Affalé dans son canapé, l’effet de la coke qui commence à s’estomper, c’est le tabac qui vient la remplacer. Impossible de savoir l’heure qu’il est. Voilà déjà plusieurs heures qu’il est réveillé. L’après-midi est presque terminée, sa journée ne fait que commencer. Parce que Lonàn, c’est un oiseau de nuit. Le genre qui dort le jour et sort la nuit tombée. L’esprit plus ou moins embrumé, il réfléchit déjà au programme de sa soirée. Rien de prévu en particulier alors les choix sont très nombreux et diversifiés. Sortir dans un bar pour picoler ? Se rendre à une soirée privée où la drogue ne cesse de couler ? Appeler l’une des nanas de son répertoire pour passer une bonne nuit de débauche endiablée ? Ou plusieurs, les excès ne sont pas limités.
Coinçant sa cigarette entre ses lèvres, il a bien du mal à se décider. L’esprit bien trop happé par la télé. C’est fou le nombre de connerie qu’on peut trouver en zappant d’une chaîne à l’autre. Son choix s’est finalement porté sur une télé réalité mettant en scène des gens lâchés sur une île déserte, tentant de survivre et surmontant diverses épreuves en équipe. Les esprits qui s’échauffent à cause de la faim qui tiraille les estomacs. Des complots et des stratégies pour éviter l’élimination. C’est fou ce que l’Homme est capable d’inventer pour divertir ses semblables. C’est presque fascinant. La traîtrise n’a pas de limite lorsque l’argent est en jeu. La sonnerie de son téléphone portable le coupe dans sa contemplation. Sans détacher ses prunelles de l’écran, il se redresse pour le récupérer sur la table basse. Un coup d’œil furtif pour constater que le message reçu vient de son frère. Un McGrath attire forcément toute son attention alors il détourne les yeux de l’écran de sa télé pour lire ce qu’il lui raconte. Pour autant, pas le temps de lui répondre parce que la sonnette de sa porte d’entrée retentit. Qu’importe, la personne quelle qu’elle soit attendra un peu.
Le message envoyé, il laisse son téléphone tomber dans le canapé et péniblement il se redresse pour se lever. La cigarette entre les doigts, ses pas le trainent jusqu’à sa porte qu’il ouvre dans la foulée. Quelle n’est pas sa surprise d’y découvrir Conway Moran dans l’encadrement. Des mois qu’ils ne se sont pas vus. Depuis que toute cette merde a éclaté. Les sourcils haussés témoignant de sa stupéfaction, il reste silencieux quelques secondes. « Bah putain, tu t’es perdu ? » Conway Moran, c’était le bon pote à l’époque. Celui qui, contre toute attente, savait plaisanter malgré ses airs hautains et guindés. Parce que Lonàn, il a toujours su mettre les gens à l’aise de par sa nonchalance légendaire. La tape amicale sur l’épaule, la blague pour détendre l’atmosphère, avec lui on est vite mis en confiance. Mais le voir là, sur le pas de sa porte avec la guerre qui éclate entre leurs deux familles ? N’est-ce pas étrange ? A moins que l’australien ne veuille juste passer un bon moment avec un pote, malgré les différends familiaux ? Le doute est permis même si en soit, Conway n’est pas une menace. Ce n’est pas le genre à se salir les mains pour la cause alors dans un haussement d’épaules, Lonàn s’écarte un peu pour le laisser entrer. Amenant sa cigarette à ses lèvres, il s’éloigne de l’entrée en reculant jusque dans son salon, en gardant le Moran dans son champ de vision. « Qu’est-ce qui t’amène Golden boy ? » La méfiance est de mise, d’autant plus que malgré le retour de Nina, les responsables sont bel et bien les Moran. Reste à savoir si Conway était dans le coup ou non.
Attablé au bar d'un de ces bistrots poisseux qu'il avait pourtant en horreur, Conway enchaîne les verres à un rythme si soutenu qu’il en perd rapidement le compte. Les heures passées à ressasser défilent en même temps que la clientèle, la seule constance de la soirée demeurant dans cette morosité qui émanait de son être tout entier, si flagrante que les ivrognes présents semblaient s’être concertés pour laisser un siège libre de chaque côté de sa carcasse pour ne pas avoir à se frotter à son humeur massacrante. Il aurait simplement pu continuer à se rincer l’âme jusqu’à tomber dans un coma éphémère dont il ne sortirait que le lendemain matin mais loin de lui anesthésier l’esprit, les effluves d’alcool préfèrent embrumer ses pensées pour les pousser à se distordre, à se mêler aux mots trop durs échangés avec Hera qui infestent ses blessures plus anciennes comme des mouches prêtes à faire un festin. Dione. La reine ne pouvait faire allusion qu’à ça en lui reprochant son inaction. Ca, cette vieille rengaine qu'il lui servait comme une litanie tout en restant parallèlement les bras croisés sans jamais venger la mort de la cadette Monroe qu'elle pointait du doigt. Brutalement, l'Australien finit par se lever pour balancer à la hâte quelques billets à l'attention du serveur avant de quitter les lieux dans un silence de mort.
Il n’avait pourtant pas prévu de débarquer à la porte de Lonàn à la tombée de la nuit. Hera ne lui avait pas non plus ordonné de le faire mais c’était d’une lucidité glaçante dans son esprit contrarié, la seule chose à faire pour briller à nouveau aux yeux de la souveraine Moran. A peine perturbé par l’accueil surpris que lui réserve McGrath, Conway lui balance d’abord une excuse toute pétée dissonnant terriblement avec la réalité quand on savait qu'il n’avait pas pour habitude de trainer dans des quartiers aussi coupe-gorge, les criminels qu’il fréquentait étant généralement affublé d’un costume et d’une cravete, avec rien en commun avec ces marginaux de bas étage qui pululaient dans le secteur. J’avais une course à faire dans le coin. La conscience de l’Australien est si sédatée qu’elle le laisse complètement paumé face à la question du blond qui lui rappelle brusquement ce pour quoi il est venu. Moran hausse les épaules, privé de son répondant alors que la démence qui est à l’origine de sa visite tout sauf amicale commence à filtrer dans ses gestes. Je sais pas, peut-être un message à faire passer. Conway n’avait jamais eu de dent particulière contre Lonàn. C’était peut-être même le seul individu de la fratrie McGrath à être immunisé contre sa haine viscérale des Irlandais mais ce soir, les affinités s’effacent, deviennent aussi fragiles que du verre qui se brise. Ca aurait pu être lui comme ça aurait pu être un autre mais c’était l’assurance quasi certaine de le trouver seul chez lui qui l’avait décidé, contrairement à Cahal dont le manoir était mieux gardé que la maison blanche et à Morgan toujours entouré au milieu du Red Lion. Déterminé, c’est son irrépressible besoin d’agir pour le clan Moran et de prendre suffisamment de galon pour arracher cette étiquette de bon à rien dont on l’avait estampillé qui le pousse finalement à sortir l’arme enfilée dans la ceinture de son pantalon pour la pointer entre les deux yeux de Lonàn. N’y vois rien de personnel, c’est qu’un putain de souci d’équilibre. Un frère pour une sœur, qu'est-ce que tu dis de ça ? Sur le moment, il oublie que Lonan manie les poings mieux que personne, se concentre uniquement sur les actes impayés de Cahal et sa volonté de mettre fin à ce triomphe qu'il avait largement eu le temps de savourer depuis la mort de Dione. .
La venue de Conway est une surprise en soi. Inhabituelle et étrange au vu des circonstances et de l’atmosphère de guerre civile qui règne entre les Moran et les McGrath. A-t-il simplement envie de se détendre en buvant un coup avec un vieux pote ? Mettre les choses à plat concernant les derniers événements ? De nombreux sujets de discussion sont possibles et envisageables tout comme les raisons de cette visite impromptue peuvent être diverses et variées. Pour autant, la méfiance reste de mise, impossible de baisser totalement les armes face à un Moran, quel qu’il soit. Tous des serpents vicieux avec des plans de coup fourré derrière la tête. Aucun ne fait exception et surtout pas Conway.
Une excuse bidon qui s’élève et finalement la vérité qui éclate. Perplexe, Lonàn fronce les sourcils lorsque la raison de sa visite filtre dans l’air pour atteindre ses tympans. Un message à faire passer ? N’ont-ils pas déjà suffisamment foutu la merde en enlevant Nina ? La réponse à ses interrogations ne tarde pas à se manifester à travers l’arme qu’il sort soudainement pour la pointer sur l’irlandais qui, déjà, sent la moutarde lui monter au nez. La mâchoire serrée, la trahison lui laisse un putain de gout amer sur la langue. Pourquoi lui ? Pourquoi pas Morgan alors que les deux hommes ne peuvent pas se sentir ? Pourquoi pas Cahal alors qu’il est à l’origine de tout ce merdier ? Non, il a fallu que sa soif de vengeance tombe sur Lonàn. Le seul dans cette famille qui a accordé un tant soit peu de crédit à ce petit enfoiré de Conway. La pilule est difficile à avaler, pire elle lui reste en travers de la gorge. La colère submergeant tout son être à une vitesse folle, ses poings se serrent déjà et le démangent fortement. Ne tenant plus en place, il avance doucement. « T’as un putain d'culot, Moran. Un conseil pour toi, ne rate pas ton coup. » D’un geste vif, il attrape le poignet de son assaillant et le tord violemment pour lui faire lâcher sa prise. Pas de temps à perdre, se prendre une balle ne fait pas partie du programme de sa soirée.
De sa main libre, il l’attrape par le col pour le rapprocher de lui. « Trop tard. Moi en revanche, j’vais pas t'louper. » Brutalement, Lonàn le repousse en arrière et lui assène un premier crochet du droit dans la mâchoire afin de lancer, en bonne et due forme, les hostilités. « T’as commis l’erreur de ta vie en débarquant chez moi et en voulant m'buter. Ça, j’peux t'garantir que tu vas m'le payer. Très cher. » Un coup de pied dans l’arme à terre pour l’envoyer valser à l’autre bout de l’appartement. Inutile de prendre des risques inutiles. « T’as pas l’air de savoir à quoi j’occupe mon temps libre pour avoir osé t'frotter à moi. Comme quoi, il faut toujours se renseigner sur sa cible avant de passer à l’attaque. » Mauvais, le brasier de sa colère brûlant au fond de ses pupilles devenues soudainement sombres, Lonàn se baisse vers lui pour le relever sans aucune douceur. « Y’en a bien un qui va crever ce soir. Mais ce sera pas moi. » Un coup de genou violent au creux de l’estomac et il le redresse de nouveau. « Une dernière volonté p’tit enfoiré ? » Et un nouveau coup de poing qui s’abat sur son visage. Il le lâche, le regarde sans sourciller. « Parle plus fort, j’entends rien. » Conway ne semble pas avoir les idées claires, contrairement à Lonàn qui, pour une fois et grâce à l’adrénaline qui pulse sous sa peau, semble bel et bien au mieux de sa forme.
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Affalé dans son canapé, l’effet de la coke qui commence à s’estomper, c’est le tabac qui vient la remplacer. Impossible de savoir l’heure qu’il est. Voilà déjà plusieurs heures qu’il est réveillé. L’après-midi est presque terminée, sa journée ne fait que commencer. Parce que Lonàn, c’est un oiseau de nuit. Le genre qui dort le jour et sort la nuit tombée. L’esprit plus ou moins embrumé, il réfléchit déjà au programme de sa soirée. Rien de prévu en particulier alors les choix sont très nombreux et diversifiés. Sortir dans un bar pour picoler ? Se rendre à une soirée privée où la drogue ne cesse de couler ? Appeler l’une des nanas de son répertoire pour passer une bonne nuit de débauche endiablée ? Ou plusieurs, les excès ne sont pas limités.
