nina & cahal ☽ avril deux mille vingt.
16h44.
les astres déclinent à peine dans le ciel fade. c'est un jour sans lumière, sans émotion et sans saveur. de ces jours qui laissent un goût de soufre dans le fond de la gorge, qui déposent une saveur poussiéreuse sur la langue. et un voile gris sur les éclats des rétines.
mcgrath est debout, de l'autre côté de la rue. sa silhouette se confond dans l'ombre de la bentley silencieuse. il fait face à la décrépitude d'un motel laissé à l'abandon ; donjon de briques et de misère, de leds essoufflées et de rideaux bouffés par le temps et les mites.
les yeux de l'irlandais n'ont pas quitté la fenêtre du troisième étage. orchestre de silhouettes, l'une d'entre elles est
souveraine, gravée dans un instinct qui ne se trompe jamais.
et le cancer entre ses lippes se consume au même rythme que s'étiole sa patience.
16h58.
les grandes portes fragiles dégueulent quatre ombres qui osent un regard de l'autre côté. mcgrath n'a pas bougé, seules les cendres s'accumulent et les clopes avalées. le cortège s'éloigne le pas sûr et le silence religieux.
l'air empeste. les rues sont viciées par la présence passée d'une reine sur le déclin, d'une sorcière tordue, la jambe déformée et la couronne chancelante sur sa chevelure blanche.
l'irlandais jette un dernier coup d'oeil à son poignet.
il n'est pas encore l'heure.
la fenêtre luit toujours.
17h00.
les fauves sont lâchés.
mcgrath traverse l'océan tari de la rue qu'il ne pouvait enjamber. maintenant les aiguilles lui autorisent à violer les remparts d'une cage qu'il sait désertée. l'arme aux poings et la prudence pour armure, il avance.
il sait l'australienne au moins aussi vorace que lui. et quel met que d'attirer le corbeau dans une antre aux entrailles vides et sinueuses. quelle facilité que de tendre une toile acérée sur les murs creux d'un mirage. cahal sait et redoute. cahal se méfie d'elle et de ses desseins. cahal croit entendre la moran dévorer son âme, voit l'argent de ses boucles nourrir les ombres de chaque recoin.
le canon fier et les bras verrouillés, mcgrath avale les marches une à une. les pupilles sont folles lorsque les feuilles se froissent au vent. les mâchoires, serrées lorsqu'une porte entrouverte invite au piège.
au fond du long couloir du troisième, un filet de lumière rampe sous une porte. comme un papillon, mcgrath s'approche, fébrile mais inexorablement attiré par la promesse qu'on lui fait miroiter. pas un bruit, pas un indice. juste ce halo timide qui vient lécher ses semelles.
on entend les secondes qui frappent lentement contre les tapisseries.
et le souffle erratique d'un irlandais qui hésite.
bris de verre de l'autre côté, et mcgrath fait tomber le silence. coup de pieds violent dans le bois et les gonds hurlent, la serrure cède, la porte s'ouvre. le glock est chargé d'une détermination à tuer. les bras sont tendus vers l'avant, vers
la cible.
cible qui tremble dos à la fenêtre, un vase brisé à ses pieds et un morceau de verre entre les pulpes. elle aussi porte dans les yeux la peur qui embrasse la colère. les amants se jaugent. s'observent. avant que sortent des lèvres de cahal les premiers mots.
est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre dans la chambre ? droite, gauche. les canons balaient la pièce pendant que l'irlandais se rapproche. et dans les larmes qui roulent sur les joues de nina, la réponse qu'il attendait.
17h06.
alors les ailes du corbeau s'ouvrent et se referment sur la silhouette fébrile d'une femme dont il n'avait pas oublié le parfum. le fer protecteur qu'il lui glisse dans le dos et le mutisme pour soulagement.