et la nuit, je me nourris de tes songes.

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elle est là. tu sens contre tes côtes les phalanges endormies qui pianotent l'air que leur susurre morphée. tu sens sur ta cuisse la jambe enroulée comme pour que tu ne t'envoles jamais. et dans ton cou, le souffle chaud qui heurte ta peau et fait danser quelques cheveux peu coiffés.
elle est là. mais hier sa souveraineté était retenue prisonnière dans une cage bien moins dorée que ne le sont les boucles qui habillent ses épaules. et ça te rend fou. derrière tes rétines vides passent en boucle les images du cygne aux ailes brisées ; le fer chauffé par les paumes des chiens qui gardent cette ville dont ils n'ont pas les clefs, ce même fer qui brûlent les plumes de ta reine. et tu vois cette ombre qui se déplace. qui rampe au sol comme l'immonde galeux qu'il représente. sa démarche sonne comme des os que l'on brise. et il s'approche d'elle, dans son dos, pose ses griffes serties de crasse sur la porcelaine de sa nuque. et il la tord dans les pleurs lancinants de la fleur. et ça te rend fou.
fou.
fou.
fou.
dingue.
et ces images n'avaient de cesse de tourner. alors tu t'es brusquement levé dans la tendre matinée. douché. habillé. préparé. tu n'as pas oublié de coller entre tes canines ce couteau que craven a déterré.

la bentley a cessé de grogner sur les bleus qui squattent le trottoir, la clope aux lèvres et un semblant de pouvoir sous la ceinture. ils se tiennent en rang d'oignons, l'cul sur les briques et la moustache autoritaire ; ils habillent la devanture du comico comme des puces sur le dos du clébard que tu hais.
alors tu marches sur les traces de celle bousculée. tu empruntes le même chemin et tu jurerais discerner dans l'asphalte les traces enragées des talons qu'elle ne quitte jamais. ce n'est pas ton poing qui ouvre la porte, mais l'intention y est. quelques regards s'étonnent de la brutalité et de la cadence de tes pas. tu sais où il se terre. tu sais où suintent les premières pierres de sa tanière. alors tu ignores le cri d'appel de l'idiot hébété et dans ton sillage, même ton manteau semble te courir après.

craven, que tu croasses fort dans les couloirs. ta rage ricoche sur les murs de papier et le poids de ta rancoeur ferait trembler même le bureau sur lequel il doit lorgner. la porte est là. et tu l'enfonces de ton avant-bras. la proie se redresse et machinalement, tu crois voir son poing se serrer sur l'arme contre ses côtes. le geste est brusque lorsque tu fais valser l'entièreté des bibelots qui ornent le bois rongé par le temps. ta paume s'explose sur le bureau et ton buste avale la distance pour que tes phalanges encore libres viennent se fermer sur le col de l'indiscipliné. fous-lui la paix, pas besoin de préciser, craven saura. craven comprendra. ta colère est encore contenue par tes traits figés mais ton poings tremble de cette pulsion de violence que tu aimerais assouvir sur cette gueule fracassée.
tu lâches ta prise et t'éloignes, puisque la tentation est trop forte de le saigner. de baigner son repère dans cette hémoglobine qui te répugne autant qu'elle t'excite. elle n'est coupable de rien qui justifie ton acharnement, la chaise ruse sur le parquet et l'ombre de ta silhouette s'y installe profondément. les coudes insolents, tes ailes prennent la place qu'elles méritent tandis que tes rétines se jettent sur celles du bourreau de ton amante.
elle n'est coupable de rien, sinon d'être le point faible du roi des ombres.  

on lui parle, max. on lui parle mais il n’entend pas. parce que la sentence est tombée. parce qu’il voit au dessus d’sa tête la guillotine et sa lame aiguisée. elle plâne. elle le guette, lui et les faux pas qu’il pourrait faire. elle attend qu’ça pour venir lui trancher la tête. arracher d’ce corps putride cette tête affreuse qui la défie depuis trop longtemps. il a joué, l’max. d’son autorité. d’son pouvoir d’flic. d’ses poings. et tout ça n’lui plait pas, à cette guillotine et au pouvoir qui la représente. ils n’aiment pas les indisciplinés, là-haut. ça plait pas beaucoup ceux qui s’jouent d’leurs règles ou qui les tordent à leur guise. ils préfèrent ceux qui s’tiennent droit dans les rangs. les bons soldats. les manipulables. tout l’contraire du max, en somme. les enragés comme lui, ils préfèrent les voir enchaîner. tenu en laisse pour mieux pouvoir les contrôler. alors ils l’ont passée autour d’son cou, cette laisse. maintenant, il est enchaîné, muselé par la peur d’cette guillotine. d’ce pouvoir qui le bride. et d’cette suspension qui menace sa carrière.

son nom résonne dans les lieux. croassement enragé qui fait trembler les murs. extirpe l’flic d’sa discussion. d’ses songes. les pas d’la charogne qui frappe si fort sur le sol, que max croirait entendre les glas sonner au loin. imagine déjà sa cervelle trouer par son pire ennemi. légère sueurs froides en y pensant. « y tire, tu l’descends, tu m’entends? » ordre qu’il donne à sa coéquipière fraîchement mutée à ses côtés. la porte s’ouvre dans un fracas d’violence, max s’dresse d’un coup, la main sur le flingue. et l’corbeau bat des ailes, fout l’bordel, envoie tout valser et attrape de ses serres tranchantes l’ours qu’il pousse à s’baisser. l’flic se crispe, lui offre ses plus beaux grognement et montre les canines. l’max offre un sourire qu’on discerne à peine quand il entend ses menaces. quand il sent sa main tremblante d’rage contre sa gorge. l’talon d’achille qu’il a trouvé. la charogne a une faiblesse. c’est elle. nina et sa dévotion dégoulinante d’un amour passionnel. l’max a bien compris la passion, a bien compris les sacrifices qu’elle fera pour lui. mais lui, c’qu’il voulait c’était savoir si c’était réciproque. si l'oiseau noir était capable d’noyer la ville entière dans l’sang par amour. et la réponse est là, devant lui dans ses yeux rempli par la rage sanglante qui l’anime. sa poigne se desserre et libère l’ours d’ses griffes acerbes. l’flic respire un instant remettant son col en place. « range ton flingue, gamine, t’vas t’faire mal. » s’adresse à cette spectatrice silencieuse qu’le corbeau n’a sûrement pas vu. elle a l’flingue pointé sur l’intru. elle tremble presque face à ses deux hommes prêts à s’entre tuer pour savoir qui des deux crèvera l’premier. « maintenant, laisse les hommes parler. » il la renvoie d’un mouvement d’tête autoritaire. l’expédie comme on expédie un stagiaire. la porte claque derrière elle. l’ennemie se pose sur le fauteuil, prenant l’endroit comme son nouveau perchoir. l’flic, lui, y sort son colt qu’il plaque contre l’bois, pointé dans sa direction. menace silencieuse qu’il n’hésitera pas à utiliser si les choses s’enveniment. « c’est pour ça qu’tu t’es déplacé? » ça l’étonne d’le voir venir jusqu’ici pour ça. il l’pensait pas si amouraché d’sa belle. « j’te pensais pas si sentimental envers celles qui tapinent pour toi. » son visage qui s’déforme dans un sourire vengeur. un sourire qui lui montre à lui, l’empereur qu’il pense être, que l’flic sait où et comment l’atteindre maintenant. la balance des pouvoirs qui s’équilibre. qui donne un avantage à celui qu’il a trop souvent piétiné.

(c) calaveras.

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tes serres se défont de son col et ton corps te lâche, s'affale dans un fauteuil au cuir craquelé et aux milliers de coupables rencontrés. tes rétines s'égarent sur le sol et soudain, au fond de toi, tu aimerais voir le plancher brûler. te délecter de l'odeur du feu et de la peur. aspirer les effrois de craven pour gonfler cette contenance qui s'échappe de ton emprise.
tu entendrais les lattes pleurer leur agonie. les flammes lécheraient le bureau, entoureraient la silhouette qui s'y élève et l'embrasseraient de force et de passion. les rideaux danseraient tout autour ; quelques lambeaux flotteraient jusqu'à l'ours pour déposer sur son échine courbée la cendre encore tendre de leur linceul aux couleurs ocres. tu savourerais la mélodie crépitante de la chair qui se consume et de la gorge qui appelle la mort. et de là haut, là où la chaleur seule te viendrait, tu poserais sur sa dépouille gisante dans l'encre et la fatalité, des rétines sereines.
dans la bouillie obscure des os calcinés, tu ne verrais cependant pas qu'enlacé, là, dans le sien, c'est ton sang qui maquille ses blessures.

et l'allumette craque
et pourrait tout cramer.
et l'allumette craque
sur le seul poison capable de te tuer.
tu ne demandes pas la permission pour répandre dans l'air l'odeur fumeuse que craven affectionne aussi. vos os se tordent du même alliage pendant que vos poumons se meurent des mêmes horreurs. la nuit, vos silhouettes se confondent et vos pas résonnent d'un même écho. il paraît qu'on ne vous différencie que lorsque vous pendez à la jugulaire de vos ennemis.

tu ignores celle qui quitte la pièce et revient à celui qui y trône. il aboie, toutes canines retroussées, fier de l'arrogance qu'il brandit en même temps que l'arme. alors tu l'ignores aussi, le colt qui se glisse négligemment sur le bureau, avec pourtant la furieuse envie que tu le remarques. il s'échoue sur le bois, pointé dans ta direction. mais cette mort serait trop douce. cette mort serait trop impersonnelle, trop décevante et trop fade.
il ne tirera pas.
qu'est-ce que tu cherches ? tu craches tes mots dans un premier nuage, les jambes qui se croisent et les mâchoires qui se dressent. tu observes le rictus satisfait qui perle au bord de ses babines, et épargne-moi ton numéro de jalousie. tu aimes ce que tu vois ; l'air grisé du limier qui se pense plus malin que le gibier. alors tu penses à erin qui erre quelque part, une faiblesse, hm ? tu penses à elle et à son visage entre les paumes de craven. tu penses à ce corps qui se glissera dans ces draps, à cette faiblesse qui se frayera un chemin. car il est animal plus qu'il n'est homme et lui aussi, perdra fierté entre des reins courbés.  

la guillotine tremble au dessus d’sa tête. vibre sous l’poids d’ses ailes qui s’posent sur l’fauteuil. frissonne quand l'allumette craque. il suffit d’un geste pour qu’elle tombe. pour qu’elle fasse rouler son crâne sur l’sol. menace permanente qui plâne au dessus du flicard. il est l’seul à la voir. l’seul à savoir qu’elle est là. secret qu’il garde pour lui. qu’il cache à celui qui pourrait en profiter. à son pire ennemie, il n’offrira rien mise à part le mépris. ses plus lourds secrets, y préfère les emporter avec lui dans les tréfonds. même si l’bleu sait bien qu’tôt ou tard, l’corbeau la verra la guillotine qui flotte au dessus d’sa tête. et certainement qu’il sera l’bourreau qui enclenchera la chute d’la lame. car il le sait qu’son ennemie juré n’rêve que d’ça. qu’il imagine cette tête qui tombe à ses pieds. qui éclabousse ses godasses de son sang frais. et ce pieds qui l’écrase, la réduit en bouillie. nulle doute qu’les deux hommes imaginent l’autre mourir. peu importe la manière. peu importe le jour. ils y pensent, y réfléchissent.

l’flingue entre eux deux. comme toujours. menace pour la forme. aucuns des deux n’a jamais tiré sur l’autre. et pourtant, l’arme fait parti d’leur danse. impasse mexicaine permanente. si l’max n’voit pas l’flingue du corbeau, y l’sent pointé vers lui. tout comme la guillotine qui plane, ça peut s’abattre sur lui à tout moment. dans son siège, l’ours vient déposer sa carcasse lourde. trône qu’il proclame comme étant l’sien. la charogne est dans son domaine, dans son royaume. et il lui montre avec c’regard arrogant face à ces dires. l’max en vient même à rire quand il lui parle de faiblesses ou d’jalousie. « pas b’soin d’chercher, j’l’ai trouvé ta faiblesse. » il insiste sur ces mots. remue le couteau pour qu’il sache qu’cette fois, c’est lui qui a les cartes en mains. que c’est lui qui joue d’ses points faibles. « et ça pas été bien difficile d’la trouver. même pas eu b’soin d’me salir les mains pour t’faire plier. » l’sourire qu’y garde. l’ours reste fier alors qu’il attrrape son paquet sur le bois et s’en grille une aussitôt. « une paire d’seins et t’en oublies tes principes. » la gourmande qui roule sur ses babines et qui finit sa course entre ses dents piégé dans un sourire narquois. l’flicard jubile d’cette toute puissance soudaine. en apprécie chaque secondes. « imagine un peu si on v’nait à l’apprendre dans l’milieu. » phrase qu’il laisse en suspens, le temps qu’elle atteigne la cervelle du corbeau. le temps qu’il imagine comme cette faiblesse pourrait être utilisé contre lui. et l’max en est certain, un jour on prendra nina pour cible dans l’espoir de l’atteindre lui.

(c) calaveras.

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leurs ego grimpent aux murs, s'accrochent aux rideaux et sont si lourds qu'ils font trembler les briques, leur fait cracher la poussière. leurs auras se bouffent, se cognent. leurs insolences s'immiscent entre les pierres et grignotent le plâtre. autour d'eux, les remparts s'effondrent lentement, centimètres par centimètres.
et l'obscurité se répand à leurs pieds, s'enroule autour de leurs chevilles. les ombres dégueulent des fenêtres et le plancher se transforme en plumes. lewisburg se vide dans le bureau. elle se vide de toute la gangrène que sèment les irlandais. ils se répandent tel un cancer dont les griffes s'accrochent là où le corbeau se pose.

entre leurs rétines s'embrassent les grises que soufflent leurs trachées. danse macabre des ombres dans un écran de fumée. pour moins se voir, moins se sentir épier. les chiens se jugent mais n'aboient pas. les chiens se jaugent et attendent la première morsure.
j'imagine en effet, le bec tombe dans un rire réfréné et arrogant, planqué derrière la brumeuse contre ses phalanges. car s'il est une faiblesse qui trouve la lumière, il y en a une autre qui traîne derrière le flic. l'ombre svelte d'une brunette aux traits fins et aux ongles acérés, aux murmures savoureux et à la langue encore tiède.
les oiseaux ont déjà chanté aux oreilles du corbeau.
et le flic s'éprend tendrement de la traînée aux doigts ficelés.
leurs ébats sont guidés par les rênes claquantes d'une ombre aux ordres dictés.

alors le vent tourne puisque sur les jupons, mcgrath a horreur de s'étendre par les mots. les billes du corbeau roulent sur le bureau et s'étalent sous les paumes de l'autre. elles cherchent la faille et la façon de l'aborder avec le plus de piquant, le plus de condescendance. et lonan ? c'est aussi une de mes faiblesses ou un bon alibi pour faire semblant de te salir les mains ? les rétines roulent encore et encore. elles dévalent l'infinité des possibles et s'arrêtent sur les plus narquoises. ou bien est-ce simplement du plaisir que j'entends dans tes aboiements ? l'index de l'irlandais tombe sur le bois et sa serre lourde laisse sa marque invisible dans le meuble et dans la pièce toute entière. sur le sternum de craven, gravé dans ses os.
les mains de cahal se glissent sur les jugulaires du flic, dans ses songes. elles prennent leur temps et jouissent de la violence qu'ils s'offrent à chacune de leurs joutes. camés par cette guerre sans fin, grisés par ce pouvoir qu'il s se renvoient.
passer ses nerfs sur les jeunes racailles, ça pourrait être mal interprété, mcgrath laisse son timbre froid en suspens. il a le rictus fier et les rétines qui suivent le mouvement de sa propre main, si on venait à l'apprendre dans le milieu. la cancéreuse s'écrase près du cendrier, fait chanter le bois de l'insolence de ses cendres indisciplinées. cahal appuie plus fort, encore. il veut marquer, toujours, le bois et les esprits. celui de craven en particulier. et cette clope qu'il écrase à même le bureau, il a la divine sensation de l'écraser sur le front de l'ours et faire entrer dans sa chaire les braises de leur haine viscérale.