when the violence causes silence. ; lonàn

Le visage cassé de Conway lui avait écorché les tripes, partagée entre l'envie d'être fière de lui et la colère de savoir qu'il s'en était pris au mauvais. Ces sentiments contradictoires brûlent la reine lorsque celle-ci s'approche de sa porte d'entrée le souffle coupé. Elle sait qu'il se montrera cruel et mauvais avec lui mais se refuse de laisser entre eux un silence plus long que celui déjà imposés. Fébrile, Hera se plante dans sa porte, passe une main dans ses cheveux avant de jeter instinctivement un regard en arrière. Impossible pour elle ne de pas être sur ses gardes quand sa tête a été mise à prix depuis trop de mois. Il lui arrive parfois de s'étonner d'être encore là, vivante, pour seule blessure une cicatrice sur la jambe ainsi qu'une sœur en terre. Elle avait eu plus mal pour la balle que pour Dione. La souffrance physique possède la franchise d'être insupportable mais de ne pas durer tandis que les blessures de l'âme s'éternisent à l'infini. Elles sont à peine palpables mais diminuent les capacités du corps et de l'esprit.
Une clope entre les doigts, Hera cherche un point d'ancrage mais se sent plongée dans le vide, flottant dans un air si épais qu'elle peine à respirer.

Moran se donne encore quelques secondes, le temps pour elle de terminer sa cigarette et la balancer. Le geste est vif tandis qu'elle l'écrase sous sa semelle. Persuadée qu'elle s'y brûlera, Hera ne parvient pourtant pas à se raisonner. Elle ressent le besoin de se persuader qu'il va bien et que Conway ne lui a pas raconté une énième connerie pour l'éloigner de Lonàn. Si l'australien est la chose la plus précieuse qu'il soit en sa vie, il lui est aussi impossible de lui faire confiance. Elle est alors venue ici, sans la moindre prudence, sans même une arme entre les mains pour se défendre s'il décidait de s'en prendre à elle. Naïve, une part d'elle ose croire qu'il n'est pas comme Cahal et qu'il n'oserait pas mais comment peut-elle en être sûre alors que leur dernier échange ressemblait à un échange haineux et mensonger ? Elle lui avait menti, sans une once d'hésitation, sans la crainte de le perdre totalement. Perdue dans une brume ténébreuse, Hera avait une fois de plus confirmé qu'ils ne pourraient jamais survivre dans cette guerre qu'elle leur mène.

Le début de soirée dépose sur les traits de son visage un voile plus calme lorsque la porte s'ouvre après y avoir toqué plusieurs fois, d'une légère insistance. Le doigt posé sur le judas pour ne pas que Lonàn puisse la reconnaître et l'ignorer. La vue de son visage lui décroche un sentiment de soulagement qu'elle ne saurait expliquer. Ce qui la frappe en premier, c'est cette colère qu'il ressent à son égard, couplée à une amertume qu'elle ne peut nier. Instinctivement, sa main se pose contre le bois de la porte pour ne pas qu'il la lui referme sur le nez. Lonàn, attends. Sa voix se brise sur ses lèvres asséchées. La reine s'avance, le force à lui faire face et ne pas la renier alors qu'elle vient de traverser la ville dans l'unique but de le retrouver. Elle a pris soin de défaire quelques coutures de son âme afin de la rendre plus flexible et accepter sa colère. Hera ne porte plus cette haine sauvage qu'elle lui avait craché au visage en le retrouvant quelques mois plus tôt.
Ses doigts se crispent contre la porte tandis que ses yeux s'attachent aux siens.
Cinq minutes, pas plus.
Si elle avait donné de l'importance à sa haine pour Cahal, de la consistance à son affection pour Morgan, Lonàn quant à lui est resté trop longtemps sur le bas côté pour se résoudre à tout laisser tomber d'un claquement de porte.

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Moran se laisse devenir minuscule sous la colère de Lonàn. Elle n'est pas venue ici dans le but d'assouvir son besoin de pouvoir mais seulement pour tenter de réparer un lien qui ne retrouverait pourtant jamais sa forme initiale. A l'image d'un vase de cristal, tous les moments passés aux côtés de l'Irlandais ont éclaté en quelques éclats minuscules, tout juste visibles, dont elle sent chaque écorchure sous sa peau. Lorsqu'il lui crache au visage ce qu'il ressent, combien elle a abusé de lui, de sa confiance, Hera déglutit difficilement. Douloureuse sensation qu'est celle de son corps. Du verre pilé au fond de la gorge, la reine enlève elle-même cette couronne tendrement posée sur ses cheveux clairs. Elle inspire, le cœur au bord des lèvres, la colère resserrant avec violence son cœur gelé. Lonàn agit comme elle l'aurait fait, d'une défensive solide, prête à la broyer si elle essaie d'aller trop loin, encore une fois. Mais Hera a détruit tant de choses au cours des derniers mois qu'elle se sent arrivée à saturation.

Pourquoi veux-tu que je te mente sur ça ? Conway n'est qu'un sombre idiot, je ne pouvais pas deviner qu'il allait décider de s'en prendre à toi alors qu'il ne sait même pas enlever la sécurité de son arme. Hera continue de presser sa main contre cette porte, ressentant toute la haine de Lonàn cogner de l'autre côté. Ce qu'elle a semé tout autour d'elle éclot au fil des jours, laissant alors naître un enfer opaque et brumeux dans lequel la reine se noie à présent. Prise de remords, elle baisse les yeux mais maintient sa position. T'as le droit de me détester pour tout ce que j'ai fait, je suis pas là pour espérer ton pardon mais tu peux pas me mettre sur le dos la seule chose que j'aurais empêché de se produire si j'avais su. Ses lèvres tremblent légèrement tandis que ses yeux fatigués cherchent une lueur dans les siens mais Lonàn semble si éloigné d'elle que tout ce à quoi elle se heurte la fige sur place. Son épaule se cale légèrement contre la porte afin de trouver un appui, répartir ce poids insupportable dont est victime son organisme. La sensation d'avoir du plomb dans les jambes s'accentue à mesure que les battements de son cœur s'accélèrent.

Elle ne prend pas la moindre place lorsqu'elle entre chez Lonàn, s'avance à peine de quelques pas. La porte se ferme derrière elle et Moran ne parvient pas à ressentir la moindre peur. Attirée par tout ce qui se brise, elle pénètre chez lui, laissant dans son ombre toute envie de se protéger. Conway a bien saisi la leçon. Je doute qu'il trouve un jour le courage de quitter à nouveau l'hôtel sans s'être payé un nouveau nez avant. Un brin cassante envers Moran, malgré sa méchanceté, Hera n'est pas loin de la réalité. Elle entend déjà le brun se plaindre de son état mais aussi de son visage gonflé par les coups. Tous devront être à ses petits soins pour ne pas qu'il sombre dans la dépression en attendant que se dissipent les hématomes. Dépassée par les événements et l'influence qu'elle possède sur les siens, la reine a conscience de sa part de responsabilité dans cette histoire. Si elle n'avait pas craché toute sa haine à Conway ce jour là, si elle n'avait pas reporté sur lui la douleur d'avoir perdu Nevada alors peut-être ne serait-il jamais venu jusqu'à chez lui afin de le mettre en danger. Si elle n'existait pas, si elle était seulement restée à l'état d'adolescente invisible, toute cette merde n'existerait pas.
Hera est la seule auteure de ces ténèbres.

La blonde soupire avant de se reculer de quelques pas, laisser son dos rencontrer la porte fermée derrière elle. Elle dépose alors ses phalanges contre son visage pour tenter de chasser la fatigue mais celle-ci lui colle à la peau, tire ses traits. Son regard s'accroche à ses poings amochés et tend instinctivement le bras pour attraper l'un de ses larges mains. Ses doigts effleurent les blessures tandis qu'elle murmure un tu l'as pas raté calme et détaché. Ses pupilles ne se concentrent plus que sur cette partie de son corps, élude le reste.

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Elle subit sa colère mais ne peut ressentir de réelles craintes face à lui. Adon l'avait forgé à ne pas se laisser abattre par la force des hommes. Son mari l'avait tant de fois humilié, endurcie qu'il ne reste aujourd'hui plus qu'une pâle copie d'Hera Monroe. Elle ne cesse de le fixer, ne perd pas une poussière de ce que dégage Lonàn. Elle le sent arrivé à bout de sa patience et de ses nerfs comme tant d'autres avant lui. Moran a une fois de plus brisé et détruit ce qui l'aidait pourtant à faire la paix avec elle-même. Elle a la sensation de l'avoir tant usé par ses mensonges et ses fuites que cette fois, le point de non-retour est atteint. Sur le parking, elle avait encore la sensation de pouvoir le rattraper mais cette fois, seul le vide l'accompagne.
Hera est seule et l'espace que creuse Lonàn en elle ne fait qu'empirer son envie d'être si vénéneuse et cruelle. Après cela, elle n'en deviendra que plus dure, comme à chaque fois qu'elle perd une part d'elle.

Tu crois que je ne le sais pas déjà tout ça ? Tu penses que j'ai pas analysé une centaine de fois cette foutue situation depuis qu'il est dans ce lit d'hôpital ? Ce n'était pas mérité, Conway a complètement vrillé et – Elle passe une main sur son visage, chasse la fatigue. Hera perd de son envoûtement, se laisse doucement couler dans la réalité. Les ficelles qui la tiennent à la fierté disparaissent une à une, laissent du mou. La reine inspire mais ses poumons entrent en saturation. Elle pose alors sa main contre son torse pour tenter de calmer sa respiration saccadée. Le surplus lui donne la sensation d'être trop grande pour son corps à moins que ce ne soit le contraire et que la moisissure ne prenne toute la place, la chasse d'elle-même. Tout ça c'est à lui qu'il faut le dire, pas à moi. Si je savais ce qu'il lui passe par la tête, on ne serait pas là, à se cracher à la figure. Elle avait vu Adon briser son propre fils avec une telle violence psychologique qu'Hera l'avait ensuite protégé de tout sauf d'elle-même. En l'enfermant dans cette pirale, elle était alors devenue l'unique déesse de son univers.
Ce genre de déesse pour qui l'on sacrifie tout, même sa propre vie. Et le visage tuméfié de Conway témoigne aujourd'hui la gravité de la situation. A trop vouloir se faire aimer, Hera l'avait poussé dans la tombe, juste à côté du minuscule corps de Nevada et de tous les autres.

Il ne me doit pas la vie. Elle soupire, déphasée, ne bouge pas d'un cil. Moran se transforme en statue mais son esprit parvient encore à marcher malgré tout. Elle se sent comme dans un scaphandre, plongée dans les abysses d'un McGrath au bord de la rupture. Hera n'essaie plus de le toucher, d'entrer en contact avec lui, les coups que son indifférence et sa colère lui donnent deviennent insupportable. Je suis la seule responsable de toute cette merde. Conway m'a bien plus sauvé la vie que le contraire. Si elle n'existait pas, Conway ne serait pas venue. Si elle n'avait jamais traversé la route pour venir ici, Lonàn n'aurait pas eu à s'arrêter pour elle. Moran baisse les bras et la façon dont elle le fixe est évidente. Si elle s'approche d'un pas, elle ressent à peine sa présence. Le blond est si loin d'elle dans l'enfer qu'elle a elle-même crée qu'elle ne peut plus l'atteindre. Hera tient beaucoup trop à lui pour ne pas se rapprocher de la porte et le rassurer, lui prouver qu'elle ne s'éternisera pas. Je te serais éternellement reconnaissante de ce que tu as fait pour moi. Tu as été le seul à m'avoir considéré comme un être à part entière et je ne l'oublierai jamais. Maintenir le plus jeune Moran en vie alors que le deuil de sa sœur est encore poisseux et incrusté au creux de son âme. La préserver d'un énième cadavre qu'elle n'aurait peut-être pas su supporter cette fois. Cela fait bien trop longtemps que plus personne ne s'est soucié de la protéger, tous si persuadés de son invincibilité. Je préfère le savoir défiguré si c'est le sacrifice à faire pour te garder en vie. Elle s'était montrée monstrueuse la dernière fois car la place que possède Lonàn dans sa vie est bien plus improbable qu'elle ne l'avouera jamais. Lui cracher au visage qu'elle l'espérait mort avait été un élan désespéré de l'éloigner d'elle mais tout cela n'avait été qu'un échec cuisant. Elle ne pourrait jamais réellement le laisser partir, qu'importe qu'il ne veuille plus la voir ou la haïsse. Hera accepte de vivre dans son mépris car vient un moment où toutes les places sont bonnes à prendre.

Moran ne se confond pas en excuse, consciente que Lonàn ne veut pas les entendre et qu'il éprouve pour elle tout juste l'ombre d'un sentiment encore viable. Ses pupilles le cherchent une ultime fois. Le goût de la fin se répand de sa langue jusqu'à la totalité de son être. Elle sait qu'une fois cette porte claquée, plus rien ne trouvera la moindre contenance. Je regrette chaque atrocité que j'ai causé et qui nous aura éloigné l'un de l'autre. Tu es quelqu'un de bien, Lonàn. Je crois aussi que c'est pour ça que nous en sommes là aujourd'hui. Sa respiration se coupe, elle vide une ultime fois son cœur sans parvenir à le regarder droit dans les yeux. Hera ne verse pas une larme mais l'humidité qui borde ses paupières et rougit ses yeux est la preuve d'une émotion trop forte qu'elle ne peut contrôler. J'espère que tu trouveras un jour la paix, avec les autres mais aussi avec toi-même. A se faire tant de mal, Lonàn ne peut qu'avoir du ressentiment contre lui-même. Quel genre d'homme atteint l'overdose s'il est au clair avec son amour propre ? Moran recule encore, pose sa main sur la poignée. Hera n'était finalement que la continuité de cette spirale destructrice. Coucher avec elle était un moyen de se rebeller contre cette guerre sordide. Elle avait été un outil comme il l'avait été pour elle. Les sentiments qu'elle avait laissé naître pour lui n'étaient qu'une faiblesse qu'elle finirait par réajuster avec le temps.

On est arrivé au bout des cinq minutes. Elle a probablement grappillé quelques unes de plus mais tient pour une fois sa parole. L'air frais de l'extérieur caresse ses traits et porte en lui la cruauté d'un adieu amer.
Cinq minutes afin de tout balayer.
Cinq, juste ça.

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Hera, reine des glaces dont l'air frais de l'extérieur la frigorifie. Un frisson parcoure son échine, les griffes de la nuit dévalent sa peau maintenant qu'elle n'est plus si forte et sur la défensive. L'encre noire des nuages dégueule au dessus d'eux, traverse ce courant d'air afin de marquer l'âme de Moran de quelques ombres chimériques. Elle tressaille lorsque Lonàn l'empêche de faire un pas de plus. Elle, prête à baisser les armes et accepter l'échec. Elle, dont la force n'est aujourd'hui plus qu'une terre laissée en friche et où les ronces pullulent et lui obstruent la vue. Ces ronces là, que personne n'a jamais planté mais que personne n'a aussi un jour pensé à déraciner et qu'on accuse d'être toxiques. Quelque part sous sa cage thoracique suffoque une Hera bordée par la sensation d'être arrivée au bout des choses et surtout d'elle-même.
Et si tout ce qu'elle avait perdu jusqu'ici n'était finalement pas un plan imposé par la vie afin de la délivrer et la laisser partir, vivre sa vie de femme et de Monroe libre ? Moran n'est pas seulement un nom, il est sa plaie, son fardeau, sa croix. D'abord prisonnière de l'enfer, elle était finalement devenue l'une de les leurs, de ces démons que l'on appelle parfois pour se venger ou se sentir vivant mais que l'on termine toujours par regretter d'avoir rencontré. Par survie, Hera n'avait plus été capable de réfléchir par elle-même durant de longues années jusqu'à ce soir où la colère de Lonàn ne parle plus à la sienne mais l'écrase.
Le dos légèrement voûté, les bras croisés contre son torse, elle n'a pas plus d'allure que ces gamines qu'elle vend à tour de bras sans une once d'empathie ou de culpabilité.

Imprégnée de sa fatigue, Hera relève les yeux lorsque la voix de McGrath vibre en elle. Elle pourrait se montrer mauvaise, se transformer en vipère et lui sauter au visage pour le faire taire mais il est de ces moments où même la plus grande menace marque un arrêt. Et cette terre, marquée des volcans en éruption revit lorsque ceux-ci sombrent dans un sommeil profond, parfois éternel, souvent sournois. La lave de ses veines à elle n'est plus perceptible, elle se fond dans son sang, redevient quelques particules inutiles de paix et de remise en questions.

Hera le savait, c'était inscrit au fer rouge, gravée si profondément en elle que l’écorce avait fait son boulot pour tout recouvrir mais maintenant qu'elle revient à la surface telle une tumeur que la raison ne supporte plus ; tout est limpide. Moran vit dans un mensonge. La démesure l'aide à survivre, semblable à une hallucination éternelle ; puisque rien autour d'elle n'est vrai,comment peut-elle en souffrir ? Et pourtant, Lonàn lui décroche une grimace, une douleur vive, presque colérique. Le blond lui rappelle qu'elle n'est peut-être pas si douée dans la dissimulation.
Sa bouche close s'ouvre légèrement mais aucun son ne sort. Cette fois, Hera ne sent plus l'ombre d'une agressivité dans sa bouche. Car solitude et rancœurs produisent un venin qu'elle invente pour les autres mais qu'elle boit elle-même.
Un venin si sordide qui lui brûle l'estomac et la rend stérile à toute empathie.

Les doigts de Lonàn contre son dos, elle se laisse guider. Qu'importe que ce soit un piège, Hera est décidée à ne pas se cacher derrière un énième masque. Les traits tirés de son visage, son parfum morbide et désespéré ne lui permettent plus de se fuir. Le désordre ambiant la rassure. Dans son merveilleux hôtel, tout y est à sa place, finement rangé, plié. Là-bas, chaque pièce est d'une propreté irréprochable mais si les murs avaient des oreilles, tous garderaient dans leurs briques le hurlement de toute l'horreur commise. Moran est semblable à cette bâtisse, parfaitement lisse mais gorgée d'atrocités. Les paroles de l'Irlandais la touchent avec une telle précision qu'elle ne réalise pas le moment où son corps s'installe sur le canapé tout en poussant du bout des doigts une veste qui traînait là afin de ne pas la froisser.
L'océan de ses iris l'emprisonne et le fait flotter, ne cherche pas à noyer Lonàn comme tant de fois avant ce soir.
Il nous en fallu du temps, tu trouves pas ? Ce sont les mots les plus humains qui bordent ses lèvres mais qu'elle ne parvient pas à prononcer.

Le sourire de Lonàn l'arrache à son silence ému et la reine lui répond de la même manière, d'une légèreté témoignant sa honte et son immaturité affective. Hera n'est jamais aussi fragile et vulnérable que face à la douceur. La guerre et la violence ne lui font aucun effet mais l'affection lui coupe les jambes. Ça n'a rien d'un mélodrame, c'est moi qui suis une véritable mégère quand je m'y mets. Son regard sombre sur la table basse dans un rire léger, à peine audible, pas plus agressif que le miaulement d'un chaton. Sur ce parking, Moran avait rejeté d'un bloc ce que Lonàn avait sur le cœur en se cachant derrière un sarcasme si facile.

Je te remercie pour ta sincérité. Elle avait besoin d'entendre qu'il ne la déteste pas, c'était viscéral. Elle ne saurait dire d'où découle cette envie mais maintenant que ses mots résonnent en elle, Hera ne se sent plus si éteinte. Mais tu sais, je ne protège rien. J'ai tué Dione et m'en prendre à Nina n'a fait que confirmer ce qui était déjà enfoui : le monstre c'est moi et vous en payez tous le prix le plus fort. Lorsqu'elle inspire à ces paroles, les côtes de Moran semblent brutalement s'écraser contre ses organes comme si un poids grimpait dessus et y sautait à pieds joints. On se le boit ce verre ? La question est teintée d'une douceur d'après guerre, encore brisée d'avoir usé trop de forces mais soulagée d'être encore debout malgré tout. Elle remarque chez Lonàn ce mal être et désire le dissiper. Il n'est pas plus à l'aise qu'elle face aux sentiments. Ça me fait plaisir de te revoir même si ce n'est pas le rencard du siècle. Hera lui adresse un regard plus complice, affectionne cette note de légèreté qu'elle parvient à lui offrir malgré le poids si lourd écrasé contre sa poitrine.

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