pour s'rendre compte d'ses actes. à tous ceux qu’ils croisent, il leur demande. il est où cahal? il est où papa? personne n’veut répondre. syd se frappe le crâne. secoue sa cervelle atrophiée. quelque chose tourne pas rond. il continue d’appeler à l’aide. de l’appeler lui. tout c’bordel alerte la sécurité. l’môme s’retrouve nez à nez avec deux colosses. bien réels ceux-là. alors il court à nouveau dans l’autre sens. fuit aussi vite que possible. mais le voilà encerclé par une meute de chiens enragés, les babines baveuses. il aperçoit leurs crocs aiguisées. les griffes tout aussi longues que celui qui le poursuit. et d’instinct, syd sert les poings. se sent prêt à en découdre. parce qu’il n’a plus conscience des choses. ne sait plus le vrai du faux. sa réalité s’déforme comme un rêve qui tire vers le cauchemar sans fin. et l'gamin se surestime, se pense invincible. « t’en veux? » le cleps qui montre les dents, qui jappe, qui devient agressif, qui provoque ses rivaux de ses poings tremblant. et derrière eux, se dresse celui qu’il voulait fuir. ombre menaçante qui viendra les anéantir tous. syd le regarde. frisonne quand le bruit du fer de ses griffes raye les murs. le voilà paralysé, il baisse sa garde et les autres en profitent, le maîtrisent aussitôt. le plaque au sol et lui crie toujours après l’corbeau dans l’espoir qu’il vienne à nouveau le sauver des monstres.

(c) calaveras.

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ils ne signent jamais. nul part. pas même de salives mêlées dans une poignée de main trop longue pour ne pas être bercée de rivalité. tu ne laisses aucune trace et effaces les leurs. tu n'es que fumée, cahal ; tu glisses entre les phalanges énervées de ceux qui boufferaient ton empire pour un peu de blé.
et le type qui se tient au milieu de la pièce, il quémande tes organes. ces centaines de reins, de foie et de coeurs. ces viscères que tu gardes précieusement dans les tiennes. que tu lui tends ce soir dans tes mains sales alors que la bile sillonne tes avant-bras. t'es ce piaf de malheur perché sur les crânes des défunts, défendant au prix de ta vie ces globes dans lesquels ton bec aime se vautrer.
et lui, il quémande tes organes. pas pour lui. pas pour une vie.
pour un pouvoir qui se négocie.

et soudain le lion hurle qu'on enfreint ses lois. qu'on trouble sa quiétude. dans une lumière nouvelle une silhouette apparaît à la porte et tu comprends le silence effaré. dans une semaine. le lieu sera communiqué la veille, les retrouvailles sanglantes sont fixées alors l'autre te sourit, satisfait.

une chaise est au sol lorsque tu entres et dans la main d'un cerbère, une bouteille éclatée. l'ombre de tes épaules s'approche encore et à l'intersection des rétines, ton gamin paumé. le faux blond de sa tignasse dénote dans la pénombre ambiante. il a le regard fou et les canines qui transpirent. il a les ongles sales et la gorge qui se déchire.
alors tu fends la foule et tends les serres. une de tes paumes s'agrippe à son col trempé et tu feins ce lien qui vous unis, d'où tu sors gamin ? tu sens sous tes pulpe sont corps tendu par la peur. et lorsque ses rétines se font bouffer par les tiennes, il baisse les poings sans baisser le regard. et tu le sauverais, pour cet élan d'arrogance.
ses pas n'ont d'autre choix que de suivre les tiens ; tu le traînes à l'extérieur comme on traîne un mort. mais syd, il se débat. pour la forme. pour le spectacle. puisqu'aucun de ses coups n'atteint ton cuir. lui resterait-il un brin de lucidité.

la nuit vous avale dans une de ces artères trop étroites pour deux âmes. et tu le lâches enfin le marmot, lui colle une cloque entre les lippes et fais de même sur ton visage. c'est bon, t'as retrouvé ta cervelle ? ça claque dans ta bouche comme un coup d'bâton.
indulgence.
indulgence.
il est malade.
apprends l'indulgence.
et ta paume claque sur sa tempe comme un coup d'bâton, aussi. syd, j'te cause, et tu brandis l'allumette devant sa mine défaite. allume la clope dans son bec. retiens d'autres mots qui seraient de trop.

il est prêt à s’défendre. à battre la chair. à cogner les os. à frapper les âmes. les poings serrés, l’môme les défie tous. ces colosses bien trop grands, bien trop forts pour lui. les provoque sans savoir s’il est capable de les terrassés. il a la folie dans l’regard. celle de l’insouciance. celle qui lui fait croire qu’il est assez fort. qu’il est assez grand. que ses petits poings mettront à terre quiconque voudrait s’y frotter. il a la prétention d’se dire que sa rage est plus forte que leurs muscles. plus forte parce qu’il la subit avant d’la faire subir. qu’importe la force de leurs coups, ils n’seront jamais aussi violent que les siens. ceux qu’son père lui donnaient. ceux qu’il a reçu comme éducation. et, qu’aujourd’hui, il rend volontier. alors rien n’lui fait peur à syd. pas même ce coup qu’il prend dans la face. pas même ce genoux qu’il sent contre sa colonne. pas même les aboiements baveux des cabots qui veulent l’enchaînés. rien si ce n’est l’autre, ce monstre qu’il est le seul à voir.

la poigne paternelle qui agrippe ses vêtements. qui l’embarque avec force. syd s’débat toujours. sans cesse l’envie d’en découdre avec le monde entier. pourtant, il voit celui qui l’emprisonne de ses serres. le corbeau protecteur de son oisillon qui semble s’être perdu. pour autant, il ne lâche rien d’sa fougue, d’sa fureur. ne frappe pas le sauveur mais ne lui facilite pas la tâche. rebellion stupide contre cette nouvelle figure paternelle qui s’est imposée. et c’est dehors qu’ils finissent, dans cette ruelle où le noir les enveloppe. syd a l’réflexe d’regarder à droite. à gauche. il le cherche, l’autre, avec ses griffes. disparu. envolé. il reste qu’eux deux, là au milieu des ténèbres avec pour seule lumière un vieux lampadaire.
ça tape fort contre ses tempes. ça claque contre ses côtes. l’palpitant au bord d’la rupture. on lui met une clope entre les babines. on l’frappe pour secouer ses neurones emmêlés. il grogne contre celui qui s'octroie l’droit d’le violenter. et la chaleur de l’allumette vient l’empêcher d’attaquer. « ouais, ouais, ça va, j’t’ai entendu la première fois. » l’tube s’allume et il crache aussitôt la fumée contre l’autorité qu’il aime défier. un silence. un besoin d’laisser la nicotine faire l’chemin dans ce corps bousculé par la peur. « il est où l’gars avec ses griffes? celui qui m’courrait après. » qu’il lui demande, complètement parano. à droite, à gauche. toujours rien. pas d’signe du monstre. il l’a pas rêvé. trop réel pour qu’il soit qu’un mirage d’son esprit instable. pourtant, c’est tout ce qu’il est ce démon, une illusion qu’la drogue a créée. rien d’autre qu’une chimère d’tout ce qui lui fout la frousse.

(c) calaveras.

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les portes s'ouvrent et la nuit vous avale lorsque les regards se perdent sur vos échines qui s'éloignent, bouffées par le brouillard. les frontières claquent derrière vous. se forge l'immense mur du casino qui vous tient éloignés du capharnaüm autant que prisonniers d'une ville que vous vous évertuez à gangrener.
il piétine dans tes pas, le gamin que tu retiens par le col ; l'animal qui balance les coups dans la fumée. lorsque tes rétines le harponnent, tu interceptes la peur dans les siennes. la peur de tout. de toi, des autres. et surtout de lui.
syd a le teint cramoisi et cela devrait te réjouir car il n'en épousera que mieux les couleurs de la ville. il ne se glissera que plus discrètement contre les briques et embrassera le silence pour le faire cracher les couleuvres qu'une lewisburg aime à se gaver.
mais ça ne te réjouit pas. il ne passe dans tes yeux que la déception d'un père. paternel improvisé à l'affection pathétique et aux sermons récurrents. tu ne sais que planter tes serres dans les plaies ouvertes, jamais te servir du tranchant pour les refermer ; rapprocher les berges de son esprit émietté. calciner ce sang qui ne cesse de perler et emporte avec lui ses réalités.

vos corps brisent le silence de la rue. ta paume qui s'écrase contre sa tempe, l'allumette qui fait ronronner la nicotine et les poumons de syd qui s'emplissent d'extase dans un souffle pas même salvateur. il a l'attention qui divague et les rétines folles. le loup et l'agneau s'étreignent dans une ombre de la ville et toi, prédateur, te préoccupes des maux qui animent le coeur de ta proie.
de quoi tu causes ? la clope danse sur tes lèvres en même temps que tu couvres de tes doigts l'allumette qui embrasera tes poumons. tu portes le sourcil arqué du suspicieux et derrière la flamme, tu surprends le gamin qui trépigne. il a les yeux qui dévalent les murs et courent l'asphalte. il a le sternum qui s'anime trop vite et les ongles rongés qui creusent le cuir de ses paumes. pas de gars. pas de griffe. juste moi qui vais te botter ton putain de cul si tu continues de raconter ces conneries, tes ailes retombent et le feu se noie dans la flaque à vos pieds.

ta nuque creuse tes épaules lorsque tu t'approches de l'enfant stupide, que tes phalanges encerclent sa mâchoire pour que son immobilité te laisse tout le loisir d'observer ses pupilles dilatées. à l'intérieur se bat le démon qui le suit et sa conscience anesthésiée. tss, d'un geste brutal tu repousses son visage et syd t'offre son profil abîmé, t'as rien vendu ce soir, hum ? tu t'éloignes d'un pas. puis deux. tu tournes les rétines qui s'accrochent à la voiture qui passe plus loin, et tu t'es tout collé dans le nez, je présume.
tu es de ceux qui frappent au lieu d'enlacer. de ceux qui croient l'uppercut affectueux et le venin libérateur. t'es de ceux qui ne sont plus humains, cahal.

il a merdé, syd. du genre bien comme il faut. du genre à se prendre des mandales en pleine gueule. il a merdé, merdé, merdé. sale habitude qu’il a de tout foutre en l’air. d’être instable. d’être incontrôlable. le môme il a besoin d’cadre, besoin d’être rappeler à l’ordre, d’être tenu en laisse. il besoin d’papa parce que sans lui, il part dans tous les sens. se laisse aller à ses pulsions. à son envie d’chaos. mais papa, il est pas toujours là. papa le laisse seul. papa l’abandonne. alors syd s’abandonne lui-aussi. c’est dans la drogue qui se perd. dans l’alcool qu’il pense se retrouver. et c’est dans le mélange de tout ça qu’il s’oublie un peu plus. qu’il s’éloigne d’la réalité. qu’il tombe au milieu d’ses pires cauchemars, là où il s’imagine poursuivi par de longues griffes. bad trip étrange où sa réalité se brouille et où il ne sait plus retrouver la frontière qui le gardera dans le réel. encore maintenant, il ne sait plus le vrai du faux. ne sait pas si papa est là. ou s’il se transformera bientôt en monstre abominable qui déchiquetera sa peau.

les claques sont bien réelles. elles fouettent son visage. réveille à demi l’état d’panique. c’est les mots d’papa qui lui claque ensuite le museau mais rien à faire, syd n’fait que regarder à droite, à gauche. le palpitant frappe fort contre ses côtes, tellement fort que ça résonne dans toute sa caboche. écho répétitif d’une peur qu’il cache plus. les serres du corbeau qui viennent s’enfoncer dans sa chaire. proie fragile qui tremblote. le môme le fixe de ses yeux apeurés. de ses yeux rouges aussi. et dans les siens, c’est la déception. papa est amer. papa s’attendait à mieux. il l’entend à sa voix. il parle comme son géniteur, les mandales en moins. et quand il le lâche, syd s’écroule. profite de cet instant d’inattention pour glisser le long des briques. de ses mains tremblantes, il tire sur la clope. avale la fumée. s’imprègne de la nicotine. « j’voulais m’souvenir, p’pa. m’rappeler de l’endroit où on devait s’voir. » les yeux bleus qui se perdent sur le rouge des briques. à la base, c’est pour ça qu’il a sniffé. c’est pour retrouver la mémoire oubliée. sans succès. « mais j’ai vu qu’le gars avec ses griffes. » le monstre de ses cauchemars. le symbole de sa déchéance. l’indicateur qu’il est aller trop loin dans les limbes de sa cervelle fissurée. « il va revenir. il va te tuer, p’pa. » il relève la tête vers lui, se sent petit face à lui. géant colossal qu’il a peur de voir tomber face à la menace de ses peurs. d’un coup, il se lève et s’empoigne à son costard. « j’ai trop peur, me laisse pas avec lui. » à lui qu’il s’accroche. à la puissance qu’il inspire. à la figure qu’il est pour lui. papa sauve moi. qu’il voudrait lui hurler. mais les mots ne viennent plus, s’étouffe dans sa gorge serrée par la frousse de crever.

(c) calaveras.