Tour d'ivoire •• Hera

Hera & Ethan

Tour d'ivoire

La musique résonne doucement dans l’habitacle de sa voiture de sport. Lunettes de soleil sur la tête – pour plus de style – à défaut de les avoir sur le nez, il attend que le feu passe au vert. Ses doigts tapotent légèrement sur le cuir du volant, en rythme avec la mélodie diffusée sur son autoradio. Il dénote légèrement avec le paysage de la Louisiane Ethan. La carrure imposante et le look du surfeur californien perdu en pleine pampa. Le costard hors de prix sur le dos en toute circonstance, quand il ne donne pas de cours. Le regard malicieux et le sourire très souvent ancré sur les lèvres. Le charme de l’ouest. Et il sait y faire, le grand blond. Il a déjà gagné bon nombre de négociations avec sa tchatche légendaire et ses sourires ravageurs. Même la japonaise chez qui il vient de s’arrêter lui a offert quelques sushis supplémentaires en plus de son numéro de téléphone subtilement glissé avec la monnaie qu’elle lui a rendu.

Arrivé à destination avec quelques minutes d’avance – pour une fois – il quitte son bolide et récupère les victuailles achetées pour tout un régiment ainsi que la bouteille de vin provenant de son propre vignoble. La gestion de ce genre d’héritage familial ne l’intéresse pas, pourtant il ne peut nier que ça a du bon, parfois. Parce qu’il sait que le vin est de qualité. Il sait que cet alcool sera un véritable délice à déguster. Les bras chargés, il s’engouffre dans l’hôtel et salue les quelques visages familiers. Ce n’est pas la première fois qu’il y met les pieds. Surtout dernièrement avec tout ce qu’ils ont préparé. Un plan parfait dans lequel un grain de sable est venu récemment se coincer. Un élément perturbateur dont il doit tenir Hera informée.

Les marches montées en petite foulée, il arrive rapidement derrière la porte où sa reine vit. Quelques coups à la porte et la voilà qui apparaît devant lui. Tout sourire, il ne peut s’empêcher de glisser une petite plaisanterie. « Room service ma belle Dame. Les sushis sont servis. » Fier, il lui montre même sa jolie bouteille. « Et j’ai ramené l’une des meilleures pour toi. » Il ne tarde pas à pénétrer à l’intérieur, d’un pas assuré. Il fait comme chez lui, Ethan, et dépose le tout sur la table. Tandis qu’il s’affaire, il relève la tête, les prunelles brillant d’une fierté non dissimulée. « Tu remarqueras que je suis à l’heure. C’est assez exceptionnel pour être souligné. » Ethan et la ponctualité. Non pas qu’il débarque chaque fois à un rendez-vous donné avec des heures de retard, non. Disons simplement qu’il est resté bloqué sur ses habitudes d’homme aimant se faire un peu désirer. « Alors comme ça je te fatigue ? » Qu’il lance, un sourire aux lèvres, en proie à une certaine taquinerie qu'il ne peut refréner.

Hera & Ethan

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Il a la prestance et le charisme des hommes importants, Ethan. Il sait soigner ses entrées et faire honneur à son rang. Ne jamais arriver quelque part les mains vides. Homme de parole, quand il projette une promesse, il l’honore toujours. Aussi simple soit-elle. S’il rend visite à sa boss, c’est pour le travail certes, mais rien ne presse. A quoi bon foncer tête baissée quand on peut prendre son temps. La situation ne va pas leur échapper en deux temps trois mouvements. Les bras chargés, il dépose ses victuailles sur la table à sa portée. Hera ne tarde pas à apparaître, parfaitement apprêtée. Comme toujours, elle sait se mettre en valeur et faire ressortir toute sa beauté. « Je sais que cette technique fonctionne pour l’avoir déjà testée. » Le sourire amusé, il laisse ses prunelles la détailler. Il a beau être son employé, il sait se servir de ses yeux pour observer et savourer la vue des belles choses à proximité.

La main qu’elle tend vers lui l’attire sans qu’il ne se pose la moindre question. A son niveau, il se baisse légèrement pour la laisser déposer un baiser sur sa joue mal rasée. « Comme quoi, tout peut arriver. » Même un Ethan à l’heure à un rendez-vous. N’est-ce pas le signe d’un problème qu’il faut vite régler ? L’urgence de la situation ? Ou simplement la volonté de la voir, elle, et de ne pas la faire attendre plus que nécessaire ? Lorsqu’elle s’éloigne, il glisse ses mains dans les poches de son costard hors de prix pour la suivre des yeux. « C’est exact. » L’oiseau tombé du nid. La chère et tendre de leur pire ennemi. La pauvre victime de cet interminable conflit. Dommage collatéral qu’il leur faut maintenir en vie. Pour autant, la reine ne pose pas de questions. Se contente d’énumérer quelques hypothèses et lance à la volée une surprenante confession. « Il a osé ? » Les sourcils froncés, ses tympans saignent. Morgan est un sauvage qui ne sait pas contrôler sa langue bien trop pendue. « Ce chien. » La réplique est acerbe, la mâchoire crispée. Il est calme, en règle générale, Ethan. Sauf quand on s’en prend à sa majesté. Elle est trop précieuse Hera, pour se faire insulter et humilier. S’il déteste Cahal au plus haut point, son cadet ne se trouve pas loin derrière sur l’échelle de sa haine anti-McGrath. « Tous des rebuts de la société ces foutus irlandais. Ça va mal se terminer Hera, tu le sais. » D’un côté comme de l’autre, les dommages ne pourront être évités. Un jour, tout finira par péter. Le compte à rebours est déclenché avant que tout ne se mette à exploser.

Docile, il se contente de hocher la tête pour retourner près de la table et ouvrir la bouteille de vin qu’il vient de ramener. Pas vraiment un as dans le domaine viticole, il laisse avec grand plaisir son frère et sa secrétaire gérer ce beau bordel dont il se fiche éperdument. Le vin, il préfère le boire que de vanter ses mérites avec un jargon particulier et d’observer sa « robe » à travers la lumière tamisée. La bouteille ouverte il l’attrape entre ses doigts pour en verser dans les deux verres apportés par Hera. Une bonne dose, presque jusqu’en haut pour pouvoir savourer plus longtemps. Parce que même s’il n’y connait rien, il sait que le vin familial est exceptionnel. Ses parents n’auraient pas fait fortune dans le cas contraire. Un sourire aux lèvres, il la rejoints, les verres en main. Une légère courbette exagérée et il lui tend le sien. « Ma reine est servie. » Avant de s’installer dans le canapé, il dépose son propre verre sur la table basse pour retourner chercher les sushis non loin. Une fois tout à disposition, il s’assoit enfin. « On va quand même trinquer avant d’aborder le sujet qui fâche. » Autant profiter que la saveur soit encore appréciable. D’un geste, il approche son verre du sien pour les faire tinter ensemble. « Tu me diras ce que tu en penses. » L’alcool entre les lèvres, il en boit quelques gorgées. Laisse le silence légèrement planer avant de se lancer. Déposant son verre sur la table, il vient caler ses larges épaules contre le dossier du canapé. « Un loup est venu rôder autour du petit oiseau perdu. Pas n’importe lequel, un évadé du poulailler. Il est venu fouiner sur les lieux. Inspecteur Craven, ça te parle ? »

Hera & Ethan

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D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Hera, il l’a toujours admirée. Démarrer au bas de l’échelle, partir de nulle part pour au final atteindre le sommet. Son parcours est exemplaire. Elle est cette étoile qui illumine les nuits les plus noires. Cette lumière qui attire et guide tous les espoirs. Ce soleil qui irradie et réchauffe de sa chaleur illusoire. Cette reine absolue qu’il suit sans hésiter quitte à se brûler les ailes avec elle, pour elle. Parce qu’il n’a pas peur de tomber pour elle. Hera vaut tous les sacrifices. Avec elle, tout coule de source avec une simplicité enfantine. Ils ne possèdent pas le même nom, mais leurs points communs vont au-delà des liens du sang. Les Moran sont la famille qu’il s’est choisi et dans laquelle, chaque jour, il s’épanouit.

Elle a toujours raison, la chef de clan, sauf quand les irlandais entrent en jeu.

La machine est bien huilée. Le plan se déroule sans rencontrer la moindre difficulté. Jusqu’à ce qu’un grain de sable ne vienne tout dérégler. « Franchement ? Ça aurait pu être pire. Mais on est des professionnels, non ? » Tout est sous contrôle, jusqu’à un certain point. Les relations des McGrath ne sont pas toutes connues. N’entrent pas toutes en ligne de compte. Cahal a le bras long, certes, mais jusqu’à quel point ? Affalé au fond du canapé, son verre au creux de la main, il se contente de hocher la tête quand elle répète le nom du fouineur impromptu. A son tour, il hausse les épaules. « Je n’ai pas encore cette information mais ça ne m’étonnerait pas. Des parasites du même genre ont déjà traîné autour du domaine mais aucun n’est entré à l’intérieur de l’enceinte. Nos équipes sont plutôt persuasives pour écarter subtilement la menace. » Et plutôt convaincantes lorsqu’il s’agit d’inventer des bobards pour dissiper les soupçons. « Mais lui, il a insisté pour entrer et faire le tour de la propriété. Etrangement, ses questions étaient plutôt bien ciblées. Il connait le petit oiseau, il sait à quoi elle ressemble. » Ça l’agace, qu’on vienne fouiner dans leurs affaires. C’est surtout ça le problème. Ne retenant pas le soupir qui lui enserre la gorge, il amène son verre à ses lèvres pour boire quelques gorgées de sa production. Même s’il déteste la vendre, il doit bien reconnaître qu’elle a bon gout. « Je pense qu’il peut potentiellement attirer l’attention et ça ne me plait pas. J’ai mis quelques gars sur le coup, j’attends leur retour. » Une petite pèche aux infos ne peut pas faire de mal. « Pour l’instant, je n’en sais pas plus, ce sont les dernières infos dont je dispose. » Dans un haussement d’épaule, il se penche vers la table pour récupérer un sushi et le fourrer dans sa bouche. « Tu comptes la garder combien de temps la miss ? Et tu crois qu’il est au courant qu’elle est enceinte, l’autre ? » L’autre parce qu’il déteste prononcer le prénom de Cahal. Il hait tout chez ce type jusqu’à sa façon de respirer. « Ce serait vraiment dommage que ça se passe mal à cause du stress d’être enfermée. » L’ironie empeste à plein nez. Foutaises, il n’en a strictement rien à carrer de son état de santé. Si ça ne tenait qu’à lui, sans doute qu’il l’aurait déjà éliminée pour venger l’assassinat de Dione. Un juste retour des choses, non ? Œil pour œil, dent pour dent. Mauvais jusqu’à la moelle, il a la rancune tenace, Ethan.