shake the disease (conway)

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(un) Moran, un nom pour laquelle sa mère aurait été prête à se damner pour le voir accolé au sien. C’était une femme brillante mais toute trace de lucidité semblait déserter son être lorsque les choses en venaient à Adon, son empire, sa fortune, le prestige qu’il incarnait et dont elle avait toujours rêvé. Absolument tous les scénarii d’avenir qu’elle tournait en boucle dans sa tête se jouaient aux côtés de l’Australien et la désillusion a bien vite fini par la rattraper de plein fouet quand elle a compris que ces attentions qu’il lui distribuait, il les offrait également à toutes ces autres dont les prunelles brillaient au moins autant de convoitise que les siennes. Ce n’était qu’une question de temps avant que cette utopie qu’elle s’était créé de toutes pièces ne se retrouve volée par une femme plus jeune, au corps plus beau et elle n’a pas pu se résoudre à cette idée. L’oubli de la pilule était prémédité. Elle ne voulait pas de ce gosse, pas plus que lui, mais c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour le lier à elle un peu plus longtemps, un peu plus fort. Elle a vite compris que les chaines qu’elle tentait de lui passer n’étaient pas assez solides pour le retenir, alors elle s'est laissée aller au chantage, l’a menacé d’attirer l’attention de la police locale et des médias sur les affaires louches dans lesquelles elle le soupçonnait secrètement de tremper. Le gamin n’avait pas quitté la maternité depuis une heure que les hommes du clan l’arrachaient aux bras de sa mère pour l’emmener vivre cette existence à laquelle elle avait toujours aspiré. Quant à elle, on en a plus jamais entendu parler depuis de ce jour.

(deux) Son père était un homme à l’affection discrète, à la limite de l’indifférence. Môme, Conway a plus souvent été drillé aux reproches acerbes qu’aux encouragements mais il ne l’a jamais vécu comme une expérience traumatisante. Si elle l’a bien souvent enfoncé plus bas que terre, l’exigence d’Adon est aussi le mécanisme qui l’a toujours poussé vers l’excellence. Le bien ne lui suffisait pas, il lui fallait toujours le mieux, pour espérer mériter l’estime éphémère d’Adon  qui était de loin la meilleure des récompenses pour ce môme prêt à tout pour gonfler de fierté la poitrine de son père.

(trois) Il était à peine majeur lorsqu’il a fait son grand saut dans le bain Moran, passant des petites responsabilités que son père lui confiait à d’autres tâches bien plus importantes. Il a d’abord jonglé sur plusieurs fronts avant de trouver définitivement sa place. Doté d’un esprit de persuasion particulièrement affuté et les chiffres n’ayant aucun secret pour lui, Adon a fini par lui confier la charge du blanchiment d’argent. Bien connu des bookmakers de la ville et des alentours, les paris sportifs ont toujours été son domaine de prédilection, allant même parfois jusqu’à graisser la patte de certains athlètes pour changer la donne des rencontres sportives et s’assurer que tout le monde en sorte gagnant. L’alcool, la drogue, il aurait pu sombrer dans tous ces plaisirs faciles qu’il côtoyait au quotidien mais ce sont les casinos qui ont fini par avoir raison de sa méticulosité. Lassé de sa routine, il a décidé d’élargir son champ d’action et s’est laissé séduire par les machines à sous qui lui offraient bien plus de suspens. Les premiers accrocs n’ont pas tardé à pointer le bout de leur nez. Au début, ce n’était rien de plus que quelques trous insignifiants inexpliqués dans le budget qu’on lui confiait mais rapidement, ils ont fini par se creuser plus drastiquement. Il aurait pu claquer la fortune entière des Moran sans jamais pouvoir s’arrêter s’il ne s’était pas fait prendre sur le fait et dénoncer auprès d’Héra, ce qui lui a valu un aller simple pour la clinique d’addiction la plus proche.  

(quatre) Héra. Elle avait le même âge que lui lorsqu’il l’a vue pour la première fois, le jour où son père l’a menée jusqu’à l’autel. Il a jamais su dire si c’est ce vide à l’intérieur d’elle ou ses pupilles aussi profondes qu’un océan qui l’ont aspiré comme un trou noir mais une chose est certaine, c’est qu’il n’en est jamais ressorti. Il n’avait même pas eu besoin de lui adresser la parole pour ressentir une jalousie sans nom à l’égard de son père et ce sentiment n’a fait que s’accentuer au fil du temps, en apprenant à la connaître davantage. Elle n’avait rien à faire avec un type comme lui, bien trop occupé à vivre pour son empire pour voir le potentiel de cette femme forte et inébranlable qui se tenait à ses côtés. Il suffisait de voir la façon que Conway avait de la couver du regard dès qu’elle entrait dans la pièce ou d’élever la voix contre son père à chaque fois qu’il dépassait les bornes avec elle pour voir à quel point l’affection qu’il lui portait dépassait l’entendement. Cette fascination qu’il lui vouait n’avait échappé à personne, pas même à sa petite amie de l’époque qui avait claqué la porte du manoir peu de temps après son arrivée, enragée à l’idée de voir son attention détournée vers une autre qu’elle. Pas même à Héra elle-même qui en jouait pour voir toutes ses volontés exécutées avant même d’avoir à les émettre. Si Conway  avait douté un seul instant de sa loyauté sans faille envers Adon, il n’aurait pas hésité une seconde à l’attraper par la main et lui proposer de tout quitter pour lui offrir l’existence et la dévotion qu’elle méritait mais à la place de ça, il a passé les dernières années de sa vie à faire taire ces pensées immorales qui n’avaient de cesse de pulluler dans son esprit.

(cinq) L’assassinat de son père par un de ses associés l’a plongé dans une véritable hystérie paranoïaque. Lorsque la question s’est posée de savoir qui allait reprendre le flambeau, il n’a pas revendiqué son héritage, cédant volontiers sa place à Héra qu’il jugeait plus à même de faire les meilleurs choix pour le clan. Dans un premier temps, ils n’ont révélé à personne que sa montée au pouvoir relevait d’une décision commune. Conway y a vu une opportunité en or pour purger l’entourage de la blonde et a commencé à miner innocemment les conversations qu’il entretenait avec les autres laissant penser à un désir de sa part de renverser le trône. D’abord méfiants, les cafards n’ont cependant pas tardé à sortir de leur trou, appâtés par l’odeur de la trahison. Le jeune Moran n’a eu aucun mal à s’infiltrer parmi eux, ni à les rallier à sa cause sans jamais qu’ils ne sachent qu’il servait en réalité celle d’Héra. Après plusieurs semaines de double jeu rondement mené, il les a tous fait rassembler dans un lieu connu d’eux seuls. Ils pensaient tous être réunis autour d’un verre pour planifier leur coup d’état mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que leurs boissons étaient toutes corsées d’un soupçon de strychnine, en dose suffisante pour provoquer la paralysie du cœur. Conway les a regardé pousser leur dernier soupir, partagé entre la satisfaction d’avoir sécurisé le règne d’Héra et l’horreur qui accompagne le premier meurtre.

(six) Ca a commencé par quelques messages échangés pour prendre des nouvelles d’Héra, plus taiseuse que jamais depuis la mort d’Adon. Son deuil l’éprouvait plus qu’elle ne voulait bien le laisser paraitre et Dione connaissait suffisamment sa sœur pour ne pas croire à cette totale insensibilité.  Conway ne sait pas bien si ses sentiments se sont agrippés à elle parce qu’elle lui rappelait Héra ou alors parce qu’elle lui offrait cette symbiose parfaite que son aînée n’aurait jamais pu lui, bien trop attachée au fantôme de son père pour s’en détourner complétement mais l’attachement qu’il lui portait était tout sauf feint. Derrière ses airs nonchalants, Conway avait le cœur crevé à chaque fois que Dione regagnait sa campagne du Nevada après leur avoir rendu visite. Ce n’est que bien des années plus tard qu’il a fini par demander sa main à Héra. Là où il s’attendait pourtant à ce qu’elle se montre aussi enthousiaste que lui, le refus est tombé comme un couperet.  Elle lui a interdit d’en dire un traite mot à Dione, craignant qu’elle se refuse à l’homme à qui on l’avait promise et se dérobe à cette alliance stratégique pour expandre le territoire des Moran. Dione a terminé par s’envoler pour la Lousiane mais malgré la distance, Conway n’a pas pu se résoudre à couper les ponts et a gardé contact jusqu’au jour où il s’est heurté à un silence radio, apprenant bien plus tard que le corps de la belle a en réalité été retrouvé charcuté.

(sept) Si la mauvaise réputation traînée par les Moran lui a toujours collé à la peau, son nom a un jour fini par germer sur les lèvres pour un autre motif que les horreurs commises par sa famille.  La fortune et la renommée de papa faisant de lui un invité d’honneur, Conway était de toutes les réceptions huppées de Vegas. Il en a également donné quelques-unes lui-même dans le prestigieux manoir familial, si bien cotées que ses proches ont commencé à requérir ses services pour organiser les leurs. Le bouche à oreille ayant porté ses fruits, il s’est rapidement fait connaitre pour ses soirées d’opulence comme de débauche et on se battait pour avoir une place dans son planning jusqu’à ce que tout ce qu’il avait bâti se retrouve réduit à néant pour sa proximité avec Héra.  

(huit) Resté à Vegas lorsqu’Héra a décidé de déporter le cœur de leurs activités en Lousiane, Conway a longtemps espéré qu’elle en vienne à payer d’une façon ou d’une autre pour le meurtre sanglant de Dione mais quand sa volonté a failli être mise à exécution, la malveillance de Moran s’est débinée et il a une nouvelle fois accouru pour l’arracher à cette tombe qu’elle continuait de se creuser en attendant qu’on l’y pousse. Lorsqu’on leur a appris que la blonde avait été blessée et terriblement affaiblie par une attaque adverse, les vautours du clan n’ont pas tardé à montrer leur vrai visage, espérant se repaitre de ce règne qui échappait momentanément au contrôle de leur reine. Conway n’était pas inquiet jusqu’à ce que les éléments les plus proches de leur souveraine ne se mettent à disparaitre du décor sans aucune explication. Probablement qu’il aurait fini par y rester à son tour si un ami de longue date n’avait pas mis sa vie en péril pour sortir du silence et lui dévoiler les sombres intentions de quelques parias à la soif de pouvoir inassouvie pour qu’il en avertisse Héra au plus vite.