nothing left to say ; conway.

Il est tard lorsqu'elle rentre de sa fuite, gobée par une matinée fébrile et encore sombre. Hera grimpe les marches de l'hôtel telle une cendrillon conquise par l'amertume. La colère de Conway est ancrée en elle, dans ses chairs déjà mises à mal par la violence de Cahal et le départ de Nevada. Un départ qu'elle n'assimile pas malgré l'urne de sa chambre. Son cœur a la sensation que l'enfant vit toujours quelque part, dans cette bulle merveilleuse et lumineuse qu'est Vegas ; prise par le temps, Moran se perd dans l'immensité des mondes, partagée entre celui des morts et des vivants, coincée au creux d'une faille temporelle. Sa douleur pour Dione lui semble si lointaine alors que celle du garçon qu'elle a perdu ne vient jamais vraiment la frapper de plein fouet. Âme errante, son pas est à peine audible lorsqu'elle passe la lourde porte de l'hôtel en sachant que cette fois, Seth ne l'attendra pas pour lui demander des comptes telle une gamine que l'on flique. Elle ressent un manque de ne pas le voir là, planté devant elle, dans toute sa fierté. Cela lui donne l'illusion réconfortante qu'Adon est de retour pour remettre de l'ordre dans ce royaume qu'elle a tenu à la seule force de ses bras durant dix longues années. Tout serait si simple si les fantômes auxquels elle cause pouvaient traverser la matière pour la rejoindre, la hanter et réparer ce que les vivants brisent. Elle les laisserait faire, entrant alors dans un sommeil profond où plus rien ne l'atteindrait. Malgré sa force, Hera sent que sa carapace en prend un coup et qu'elle laisse infiltrer des lumières si vives qu'elles la brûlent. Son âme est une pierre précieuse, laissée à l'abris si longtemps que la moindre variation de température la fait flancher et se recroqueviller en une masse informe.

Sa silhouette fautive s'avance jusqu'à la chambre de Conway où elle ne toque pas avant d'entrer. La reine s'avance dans l'ombre d'un silence. Si la porte grince et qu'elle le réveille probablement, Hera connaît suffisamment cette pièce pour ne pas se prendre les pieds dans le tapis ou se cogner contre cette commode. Moran lui en veut encore terriblement lorsqu'elle s'approche d'un pas félin jusqu'à son lit afin de s'y asseoir. Sa main le cherche entre les couvertures, se pose contre sa joue où le contact de sa mâchoire saillante la fait frémir. Hera ne prononce pas un mot, se contentant de lui offrir une caresse qu'il attendait en lui envoyant ces messages froids et agressifs. Habituée à la nuit, malgré l'espace sombre qu'est sa chambre, elle parvient à percevoir les courbes de son visage, remonte alors délicatement ses doigts dans ses cheveux. Je suis rentrée. Qu'elle souffle, trop douce pour ne pas cacher un feu bien plus violent et destructeur.
Hera se délecte de sa fatigue et de l'innocence qu'elle donne à ses traits d'ordinaire si provocants.

(c) calaveras.

La colère de Conway est une termite qui pourrait le dévorer vivant. Il a bien essayé d’oublier les mots acides d’Héra, de se prouver à lui-même que cette soirée pouvait se passer d’elle et de tromper cette solitude qu’elle lui avait imposée en s’entourant d’autres âmes, plus volontaires,  mais ses efforts ne se sont pas montrés fructueux. Quelques nymphes téméraires ont bien tenté de l’accoster dans ce repère à bourgeois dégueulant le fric où il avait traîné sa carcasse mais leur compagnie lui a paru sans saveur à côté de celle dont il avait espéré pouvoir profiter ce soir. Après en avoir éloigné quelques-unes d’une réflexion teintée de sarcasme pour exprimer le rejet, Moran a fini son verre d’une traite pour le poser bruyamment sur le comptoir et regagner sa chambre d’hôtel. Le sol s'est retrouvé négligemment jonché de ses vêtements alors qu'il enfilait un peignoir en satin pour s'endormir dans le luxe après avoir encore passé de longues minutes à ruminer sur leur échange orageux.

Le sommeil de plomb, le grincement de la porte et le bruit des pas bien trop feutrés de la reine ne suffisent pas à le tirer de sa léthargie. C’est la chaleur de sa main contre sa peau qui parvient finalement à le ramener à la vie. Ses traits tirés par la stupeur trahissent sa surprise de la trouver là. Ca ne dure qu’une fraction de seconde mais c’est suffisant pour qu’Héra puisse se délecter de la satisfaction de l’avoir désarçonné et cette simple idée suffit à l’enrager profondément. Qu’est ce qui te laisse croire que je t’attendais ? L’héritier Moran ne se dérobe pas au contact de sa souveraine, ni à ses doigts qui s’entortillent maintenant dans ses cheveux. Il s’efforce à rester de marbre parce que c’est précisément ce qu’elle n’attend pas qu’il fasse. L’indifférence est l’arme la plus redoutable dont il a pu se munir contre Héra jusqu’à présent et sa rancune est bien trop tenace pour se plier au pardon facile. Je pourrais presque confondre ta provocation avec des regrets. Son ton se veut désobligeant. Il sait qu’il n’en est rien, que la raison de sa visite est purement narquoise, parce que s’il y a bien un point où leurs tempéraments fusionnent pour se retrouver, c’est sur cette faculté à être incapables de prendre une trêve, même quand les limites de l’autre se retrouvent repoussées à leurs confins. Faussement détendu, Moran se redresse sur ses coudes et détaille insolemment son visage malgré la pénombre qui les entoure. Je dois faire appeler un de tes valets dévoués pour te raccompagner jusqu’à ta chambre ou ça ne sera pas nécessaire ? Le compte à rebours avant que leurs égos ne se heurtent avec fracas commence déjà à s’égrèner. Ils ne s’en sortiront pas intacts.

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Elle le sent colérique sous ses doigts. La mâchoire de Conway se crispe et un frisson brûlant traverse sa colonne vertébrale à son contact. Dans l'obscurité de sa chambre, malgré la fatigue et l'ivresse, elle le sait suffisamment en forme pour lui en vouloir encore et pousser un peu plus loin sa rancune. Moran sent bon l'ego vexé et Hera devient alors en sa présence une prédatrice prête à jouer avec sa proie durant de longues heures avant de l'achever. La reine le trouve de si mauvaise foi que cela lui décroché un sourire. Elle prend avec légèreté les sentiments de Conway qu'elle trouve trop à fleur de peau pour ne pas se faire bouffer par les ombres robustes de la mafia australienne. Elle remercie parfois Adon d'avoir existé seulement pour le halot de protection qu'il apporte à son enfant depuis. Car même grand, Con reste le fils de son père, celui qui aurait probablement voulu ne jamais dépasser l'adolescence afin de n'avoir à se soucier de rien.

Même mes valets ne t'ecouteraient pas Conway. Ses hommes sont à ses ordres et le brun n'est à leurs yeux qu'un gamin capricieux dont ils se sentent parfois excédés. Hera leur a accordé le privilège de refuser tout ordre qui ne viendrait pas d'elle, même les plus basiques. Plus le contrôle est grand, plus la paix intérieure est belle. Moran libére sa main de l'emprise du brun et se recule généralement tandis qu'elle ôte ses chaussures avant de grimper sur le lit. Le seul regret que j'ai, c'est celui de ne pas être rentrée quand j'étais suffisamment en colère contre toi pour te faire dormir dehors. Conway aurait trouvé sans difficulté un autre hôtel mais aucun à la hauteur de celui-ci. En plus d'être de qualité, ce royaume fait de lui un prince.  

Je n'ai pas besoin de preuves. Je sais que tu m'attendais car tu ne sais faire que ça, m'attendre. On m'a rapporté de Vegas que tu étais une teigne lorsque je ne répondais pas à tes appels. Assise à côté de lui, Hera tend l'index afin d'effleurer le bout de son nez pour accentuer ses paroles. Conway et elle sont un duo plein de dissonances qui tient depuis tant d'années qu'il en est devenu inébranlable. Et comme si sa sympathie avait assez duré et que sa colère revenait aux devants de son être, la blonde s'asseoit à califourchon sur lui et pose brutalement l'avant de son bras sur sa pomme d'adam. Son visage se rapproche dangereusement du sien. Il n'y a pas besoin de la moindre lumière pour que sa menace le transperce de plein fouet. Son regard est la pire arme. Ne t'avises plus jamais de te permettre de me juger. Si les personnes avec qui je couche sont celles qui me définissent alors tu ferais mieux de te demander pourquoi toi et moi, ça n'arrivera jamais. Ses lèvres effleurent les siennes afin d'accentuer la tension qui les anime. Hera connait suffisamment les faiblesses de son acolyte pour jouer avec elles sans fausse note.

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Conway sourcille à peine lorsque sa reine lui rappelle qu’il n’est qu’un sous-homme à l'autorité imaginaire qui ne mérite même pas le respect des domestiques de l’hôtel qui travaillaient sous ses ordres. Les railleries de la blonde coulent sur son indifférence. Il n’essaie pas de se défendre car être considéré comme un de ces insectes qu’on écrase du bout du pied par le reste du clan n'a rien d'une nouveauté pour lui. Et s’il y a bien une chose à savoir à propos des insectes de son envergure, c'est qu'ils vivent dans l'attente du bon moment pour dévorer tout entier les individus du sommet de la chaine alimentaire dès que le clairon aura sonné pour eux. C’est un sacré service que tu m’aurais rendu là. J’aurais peut-être pu finir ma nuit sans qu’on vienne me faire chier. Malgré son impassibilité à toutes épreuves, Hera est quand même là pour lui prouver à elle seule que la femme est incapable de passer à autre chose sans courir droit au conflit, qu’importe elle se trouve à la tête d’une mafia sans merci ou non. Il n'a pas besoin de plus pour comprendre qu'elle ne lui accordera aucun répit tant que leurs comptes ne seront pas réglés pour de bon, à sa façon. Las, l’Australien soupire et passe un bras derrière sa tête pour la rehausser légèrement et mieux pouvoir détailler le visage usé par le deuil de la blonde.

Ne t’accorde donc pas autant d’importance, je n’aime juste pas être ignoré. Si avant la mort de Dione, Conway était pire qu’un gosse qui n’avait pas coupé le cordon, harcelant Héra de coups de téléphone plus souvent pour des futilités que pour des problèmes importants, depuis sa prise de distance, ses crises de nerf étaient purement un souci d’égocentrisme pathologique. Il ne pouvait tout bonnement pas tolérer que ses contacts trouvent mieux à faire que se montrer disponibles pour recevoir ses appels. Lorsque la reine se veut plus menaçante, son attention se retrouve captivée par sa bouche si proche de la sienne qui le pousse sournoisement à la tentation. Il en oublie même de la provoquer du regard comme il aime tant à le faire. Son avant-bras comprimant sa trachée l’interrompt brutalement dans ses fantasmes. Moran se sent comme un de ces clébards qu’on retourne sur le dos pour asseoir sa supériorité et cette impression lui laisse un arrière goût déplaisant. D’une habile contorsion, Con profite d’une seconde de relâchement pour se libérer de son emprise et inverser les positions. Ses doigts emprisonnent ses poignets alors qu’il lui tend les bras au-dessus de la tête avant de se pencher pour laisser son souffle s’échouer dans son cou, ne manquant pas de laisser ses lèvres goûter sa saveur dans une caresse qui contraste étrangement avec l’agressivité de la scène. Lorsqu’il met fin à son baiser, c’est pour égaliser les scores et laisser la tension la torturer à son tour.  Arrête de te cacher derrière des excuses et admets que la véritable raison est beaucoup plus simple que ça : tu ne supporterais pas de perdre mon admiration. Son sourire est triomphant alors qu’il dénigre ses prouesses dans une ultime tentative de se convaincre qu’il ne rate rien. Affamés, ses yeux ne la quittent pas, attendent patiemment que leurs egos se livrent une énième bataille, de meilleure guerre cette fois.

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Moran se laisse consumer par la colère car elle la trouve salvatrice. Les provocations qu'elle balance à Conway avec une simplicité déconcertante n'ont plus rien à voir avec ce jour où il lui avait ramené les cendres de Nevada en lui faisant comprendre qu'il lui en voulait d'être un monstre parmi les monstres. Ce soir, il y a une certaine complicité à l'arrière de son timbre, elle le taquine car Hera se surprend à le connaître trop bien pour ne pas viser juste. Il est une cible qu'elle pourrait toucher les yeux fermés en atteignant le centre. Si Conway ne lui dit pas tout, elle ressent le fossé qu'il s'est creusé entre eux à la mort de sa sœur. Tout comme elle voyait combien il pouvait s'être attaché à Dione. Elle aurait voulu punir sa cadette d'être si adorable et de capturer le cœur de cet homme qui avait alors jusqu'ici toujours été sien. Malgré son insolence et son manque de courage, le brun n'en reste pas moins le fils d'Adon et chacun de ses regards la ramènent à ce temps où elle n'était pas encore si seule, si embourbée dans son besoin de vengeance et de pouvoir qu'elle laissait les sentiments l'effleurer sans les considérer comme des attaques personnelles. Elle voit venir le moment où Conway échange les positions mais ne lutte pas ou si peu. Son dos épouse le matelas confortable de son lit alors que son souffle se coupe lorsqu'il vient réclamer la saveur de sa peau.

Ce regard qu'il lui offre, elle le connaît pour l'avoir croisé trop de fois. A la seule différence qu'elle sent Moran plus déterminé que jamais en cette nuit et la pression sur ses poignets lui décroche un sourire. Malgré la douleur qu'il lui cause, son admiration et son désir nourrissent la reine. L'énergie que met Conway à l'aimer depuis toutes ces années est un réconfort en ce soir où tout se casse la figure dehors. Elle sait que bientôt se trouveront à sa porte des irlandais dont le rêve sera de la tuer mais qu'elle tiendra malgré tout par d'épaisses chaînes. Avoir fait disparaître Nina est un bouclier nécessaire pour qu'aucun ne prenne le risque de viser le cœur. Perdre Hera serait offrir la possibilité de ne jamais retrouver le joyau tant convoité.

La chaleur irréelle du corps de Conway écrasant le sien est un paradis éphémère auquel la reine se raccroche avec désespoir. Sa nuque se tend alors qu'elle prononce ces quelques mots non sans une pointe de colère. Ferme-la. Son coup de bluff ne l'effraie pas car elle est persuadée que des deux, la plus déçue sera probablement elle. D'un mouvement de corps, ses jambes s'ouvrent légèrement, emprisonnent son corps tandis qu'elle presse son bassin contre le sien pour le défier de continuer même si elle le soupçonne proche de la fuite.

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La voix d’Hera est impitoyable lorsqu’elle lui intime de se taire, lui laisse comprendre sans aucun doute possible que les mots n’ont à présent plus rien à faire dans cet échange. Son souffle prend rapidement la relève, saccadé par le désir qui monopolise chaque bouffée d’air qui emplit ses poumons. L’incendie qu’elle allume au creux de ses entrailles est criminel alors que ses hanches ondulent lascivement contre son bassin. Terreau fertile qu’elle arrose un peu plus chaque jour de ses provocations qui l’invitent sans cesse à dépasser ces limites qu’elle avait elle-même tracé pour eux, les fantasmes de Conway se fondent sur ce festin qui leur est offert. De lui, il ne restera plus qu’un tas de cendres lorsque sa reine le laissera repartir.  

Là où il s’apprête à se heurter à sa réticence habituel, à ce plaisir joueur qu’elle prenait à l’éconduire à chaque fois qu’ils se brûlaient un peu trop fort, il ne rencontre aucun signe de rejet et la dévisage avec insistance. Pourquoi maintenant, c’est la question qui reluit dans ses prunelles et qu’il étrangle au fond de sa gorge, bien trop frileux à l’idée de rompre l’enchantement. Intrépides, ses doigts capturent alors le visage de sa reine pour refermer leur étau sur son menton pendant que ses lèvres redessinent la courbe de sa mâchoire avant de finalement s’échouer dans son cou et le tapisser de marques langoureuses. Son peignoir ne tarde pas à joncher le sol alors que d’un mouvement empressé, il inverse une nouvelle fois les rôles pour rendre à sa reine sa position initiale et permettre à ses mains d’épouser la forme de ses fesses qu’il débarrasse prestement de leur prison de tissu. Les sens plongés dans la brume la plus totale, Conway a tout du paradoxe lorsqu’il la contemple comme si elle était auréolée d’un halo lumineux, prêt à voir un escalier tomber du ciel pour l’emmener tout droit au paradis mais continue à se conduire en animal dénué de toute forme de délicatesse en empoignant ses cheveux pour rapprocher son visage du sien et sceller ses lèvres aux siennes avec un emportement dont il n’est pas maitre, mêlé à une pointe de ressentiment vis-à-vis de toutes ces frasques qu’elle le pousse à commettre de son plein gré et qu'il lui pardonnera une fois de plus. Qu’importe les conséquences de cette soirée, qu’importe la sentence qui pourrait y donner suite, Hera occupera toujours dans son cœur malade une place que personne ne pourra jamais se montrer assez valeureux pour lui dérober.  

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