Sweet disaster •• Morgan

Morgan & Kiara

Sweet disaster

Dans la cacophonie générale, difficile de rester concentrée. Il y a tellement de monde ce soir qu’elle ne sait plus trop où donner de la tête, Kiara. Sollicitée par-ci, par-là, partout à la fois, elle peine à tenir la cadence. Quand il y a du monde, la pression est constante. Quoi de plus normal de ne pas savoir s’organiser quand on ne connait rien au métier. Le boulot de serveuse, on ne lui a jamais enseigné. Il faut un minimum de compétence, de savoir-faire et de dextérité. Des capacités qu’elle ne maitrise pas, malgré quelques progrès depuis son arrivée. Les gestes encore incertains, c’est bien plus facile de s’occuper d’un seul client à la fois que de tout un groupe. Plus simple encore quand le client est appuyé contre le comptoir, il n’y a pas la salle à traverser et la foule dans laquelle se faufiler avec les boissons en main ou en équilibre sur un plateau.

Son calvaire prend fin quand l’heure de la fermeture se met à sonner. Peu à peu les clients ont quitté les lieux. Il ne reste plus grand monde. Ce soir, c’est Kiara qui s’occupe du rangement du bar. Des collègues ont proposé de rester un peu pour l’aider mais elle a refusé. Chacun son tour après tout. Inutile de retenir les autres alors que tout le monde est fatigué et rêve de rentrer pour aller se coucher. S’affairant à laver tous les verres utilisés, elle baille à s’en décrocher la mâchoire. Il n’y a pas à dire, elle est lessivée. Restée debout pendant des heures et enchainer des allers-retours, c’est épuisant. Bien plus que son autre travail. Son esprit divaguant vers d’autres contrées, elle peine à se concentrer sur ses mouvements et elle pose les verres propres et lavés sur le comptoir, machinalement. La vaisselle terminée, elle récupère un torchon pour tous les essuyer un par un. C’est laborieux. Inintéressant. Le geste trop mécanique, la fatigue qui se fait sentir et ce sont ses paupières qui deviennent lourdes.

Trop lourdes.

Les verres s’empilent sur un plateau une fois essuyés. Sans regarder ce qu’elle fait, elle les pousse chaque fois qu’elle en rajoute un. Jusqu’à l’erreur d’inattention. La main qui retombe trop lourdement sur le bord du plateau. Les verres qui s’envolent et dans un grand fracas, s’étalent tous sur le sol en millier d’éclat. Un temps de réaction trop lent. Dépitée, elle ne peut que constater l’ampleur des dégâts. En voilà du temps perdu. Dégoûtée, réalisant qu’elle n’est pas prête de rentrer se coucher, elle ferme les yeux quelques secondes et se pince l’arête du nez. « Joder de mierda… » Un profond soupir s’échappe de ses lèvres alors qu’elle pose ses mains sur ses hanches et laisse ses prunelles détailler l’étendue des dégâts et la charge de travail qui vient soudainement de s’ajouter à sa trop longue soirée de boulot. Des morceaux de verre partout autour d’elle, étalés sur le sol dans un large périmètre derrière le comptoir où elle se trouve. Merveilleux, tu vas y passer la nuit. Ou le peu qu’il en reste. Elle ne peut pas rentrer en laisser sa connerie en plan, évidemment. Lasse, elle jette le torchon dans un coin pour s’accroupir et récupérer le plateau dans lequel elle dépose les plus gros morceaux. La nuit risque d’être longue. Courage et évite de te blesser.