l'idiot inextirpable (ailish)

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l'idiot inextirpable ||
@ailish mcgrath

l’immigration d’un troupeau de fourmis
en direction du bar le plus proche:
ils ressemblent à ça,
les rires et les cris en plus,
les bousculades et les coups bas en plus,
les murmures et les yeux rieurs en plus.

agglutinés devant une porte hasardeuse, les fumées de cigarettes s’élèvent dans le ciel étoilé. le bout orangé de leur cigarettes pourrait éclairer la ville à eux-même. leurs rires étouffés pourraient réveiller la terre entière. ce soir, ils fêtent le départ d’un des leurs. des vagues d’au revoir pour une famille aux visages différents. ils s’assemblent. puis se déchirent. ils s’aiment. puis se détestent. ils se parlent. puis se murent dans un silence. une famille qui porte des couleurs et des noms différents. une famille aux sonorités abrutissantes. une famille qui se met d’accord pour une seule chose: travailler. les corps se font gober par l'entrée d’un bar.
il reste henry. dehors, debout, seul, contre un mur, les yeux dans le vague, le corps près du ciel. il consomme les restes de sa cigarette. des ébats d’émotions font bataille dans le creux de son estomac.
il y a ce sentiment étrange.
comme une vague.
une grande vague.
qui ne fait que grandir.
qui remplit l’espace jusqu’à former une pointe de douleur.
elle continue de grossir jusqu’au point de non-retour.
il n’est plus que question de minutes:
avant son explosion.

les heures s’écoulent au même rythme que des verres qui s’entrechoquent. ils trinquent, l’alcool se noie dans des cerveaux malhabiles. véritable piscine pour celui d'henry. il ne voit plus très clair: les formes difformes brouillent ses yeux rouges, par un cerveau embué d’un joint fumé et noyé par un alcool ingurgité. il n’est plus parmi eux. volant autour de son propre orbite, il flotte dans l’air en laissant échapper un rire gracieux. première fois d’ma vie, qu’j’vois un henry aussi comique; qu’on se laisse murmurer. parce que pour la première fois, henry semble aimer les filles. il parle avec elles, comme il parlerait à un pote. loin de ses railleries habituelles, il aime les femmes. c’est étrange. simple solution: son cerveau tourne à l’envers, bloquant sur la différence entre une femme et un homme.

la nuit s’éteint et le jour ne tardera à pointer le bout de son nez. le bar se vide, les dernières âmes quittent l’endroit. coincé contre le bar, henry tourne la tête: il est encore trop éveillé pour arrêter la soirée aussi vite. un visage près du sien (plus ou moins, la distance n’est plus ce qu’elle était pour son cerveau cramé) allume quelques souvenirs. ailish. la gamine des mcgrath. ailish. une femme portant le nom mcgrath. il ricane tout seul, dans son coin, le regard hagard de se souvenir de cette haine misogyne. une dernière menthe à l'eau pour la gamine mcgrath? allez c'est cadeau, j'le mets sur mon compte. un signe de bonté vers le barman. comme si une menthe à l'eau allait ruiner son compte en banque. il s'avance. en titubant. armé contre un sol gondolé, il vient s'asseoir près (trop près) de la dernière âme esseulée. t'aurai pu faire un effort. il pointe son doigt vers le visage d’ailish. une grimace qu’il affectionne vient déformer ses lèvres. un cirque ridicule pour lui murmurer, qu’un peu de maquillage, pourrait rendre à cette gamine ce statut de femme qu’elle devrait arborer.

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L'idiot inextirpable.

@henry novak

Loin dans la frénésie des corps, entrainée par la foule et les sourires, au milieu des siens, elle se laisse aller à s’y plaire, à se détendre, oublier l’heure et le lieu. En sortie de travail, à des heures indues, il y en a qui ne penserait qu’à rentrer chez eux, se calfeutrer entre leurs couvertures pour fermer les yeux avec délice. Mais eux, pour dire au revoir à l’un des leurs, ils bravent la grande horloge du temps, préfèrent oublier tout sens commun, frais comme des gardons, pour se frayer un chemin au travers de la masse déjà bien éméchée des rues en liesse. Le bar qui accueille leurs carcasses bruisse de vie, et ils endurent les cris et la chaleur sans s’en inquiéter, bienheureux venus se poser dans le petit monde de l’ivresse. Les verres et les conversations s’enchainent sous les lumières bancales du bar. Elle est bien la première à s’amuser et profiter de ce moment, sortie comme une autre pour oublier la terrible vérité de leur métier, escroquer et pousser au vice. Mille fois plus facile de se fondre dans le masse et se plaire à plaisanter auprès des autres. On en oublierait presque les éléments les plus indésirables du groupe.

Faut dire qu’il s’est fait bien discret, Henry, un peu trop à son goût, et c’en devient même louche. Il serait presque gentil, ne s’entiche pas trop de remarques désagréables. Une attitude qui a tiré quelques froncements de sourcils à Ailish, pas dupe de ses façons de faire. Sans qu’elle ne s’y attarde trop, prise dans le tourbillon de la soirée, de ces frénésies qui s’empare des corps une fois la nuit tombée et les inhibitions levées. Mais elle est vite rattrapée par la réalité lorsque les chaises finissent par se vider et les verres se ranger, lorsque la soirée s’allonge, laisse disparaitre les âmes éparses dans ses bras. Et bientôt, elle se retrouve en tête à tête avec l’effronté qui semble avoir repris du poil de la bête. Il lui fait hausser les sourcils, souffler un coup. Mais elle n’a jamais su répondre au feu que par le feu, ne pense même pas une seule fois à faire machine arrière, prendre sa veste et disparaitre dans la rue. Ce serait trop facile. Alors elle subit l’affront sans rien dire, le regarde faire son manège avec un soupir. La soirée commence à se faire longue.

« Wow ! quel cadeau ! » Le sarcasme dégouline de sa voix, elle irait presque jusqu’à prétendre être touchée de l’intention. Que neni. Elle aurait cru qu’il en aurait fini, qu’il se serait contenté de cet outrage – lui pourtant bien plus jeune qu’elle – avant de faire ses clics et ses claques pour mieux laisser savourer le début de cette matinée encore bien trop précoce à son avis. Mais à la place, il s’installe près – bien trop près – d’elle, envahi son espace vital, les distanciations sociales oubliées dans le fond d’un des verres qu’il a dû s’enfiler, et l’insulte de quelques mots anodins, comme s’il avait eu un jour son mot à dire sur la question. Great. Désabusée, elle prend encore son mal en patience, ne se prête pas à son petit jeu et refuse de céder à la facilité. « Ok, Henry, j’t’arrête tout d’suite. J’t’ai pas d’mandé ton avis. Donc si tu veux pas qu’on parle des deux poils que t’as même pas sur le menton, j’propose qu’on s’arrête là. » Elle n’a pas la foi de supporter le jeune homme en temps normal, déjà, les nerfs mis à rude épreuve par ses remarques, même si souvent, il tente de l’esquiver et de les destiner à d’autres femmes. Mais l’alcool semble décupler ses capacités à emmerder la gente féminine. Le barman finit même par refaire son apparition pour poser la fameuse menthe à l’eau sur le comptoir. Trop heureux d’empocher l’argent, il s’est contenté d’obtempérer. Elle ne lui fera pas la même fleur. « Un verre d’eau pour le jeune homme. J’crois qu’il en a bien besoin. » Pas question de dépenser un dollar pour le crétin qui a décidé de lui tenir la patte.

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l'idiot inextirpable ||
@ailish mcgrath

il devrait se faire tendre,
se faire apprécier et aimer
de cette femme à la cendre
similaire de son corbeau bien-aimé.

et pourtant.
et pourtant,
et pourtant: il n’y arrive pas. blocage maladroit sur des idéaux pourris. un blocage qui dévore chaque centimètre de sa peau rusée. il déteste les femmes. mais pourquoi? pour tellement de choses. pour ces voix suaves qui lui donnent des hoquets maladifs, pour ces jupes et ces décolletés trop provocants, pour cet air effronté déchirant lorsqu’elles mentent comme des forcenés, pour l’attitude dédaigneuse qui grille son court-circuit pour un geste qui se voulait non-offensive. elles pensent que le monde tourne autour d’elles, elles, elles et seulement elles. ça l’agace tellement henry -tellement qu’il ne se rend pas compte qu’il parle à leur place, qu’il lit des signes qui n’existent pas, qu’il se bute dans une idée terrible faisant griller chaque neurone de son cerveau idiot. vivre dans sa peur imaginaire qu’une femme puisse le blesser de quelconque manière; il s’impose des maux terribles pour un fléau invisible.

il tente de se redresser. c’est difficile. très, difficile. l’impression que le monde entier bouge de haut en bas, balançant son myocarde contre cette cage osseuse qui lui répète tendrement (reste près, tout près, d’une toilette si tu ne veux pas gâcher ton manteau neuf). son coude vient se poser contre le bar, retrouvant un semblant de calme pour quelques secondes pressantes. le visage ridicule qui ne quitte pas ses mimiques accablantes. comment tu veux t’améliorer si tu n’acceptes aucun conseil? c’est pas comme ça qu’tu trouvera l’homme d’t’vie, aili. voir un homme tout court. gamin qui pouffe de rire par des rumeurs qui font rage au sein de l’équipe. véritable feu de l’amour quotidien, ailish est au sein d’une question existentielle: retrouvera-t-elle, le goût pour l’amour? le billet glissé lorsque la menthe à l’eau surprise (des paroles déjà oubliées pour un esprit alcoolisé) s’annonce. toujours le besoin de se redresser, coincé par l’impression de glisser indéfiniment sur ce tabouret bas étage. eh dit, aili. un diminutif qu’il n’utilise d’ordinaire jamais mais qui, dès l’alcool imbibé, s’effondre contre son palais comme la plus douce des sucreries. comme t’es qu’une meuf, j’suppose tu t’es jamais battue. pas vrai? mais si, j’dis bien si jamais, tu devais choisir quelqu’un avec qui te battre, sachant qu- attends. non, c’est pas ça. en gros, si tu devais choisir une seule personne de toute l’équipe pour te battre et remporter la victoire. t’choisis qui? l’innocence gravée contre son front, il écarquille les yeux pour rester éveillé et ne pas s’effondrer. le verre d’eau arrivé, henry se délecte de pouvoir retrouver un tant soit peu de bon sens et d’un sol ferme.

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L'idiot inextirpable.

@henry novak

Comme toujours, il se fait suffisant et méprisant. Il a le minois mignon, celui d’un chérubin innocent, mais dès lors qu’il ouvre la bouche, ose prononcer quelques mots, c’est la désillusion. Si seulement il savait se taire. N’est-ce pas le genre de phrases qu’il pourrait prononcer, dans ses lubies misogynes ? Si seulement elles pouvaient se taire… Elle lui renvoie la pareille sans ciller, tente de garder son calme, de ne pas vriller comme il l’y invite à faire, malgré sa douce insouciance, l’ignorance qui coule de son regard. Ses remarques la touchent plus qu’elles ne le devraient. Mais il touche un point sensible, pour celle qui a abandonné l’amour il y a trop peu de temps, a laissé ses frères enterrer celui qui a fauté. Elle n’y pense pas assez, à retrouver l’homme de sa vie, puisqu’elle pensait déjà le tenir. Et elle n’est pas sûre de pouvoir encaisser une nouvelle déception. Préfère encore préserver son cœur autant qu’elle le peut, avant qu’un autre ne vienne le piétiner.

Alors elle ne réplique pas, macère en silence sa rage et sa haine, se contente de relever ce qui peut être relevé sans pour autant fracasser sa hargne contre le comptoir. « Aili ? On est potes maintenant, Ryry ? » Le sourire hypocrite au possible – elle ne lui fera même pas la fleur d’essayer la sincérité – elle interroge, le regard vissé sur cette maudite menthe à l’eau qu’elle fait tourner et retourner dans son verre à l’aide de sa paille. Elle y trouve une occupation comme une autre pour détendre ses doigts, les empêcher de se muer en poings pour heurter le nez de l’imprudent. « Ah ouais, j’me suis jamais battue ? » Il n’a pas vraiment tort, elle n’a jamais fait des rixes physiques sa spécialité. A tout juste appris quelques bases de Lonàn, dans l’espoir d’avoir quelques cartes à tirer, en cas de problèmes. Pour c’que ça t’a servi… La dernière fois qu’elle a dû se défendre lui reste en travers de la gorge, puisque c’est elle qui a subi, elle qui s’est pris les coups, elle qui a à peine su lever sa garde sans même parler de riposter. Elle qui a préféré se ranger derrière l’ombre protectrice de ses frères pour régler le problème.

Mais ce problème-là, elle va devoir le gérer toute seule, comme une grande. Elle s’étire, se grandit et tente de retrouver l’usage de son corps ankylosé, y trouve une force pour mieux le braver. Il est tard, elle devrait rentrer. Et pourtant, elle est là, à écouter un parfait crétin, sans savoir vraiment ce qui la pousse à garder son cul vissé sur ce tabouret et ses coudes sur ce comptoir-là. Peut-être bien qu’elle est aussi allumée que lui, après tout. « Putain, sois clair, j’ai rien capté à ta question, gros naze. » Quelques gorgées de menthe à l’eau pour se rafraichir les idées, trouver un sens à ce qui plane dans son esprit. « Si je dois trouver quelqu’un pour se battre à ma place, j’prends Rafael ou Otto, quelle question. » Finalement, elle parvient à se tourner vers lui, l’observer, sans en perdre une miette. Elle ne sait pas bien à quoi elle s’attend, espère bien une déconfiture, tout en sachant qu’on n’arrête pas ainsi Henry. « Puis si c’est moi qui dois me battre contre l’un d’entre vous, c’est toi qui t’en prendrais une, Faut dire que j’me sentirais pas bien coupable, t’es un sacré salopard. Et vu comme t’es pété, tu t’effondrerais si j’m’avisais juste de t’toucher. » Elle culmine à son mètre soixante, petite graine d’assurance qui n’a peur de rien. Incapable de baisser le regard pour voir la chute qui la menace à chaque instant. « Ça te va, t’as ta réponse ? C’est quoi le but, hein, que j’aille me battre p’t’être ? Autre chose à foutre de ma soirée, ’scuse moi. Mais fais toi plaiz’ mon grand, va donc te faire casser la gueule. » A vrai dire, ça lui ferait presque plaisir. Un peu de calme, une fois qu’il serait occupé après quelqu’un d’autre. Elle n’a pas une once de miséricorde pour celui-ci. « Faudra pas v’nir pleurer après. »

(c) calaveras // vocivus

» somewhere only we know ; ailish.
» don't worry, child (ailish)
» ailish mcgrath — @lilish
» (ailish) no guts, no glory