A little bit of softness •• Sahel

duveteuse et innocente, la nuit avait cet effet adoucissant, voir acrimonieux. de son velours bleu parsemé de tâches parfois blanchâtres, parfois jaunâtres, elle l’exposait à tous de cette candeur illégitime. la nuit n’avait pas toujours eu pour habileté de le conforter, au contraire. se trouvait un temps où chaque faiblesse et peur prenaient vie alors que l’obscurité faisait rage. et cette noirceur habituée des ténèbres avait trouvé sa place au fond de lui, de cette poésie ardente, elle l’avait bercé au bruit des ouds et des légendes. tout ceci ne s’était produit qu’à partir de la Colombie, qu’il avait atteint lors de son adolescence, suivant une mère pleine d’espoir et d’ambition, lui promettant la lune lorsque celle-ci n’était que peu visible. l’adaptation n’avait pas été son moment le plus glorieux. la différence de langage, de coutumes et même de religion n’avait fait qu’aggraver cette impression de ne pas être normal, de ne pas appartenir à ce monde éprit de superficialité et de désirs impromptus. lui n’était qu’artiste. torturé peut être. en quelques sortes. mais rêveur avant tout. Idéalisateur de tout. et puis il avait rejoint cette affaire, ceux qu’il considère à présent comme une seconde famille, sans qui tout cela ne serait possible. les Etats-Unis, c’était grâce à eux, entièrement et jamais il ne pourrait leur en être assez reconnaissant. alors, il savait parfaitement qu’à part leurs activités, beaucoup de problèmes se résolvaient grâce aux poings et il espérait ne jamais réellement en faire parti. ses poids, il ne les utiliser uniquement pour fendre les pierres, pour donner forme à ce marbre froid. C’est comme ça qu’il s’était fait sa place. A l’aide de ses poings. poings d’argent, poings majestueux. ils étaient son armure, seul capable de tordre la pierre sous ses doigts, reproduire à l’identique ces statues harmonieuses provenant de l’Antiquité. il était passé de ce petit artiste frêle et discret à cet artiste sûr et indétrônable en la matière. la sculpture était son dada, ce pourquoi il se permettait de vivre une telle existence.

mais cette nuit, au milieu de pensées confuses, il n’avait su trouver la paix qu’il recherchait tant. les promenades nocturnes étaient presque devenues une habitude pour lui et encore une fois, il se prêtait au jeu. il avait marché. longtemps. à tel point qu’il en avait oublié le décor, cette ville qu’il commençait à connaître comme sa poche, qu’il avait arpenté durant de nombreuses nuits. douce mélancolie lui collant à la peau, au coeur. faible pensée pour sa famille, si loin, si aimée, qu’il tenait à flot grâce à la Muñeca. cela faisait bien longtemps qu’il ne les avait plus vu. et il savait que l’effleurement de ces pensées ne le ferait que s’écrouler, s’effacer derrière toutes ses décisions qui reflétaient l’égoïsme. et ce soir, il n’était plus question d’y songer. en fait, tout fut balayé lorsqu’il aperçut la silhouette devant lui. Il la reconnaissait. vaguement et pourtant. juste derrière elle, il avait cette abstraite angoisse de ressembler à une menace. sous ses pas craquelaient des brindilles, qui le trahirent sans vergogne. lui faire peur n’était en rien dans ses plans et comme dans un automatisme, il fit rouler ces sons espagnols sur le bout de sa langue de cette accent oriental encore bien trop présent. « lo siento, no quise asustarte. es Sahel. » et avec ces mots, il espérait la rassurer, lui dire qu’ils se connaissaient. du moins, qu’ils s’étaient déjà parlés. L’espagnol pour lui rappeler qu’il l’avait écouté, qu’il avait reconnu cet accent prononcé et qu’au fond, il y avait fait attention. d’un pas léger, presque flottant il arriva à sa hauteur, ses pupilles noirâtres réfléchissants le ciel et cette esquisse d’un sourire hésitant. leurs esprits s’étaient entrechoqués, emmitouflés lorsqu’elle avait renversé son plateau. l’aspergeant d’alcool, il avait eu à coeur de l’aider, à l’instar des clients auxquels elle faisait face. bafouillant quelques mots, une approche s’était glissé entre eux et puis il était revenu. plusieurs fois. souriant, comme prêt à lui montrer qui il était, à la faire décrocher de cet endroit qui ne méritait une telle douceur. et si dans son esprit il s’agissait d’une quête, de lui montrer que la lumière n’était pas loin, la réalité, elle, était toute différente, déformée.

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