fb; shot at the night (lonàn)

Il pleut à verse. T’as bien choisi ton soir, Ailish. Elle a le cœur au bord des lèvres, l’estomac retourné, les yeux défaillants. La tête enfoncée sous sa capuche, les épaules rentrées, elle fait tout pour ne surtout pas lever le regard, résolument braqué sur le bout de ses chaussures qui battent le bitume d’un pas vif. Comme si, à cette heure-là, dans l’obscurité, on s’attarderait sur son visage mangé par les ombres. Mais les flaques de lumières déversées des réverbères lui apparaissent même comme dangereuses, pourrait baigner son visage, dévoiler les traces qu’il y a laissé, attirer l’œil d’un autre. Alors elle se ramasse sur elle-même, ne regarde plus que le sol pour éviter les rigoles, les nappes d’eau qui font comme des lacs infranchissables, pas sans plonger les pieds dedans.

Il lui semble que le moindre de ses gestes transcrit son désir de fuir. Elle doit avoir l’air d’une criminelle, à ainsi raser les murs, jeter des regards derrière elle, comme s’il pouvait s’être lancé à sa poursuite. L’idée a dû l’effleurer. Mais il ne l’a pas suivi quand elle a dévalé les escaliers, les jambes encore plus vives que son cœur lancé au grand galop. Il l’a laissé claquer la porte, immobile, sans avoir l’air de comprendre. Comme si ça avait été sa faute à elle. Pensée qu’elle refoule, enfouie sous la colère qui gronde, presque ravalée par la honte. La vérité est qu’elle aurait même préféré ne croiser personne, pour ne surtout pas subir les regards. Mais les ombres de ruelles, la soudaine solitude, lui fait craindre le pire. A fleur de peau, secouée, c’est par réflexe qu’elle prend le chemin de la famille.

Les tremblements réprimés par la crispation de ses muscles, elle s’autorise à peine à respirer, n’est même plus sûre que ses poumons fonctionnent encore. Un étau s’est formé au fond de sa gorge, l’en rend malade.  Ses doigts dérapent sur l’écran de son téléphone. Elle a beau chercher à appeler Lonàn, ça sonne dans le vide, elle n’obtient aucune réponse si ce n’est que sa voix grinçante sur sa messagerie. Messages et textos laissés par millier, elle rage de son silence, plus abandonnée que jamais. Elle ne désespère pas pour autant, même si le monde semble être contre elle, de son manque de réponse aux gouttes qui dévalent son écran, essuyés tant bien que mal, tout en pianotant sans cohérence sur le clavier. Peut-être devrait-elle changer d’itinéraire, trouver un autre refuge, se glisser jusqu’au casino. Mais ses lumières du Red Lion la rendraient d’autant plus malade, exacerberaient les coups portés, son visage amoché. Et le monde qui y gravite en permanence lui fait horreur ce soir, alors qu’elle voudrait s’enfouir dans l’obscurité, couvrir son visage de ses mains et s’endormir, faire passer tout ça pour un mauvais rêve. Refaire le monde au réveil avec des si, n’y voir qu’un mirage, un simple cauchemar. Mais elle n’en est même pas capable, de se complaire dans cette idée, la réalité agresse son cerveau, ne lui laisse surtout aucun repos.

Se mettre à l’abri, passer la porte de l’immeuble. Le toit au-dessus de sa tête lui tire un soupir de soulagement. Un frisson la parcoure, et elle jurerait presque avoir laissé ses inquiétudes sur le seuil du bâtiment. Presque. Elles se sont seulement allégées. Une fois devant la porte de Lonàn, elle toque deux fois, mais n’a pas la patience d’attendre qu’il ne réagisse, préfère appuyer sur la poignée, si jamais il avait laissé ouvert, comme il oublie trop souvent de fermer. La chance lui sourit et elle se glisse dans le désordre de l’appartement, toujours engoncée dans son sweat trop grand, sa capuche comme protection érigée contre les regards indiscrets. Mais finalement, c’est elle, l’indiscrète, qui découvre deux silhouettes étendues sur le canapé, encore un peu couvertes « Ah. Euh… pardon. » Désolée, mais qu’à moitié. Elle a l’impertinence au bout de la langue, le chaos dans le sang. Ce soir, elle a besoin de lui, et l’arrogance de croire qu’il le comprendra. Pourtant, son cœur joue un staccato effréné. Parce qu’elle ne supporterait pas de se faire repousser, mise à la porte comme la dernière des parvenues. Et ce soir, elle n’a pas la force de lutter, manque à chaque instant de s’écrouler, se demande encore comme elle tient sur ses guiboles, l’âme encore plus meurtrie que le corps.

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Son arrivée fait grand fracas. Comme un électrochoc, sa voix les réveille, attire leur attention. Il y en a une qui manque de basculer du bord du canapé, de tomber plus bas que terre, alors que Lonàn arrive à garder contenance. La colère qui gronde dans sa voix, l’agacement de sa grimace lui serre le cœur, alors qu’elle tente de garder le menton encore un peu haut, de garder cette fierté qui l’a toujours porté à survivre. Mais ce soir, tout s’écroule, et elle n’arrive même plus à soutenir son regard sans vaciller, alors que lui, il se redresse, bien droit, à sa place ici, alors qu’elle se fait importune, petite souris venue trouver refuge là où on ne l’attend pas. Elle n’a même pas la force de lui retorquer, le venin sur le bout de la langue, de lui faire savoir son erreur. Elle a frappé. A la place, elle s’enfonce un peu plus, comme si elle n’avait pas eu cette première politesse, rendue coupable par les regards outragés de son apparition. Elle n’a rien à faire ici, on le lui fait sentir, et chaque respiration se fait plus difficile dans l’inconfort de ces lieux.

Cette jeune femme, inconnue aux beaux yeux, elle l’aperçoit à peine, ne l’entend pas, toute son attention accaparée par son frère, visiblement frustré de cette soudaine interruption. Pourtant, en quelques gestes, il signifie que l’affaire est close, se rhabille en pestant, haussant le ton autant sur sa belle que l’intruse, tirant sans même prêter attention à sa cible. Et elle aimerait bien qu’il continue, qu’il ne la regarde pas trop, jure dans sa barbe, mécontent. Tout, plutôt qu’il ne lève les yeux vers elle, ne la questionne de trop. Pourquoi t’es venue ? Mise face à ses actes, à ses manques et ses faiblesses, elle se sent déplacée, sûrement pas à sa place entre la porte et les protagonistes d’une autre histoire. Elle devrait être à mille lieux d’ici. Seule, dans un coin, à ressasser sa honte, repasser en boucles les mots hurlés, jetés comme des armes à la face de l’autre. Avant que la violence ne prenne possession des corps, ne provoque les gestes de trop. Ceux qui ne pardonnent pas.

Comme pour se protéger des deux silhouettes qui lui apparaissent soudain menaçantes, elle resserre ses bras autour de son corps, se rétracte, se ramasse sur elle-même, se fait minuscule. Qu’est-ce que tu fous là, Ailish ? Hein, qu’est-ce que tu fous là ? Une tentative de réponse meurt sur ses lèvres désespérément closes. Elle a la sensation que si elle les ouvrait, c’est son cœur qui remonterait de sa gorge, qu’elle le dégueulerait sur le plancher, pour mieux le piétiner par la suite. La peur se répercute dans chacun de ses gestes, dans le moindre mouvement furtif de ses yeux qui dévisagent, cherchent un appui, un visage ami plus que ces regards noirs, ces moues frustrées. La force d’entrouvrir les lèvres, elle la trouve dans le ton sec et agacé qu’emploi Lonàn, ces accusations qu’il gronde contre elle. Sa voix tremble, enrouée, fatiguée, aussi désireuse de calme qu’elle. Il y a toutefois un peu de détermination ; plutôt que de s’enfouir dans sa culpabilité, elle parvient à la retourner contre lui. « J’ai appelé. J’ai frappé. » Mais toi, toi, t’as pas répondu, Lonàn. Elle retient les reproches qui lui mordent le cœur, cette soudain impression de ne plus être qu’une moins que rien, pour qui la moindre attention est comptée. Toute sa vie, elle s’est efforcée de se grandir, de prendre de l’importance, de paraître. Et ce soir, tous ces efforts se sont font grignotés un à un, rongés par la honte cuisante sous laquelle elle voudrait s’enterrer.

Lorsqu’il s’approche, ne serait-ce qu’un peu, elle a le réflexe du pas en arrière, avant de se rappeler la porte qui lui barre le passage, qu’elle a elle-même refermé, barricadé contre ses peurs nocturnes. Aculée, en dernier recours, elle répond. « Non, ça va pas. » Sans ambages, elle avoue, relèverait presque le menton, fière d’oser avouer, de brusquer ses vieux réflexes pour énoncer cette vérité qu’elle préférerait pourtant enfouir en son sein. Pétrie de contradictions, elle ne sait plus que dire, que faire, portée par les malaises de son cœur, qui vogue d’un bord à l’autre de l’océan de ses peines. Le mal de mer la guette et d’un instant à l’autre, elle pourrait en vomir ses ressentiments. « J’ai juste besoin d’un endroit où crécher, ok ? » assène-t-elle d’un ton qui se voudrait sans appel, mais trop tremblant pour être convaincant, sans oser bouger, dévier son regard. Elle se fixe sur Lonàn, sur sa silhouette, ses prunelles brillantes, pour ne pas avoir à se rappeler une autre présence, devant qui elle veut encore moins s’écrouler. Il lui braque soudaine une lampe torche en pleine face, l’éblpuit, l’assomme de questions pressantes, cherche à comprendre ce qu’elle ne veut pas dévoiler, surtout pas expliquer. Parce qu’elle peine à y croire elle-même, ne pas y voir une hallucination. Sinon quoi ? Elle n’a plus la force de s’imposer, se décompose, dans l’inconfort de la situation. Il n’y a plus aucune fierté dans son regard, les barrières sont tombées. « Me mets pas dehors. S’il te plait. » Miséreuse, elle cherche le soutien dans ses yeux, une once d’empathie, quémande l’asile avec des épines sur la langue. Cette supplication passe mal entre ses lèvres, retenue par un drôle d’orgueil qui ne devrait pas avoir sa place ici. C’est déjà trop tard. Trop tard pour garder la face.

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Il ne perd pas de temps, Lonàn. Les pensées trop souvent embrumées, on pourrait penser qu’il ne verrait rien, qu’elle serait passée entre les mailles du filet. Peut-être même qu’elle l’espérait, d’une certaine façon. Mais il est doté d’un drôle d’instinct quand il s’agit de sa famille, ne tarde guère à faire les liens entre les paroles d’Ailish et ses craintes. Et peut-être qu’il est trop content de pouvoir enfin accuser Jace, après des mois, deux années entières à ravaler sa verve sous les regards menaçants de la plus jeune. Mais ce soir, même lorsqu’il se tait, elle sait qu’il n’en a pas fini, qu’il ne la laissera pas s’affaler sur son canapé sans avoir eu le dernier mot. Il ravale ce mot, ce nom honni, qui fait trembler sa sœur, ce soir. Coupé en plein élan, il pulse du doute et de l’incertitude, de la crainte qu’il n’ait commis l’irréparable. Dans cet ordre aussi simple que sec, elle sent toute la colère qu’il refoule, qui fait vibrer son être, sans qu’il n’ose encore la fait exploser. Elle connait trop bien son tempérament pour savoir qu’il ne restera pas de marbre. Et peut-être aurait-elle dû y penser plus tôt, avant de se précipiter dans ses bras. Mais maintenant, il est trop tard pour y penser, et elle est acculée. Entre la porte et les hautes silhouettes qui se dressent, elle se fige, contemple leurs faits et gestes sans oser ouvrir la bouche, le cœur en berne. Alors elle attend, comme il le lui a demandé.

Ses yeux suivent le drôle de ballet qu’ils jouent à deux, sans oser s’avancer. Les affaires sont récupérées, les regards noirs lancés, et elle finit bien par s’en aller, sur une insulte bien sentie, plus que compréhensible. La porte refermée, il ne reste plus qu’eux deux et elle se sent soudain toute petite face à l’ombre imposante de Lonàn, comme un haut mur pour la coincer entre lui et la porte. Elle a du mal à respirer, manque de s’étouffer, malmenée par ses inquiétudes alors qu’il prononce son nom, comme une menace, un couperet prêt à tomber. Un avertissement. Pourtant, il parvient à garder son calme, n’explose pas aussi facilement, lui dégage le passage pour qu’elle se glisse dans le salon, ne reste pas là, sur le pas de la porte. Après tout, il ne fait que deviner, anticiper. S’il s’embrase avant même de savoir, que lui restera-t-il lorsqu’elle avouera enfin ? Alors elle se ratatine face à sa silhouette qui lui semble soudain immense, recule de quelques pas lorsqu’il avance de trop près. Ses genoux butent contre le canapé et elle s’y affaisse, trouve soudain bien plus facile de s’asseoir, se laisser choir, encore plus petite et insignifiante dans l’ombre des coussins.

Elle tente tant bien que mal de se faire un peu plus importante, de se grandir pour se faire entendre. « Baisse d’un ton, Lonàn. » Tu m’fais mal au crâne. Ses doigts trouvent ses tempes, les massent d’un mouvement distrait. Elle ne veut pas l’entendre crier, devoir gérer une crise de colère en plus. Ce soir, elle en a déjà assez vu, préférerait seulement qu’il se calme, la prenne dans ses bras et la rassure. Mais ce ne serait pas lui. Et dans quelques jours, une fois que la honte cuisante aura laissé place à une colère mordante, elle bénira l’attitude de son frère aîné. Sauf que pour le moment, ce n’est pas ce dont elle a besoin. « Tu vas rien faire du tout. » Elle soupire, lasse de ce combat perdu d’avance, parce qu’elle n’a pas la force de lutter, pas ce soir. Alors elle obéit, encore une fois, cède à ses impulsions pour dévoiler son visage.

Le regard qu’elle relève vers lui, une fois à découvert, est empli de défi, d’une colère sourde, toute aussi destructrice que celle de Lonàn, si ce n’est qu’elle, elle n’a pas ses poings pour s’exprimer. Les pommettes tuméfiées, l’œil entouré d’une ombre violacée, elle tente de ravaler sa honte pour ne pas baisser le regard. Mue par cette même fierté qui porte la famille entière, elle relève le menton en silence, lui laisse tout le loisir d’admirer son œuvre ; malgré la douleur qui presse son cœur, transparait dans ses bras tremblants, dans ce corps engoncé dans un vêtement assez ample pour cacher ses meurtrissures. « Si tu veux que je te raconte, calme-toi. » Peine perdue. Elle le connait assez bien pour savoir qu’il risque plus de partir au quart de tour, avant même d’avoir un nom, ou un visage sur lequel déchainer son courroux. Elle aurait aimé que l’anonymat le sauve, mais il doit bien se douter, ne pas être bien dupe. En d’autres circonstances, ne se serait-elle pas tournée vers son compagnon pour s’abriter, plutôt que d’échouer ici ?

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Elle ne manque pas de faire son petit effet et, une nouvelle fois, elle se maudit d’avoir trouvé le chemin de l’appartement de Lonàn. Tu t’attendais à quoi, Ailish, hein ? Pas à grand-chose, à vrai dire. En dévalant les escaliers de son immeuble, aucune pensée cohérente ne l’atteignait. Seul l’instinct a dicté le moindre de ses pas, l’a conduit là où elle pensait trouver un abri. Et à la place, c’est la tempête qu’elle récolte. Recroquevillée sous les coups, le cœur cahotant dans sa poitrine, il l’en rend malade. L’océan de rage l’emporte, lui donne le mal de mer, tapie dans ce canapé impersonnel. Il ne sait pas se taire, Lonàn, a besoin de prendre toute la place, de s’exprimer. Dans l’histoire, il semble le plus touché, y voit un opprobre personnel en oubliant que la principale victime se trouve là, devant lui. Mais ça, il n’est pas capable de s’en rendre compte, trop focalisé sur sa propre rage. Et pour se faire entendre, elle a besoin d’encore sortir les crocs, de s’imposer, alors que la soirée l’a déjà bien trop fatigué. « Putain ! Mais ta gueule, Lonàn ! Ta gueule ! » Elle ne s’entend plus penser, peine à se reconnaitre alors qu’il crie et l’assourdit de ces mots incisifs. Il a perdu toute contenance, Lonàn, seulement mené par la rage qui lui secoue le ventre, là où on a touché à sa famille, au bien le plus précieux qu’il leur reste. Et elle, elle se tapi et joue le joli petit objet brisé, sans qu’on ne pense à lui demander son avis, jamais. « Ça sert à rien de gueuler, il est pas là si t’avais pas remarqué. » Mais c’est tout ce qu’il sait faire, tout ce qu’il a toujours su faire. Les poings et les hurlements. Il a besoin de quelque chose qui détonne, Lonàn, ne connait pas le calme d’une vie apaisée, celle qu’elle a précisément recherché dans les bras de Jace. Avant que tout ne s’écroule.

Elle lutte pour garder son calme, pour l’inviter à faire de même. Alors qu’elle ne demande qu’à s’écrouler dans ses bras et trouver du réconfort. Mais lui, il est bien plus tourné vers la frappe, préfère mille fois punir qu’aider sa petite sœur à la dérive. Et elle, elle tremble sous la violence de l’orage, peine à faire face. Mais il ne lui laisse aucun répit, alors elle se doit d’être forte, de mettre de côté son cœur crevé pour endurer son frère. Toujours, c’est à elle de prendre sur soi. Ils n’en sont pas capables, eux, de se remettre en question et de laisser de côté leurs rixes. « J’imagine que celui que tu désignes comme ça, c’est Jace ? » Ils n’ont jamais pu l’encadrer, aucun d’entre eux. Ne lui ont pas laissé la moindre chance. Surtout pas. A prendre toute la place, ils en oublient qu’elle est humaine, elle aussi, peut-être même bien plus qu’eux. Et que c’est bien de cette façon qu’ils finiront par la perdre, à ne jamais faire attention, à seulement la placer à côté, là où elle ne ferait pas le moindre, là où, surtout, elle ne prendrait aucun coup. Mais c’est trop tard, j’ai grandi maintenant.

Ses plans la fatiguent avant même qu’il n’ait pu les mettre à exécution. Elle voudrait s’écrouler, s’endormir, trouver repos et réconfort. Mais à la place, lui, il veut partir en guerre, lui intime de se relever, elle aussi, de ne surtout pas se laisser abattre de cette manière. Ils la tiennent à l’écart sciemment, ont préféré préserver son innocence. Mais aujourd’hui, on lui intime quand même d’être forte, de savoir faire face. Ce soir, c’est contre Lonàn qu’elle se bat, finalement. « Tu les appelleras demain, ok ? Je peux avoir un peu de repos, oui ? » La véritable supplique est autre part. Ne me laisse pas seule ce soir. Elle ne supporterait pas qu’il s’en aille, qu’il l’abandonne ici, sans qu’elle ne trouve rien d’autre à faire que de contempler le vide et macérer en silence. Le choc s’ancre encore dans ses os, et elle tremble. C’est la peur qui prend le dessus sur la colère, dans son cœur. Son visage se réfugie dans le creux de ses mains, pour ne pas avoir à le voir se déchainer dans ce petit appartement, pour dissimuler les affres de ce visage marqué par d’autres coups. « Putain, mais putain, tu fais chier, Loni… » Elle doit se mordre la lèvre pour ne pas sangloter, pour ne pas laisser son cœur déborder, enfler dans sa gorge, se perdre dans l’air. Pas devant lui, alors qu’il l’apeure par sa seule présence destructrice. Pourquoi est-il incapable de lui donner ce dont elle a besoin ? Pourquoi se concentre-t-il sur son ego mal placé, sur la terrible impression qu’on a abimé un objet qui lui appartient ? Ne pourrait-il pas juste faire preuve d’un peu de bon sens, juste de quoi la rassurer ? Il préfère se détourner de sa sœur, frapper la cause du problème sans voir les conséquences qui s’inscrivent dans son âme.

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