Welcome to my nightmare •• Adam

Encore une journée à rallonge au boulot. Tu viens de finir de taper ton rapport sur la dernière enquête. Une sale enquête, du genre que tu avais envie de te sortir de la tête le plus vite et le plus tôt possible. C’était une des choses les plus compliquées que tu aies à gérer dans le boulot : ne pas laisser les affaires t’atteindre jusqu’à la moelle. Pour ça, tu avais ta routine. Un cadre, un rituel qui te permettait de te déconnecter et de remiser tout ça dans un coin sombre de ton esprit. Mais ce soir, tu n’avais pas eu le temps de l’activer. Tu venais d’enfiler ton blouson lorsque ton smartphone s’était mis à sonner. Un coin d’œil à l’écran illuminé et un sourire fend ton visage alors que tu reconnais la photo et le nom de Hazel. Tu décrochais en quittant les lieux. « Hey ma belle. Tu dors pas ? » Mais ton sourire disparaît aussi lorsque tu perçois son désarroi à l’autre bout du fil. « T’es à ton appart’ ? Bouge pas, j’arrive. » Tu sautes derrière ton volant et les pneus crissent sur le bitume. T’actionnes ton gyro, il est pas question que tu t’embarrasses du code de la route alors qu’Hazel a besoin de toi. Ça a toujours été comme ça entre vous dans le fond. Quand elle a besoin, tu accours sans te poser de question. C’est encore plu vrai depuis huit ans. Ça ne te traverserait même pas l’esprit de la faire patienter. Pas après la détresse que tu avais perçu dans sa voix.
T’arrives en bas de son immeuble, tu te gares à l’arrache. T’as à peine claqué la porte que tu te précipites à l’intérieur, tu grimpes à la force de tes cuisses, dopé par l’adrénaline et la crainte. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui arriver ? Qu’est-ce qui pouvait l’avoir bouleversé ainsi ? Les réponses n’étaient pas légions et les perspectives n’étaient pas bien enthousiasmantes. Mais tu n’en aurais le cœur net que lorsqu’elle te le dirait. Tu franchis la porte sans toquer, comme à ton habitude en fait, mais boosté par l’urgence. Tu fouilles les lieux du regard alors qu’elle sort de sa chambre. Tu t’assures d’un regard qu’elle n’est pas blessée avant de la serrer contre toi, soulagé qu’elle soit en un seul morceau. Car tu n’as pas manqué de noter le désordre qui régnait dans l’appartement. Tu prends le temps de t’imprégner de son odeur familière avant de la repousser légèrement pour la regarder dans les yeux. « Parle-moi. Qu’est-ce qu’il te passe ? Qu’est-ce qui t’as mise dans cet état ? » Tu essaies ses larmes du pouce. T’as un peu l’impression que ce geste caractérise les huit dernières années. Ironique quand on pense que le passé vient vous mordre le cul salement. « Il… Il est revenu… Falco. » Tu te figes alors que ses mots pénètrent ton crâne. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible. Tu sens une colère sourde, froide, se répandre dans tes veines. « Il était là, c’est lui qui a fait ça ? » Tu serres les dents, comme pour garder le cap. Mais la simple pensée de ce mec te mettait dans tous tes états. Il avait brisé le cœur d’Hazel, et celui de Wendy. Tu ne lui laisserais jamais l’occasion de recommencer. Quitte à le descendre.

Tu ne savais pas vraiment à quel moment tes sentiments pour Hazel avait changé. A la base, ce n’était qu’une amie. Une amie chère mais tu n’avais jamais vraiment pensé à plus. Il fallait dire que la place n’avait jamais été libre. Mais quand Falco était parti, il avait laissé la porte ouverte. Et tu t’y étais engouffré. Tu avais comblé le vide, de manière totalement désintéressée. Tu n’étais pas un connard morbide, loin de là. Mais un jour, en posant les yeux sur elle, ça avait été comme une illumination. Tu l’aimais. Réellement. Bien plus que tu n’aurais dû aimer ta soi-disant meilleure amie. C’était elle qui comblait quelque chose chez toi, au final. Elle et sa petite poupée. Wendy. A elles deux, elles avaient amené dans ton existence des choses dont tu ne pensais même pas avoir besoin. Et tu avais juré de protéger cela. De les protéger elles. Et tu ne ferais jamais marche arrière.
Alors savoir que ce type avait osé repointer son nez ici comme une fleur, comme s’il en avait le droit. Ça te mettait dans une rage noire. Mais tu la maintenais sous contrôle. Tu ne pouvais pas te permettre de péter les plombs alors qu’Hazel avait besoin de toi. Tu devais rester lucide, comme au boulot. Toutes les informations avaient leur importance. La vengeance attendrait. Pour le moment. « J’m’attendais tellement pas… à… J’pensais pas qu’il reviendrait un jour. » « S’il avait une âme, il ne l’aurait pas fait. Si on avait encore des doutes au sujet de son humanité, je pense que c’est clair à présent. » Tu fermes les yeux et tu inspires profondément pour faire retomber la pression qui a fait tressauter la mâchoire. Ce mec ne doutait vraiment de rien. Ah si tu lui mettais la main dessus, tu allais lui coller la dérouillée de sa vie. Mais tu redescends vite sur terre. Tu sens Hazel faiblir et tu la serres plus fort contre toi. Pas question que tu la laisses tomber, jamais. « Je te tiens, ma belle. Ca va aller. » Tu la soulèves dans tes bras. C’est fou comme elle ne pèse rien. Est-ce qu’elle mange assez ? Est-ce qu’elle dort assez ? Ta tête bourdonne à nouveau d’inquiétude, reléguant la colère en arrière-plan alors que tu te diriges à pas silencieux vers la chambre de la brune. Ce n’était pas vraiment le moment de réveiller Wendy. Tu ne prends pas le temps d’allumer la lumière, tu te contentes de l’allonger sur le matelas. C’est à ce moment-là que tu notes sa tenue. C’était… léger. Tu chasses ses pensées parasites alors que tu t’installes à ses côtés. Passant ton bras autour de ses épaules, tu l’attires à nouveau contre ton torse. Ton autre main balai son front pour en dégager les mèches rebelles. Tu y colles bientôt tes lèvres avec délicatesse. « Je vais m’occuper de lui. Il est hors de question qu’il remette un pied ici. » Tu marques une légère pause avant de reprendre. « Est-ce que… Wendy ? » Tu n’arrives pas à formuler ta question mieux que ça. T’as le cœur qui se serre et un sentiment bizarre t’écrase la poitrine.

Tu ne peux t’empêcher de lever les yeux au ciel comment pouvait-elle penser une seule seconde que tu n’allais pas réagir, que tu allais laisser passer cette attitude ? Ça faisait huit ans. Huit ans que tu attendais de pouvoir démolir le portrait de ce pauvre type. Pour ce qu’il avait infligé à Hazel et Wendy. Et ce soir, il te donnait d’autant plus de raisons de vouloir lui refaire le portrait. Ce ne serait peut-être pas ce soir, tu préférais t’assurer qu’elles ne risquaient rien mais ce serait très bientôt. C’était inévitable. Vous alliez entrer en collision violemment et la puissance de cette confrontation risquait de faire pas mal de vagues. « Pourquoi est-ce que je serais blesse ? » Tu baisses les yeux vers elle, mi-interloqué mi-blessé qu’elle puisse croire que Falco aurait le dessus sur toi. Sérieusement. Tu avais le monopole de la colère et de la formation policière. Tu avais le monopole de la famille que l’on protégeait. Il était absolument hors de questions que tu lui laisses le dessus. « Tu devrais le savoir depuis le temps : je ne fais que ce qui est nécessaire pour Wendy et toi. Rien de plus. » Tu frissonnes sous ses doigts, conscients de l’intimité de son geste, de l’intimité de votre situation. Elle, couchée sur toi, à moitié nue… Tu fermes les yeux quelques secondes. Ce n’est pas le moment de laisser tes sentiments t’embarquer sur une piste qui pourrait s’avérer gênante et préjudiciable pour votre relation. Mais c’était vraiment dur d’ignorer continuellement ces émotions qui arrivaient par vagues pour s’écraser sur les parois de ta résistance, sur les roches de l’indifférence d’Hazel. Mais comment pourrait-elle savoir quelque chose que tu ne lui as jamais avouée ? Mais très vite, le sujet revient à Wendy et la tension qui commençait à te gagner disparaît bien vite. Du moins, elle se dirige tout droit vers la mâchoire que tu serres à t’en briser les dents. Il était donc au courant. « Il n’a aucun droit. On ne le laissera pas faire. » Tu ne pouvais pas, tu ne voulais pas qu’il s’approche de Hazel ou de Wendy. Ta précieuse petite Wendy. A chaque instant important, chaque milestone, c’est toi qui avais été là, avant même qu’elle ne vienne au monde. Son sourire était la clé à tous tes problèmes, ou presque. Tu ne pourrais pas l’aimer plus même si tu l’avais conçu toi-même. Tu ne laisserais jamais rien assombrir son ciel, encore moins Falco. Jamais. Tu bouges, changeant de position. Tu te tournes sur le côté, forçant Hazel à bouger également et tu te places plus bas, de manière à ce que vos yeux sont au même niveau. Tu fais de ton mieux pour ne pas réagir au fait que vos jambes sont entremêlées et que tu es douloureusement conscient de la hauteur de son genou. Pas encore problématique mais qui pourrait l’être. « Venez à la maison. Le temps que tout ça se tasse. Ce n’est pas beaucoup plus loin de l’école de Wendy et je pourrais la déposer le matin. Je vous laisserais tout l’étage pour que vous soyez comme chez vous mais au moins vous serez en sécurité. Il ne pourra pas vous trouver ni vous faire de mal. »

« Adam, ça va mal finir, on le sait tous les deux. » Si tu le savais ? Tu l’espérais même. Et tu savais pertinemment qui tu voulais voir essayer les plâtres dans cette affaire. Tu étais d’avis que Falco méritait de recevoir un goût de sa propre médecine. Et tu n’étais franchement pas certain que Hazel le lui donnerait. Tu avais beau la savoir en colère, tu la savais surtout encore amoureuse et ça te mettait encore plus la rage… Si tu avais été le témoin de leur bonheur, tu avais surtout été le témoin de sa douleur à elle, de ses épreuves, de son chagrin, de ses difficultés. Tu avais fait de ton mieux pour être toujours là, toujours présent. Tu avais fait en sorte d’être l’épaule sur laquelle elle pose sa tête, les bras dans lesquels elle se réfugie, l’oreille dans laquelle elle débite ses malheurs. Tu avais fait en sorte de combler le vide de son cœur, de le colmater. Et puis il y avait Wendy. Ce petit être qui t’avait dérobé le cœur avant même d’être sorti du ventre de sa mère. Oh comme tu l’aimais. Pour toi, peu importait les liens du sang, peu importait ce qu’on disait : elle était ta fille. C’est toi qui avais été là à chaque instant, à chaque rentrée. Tu avais été là pour les premiers pas, les premiers sourires, les premières vacances. Tu avais fait en sorte qu’elle ne ressente pas l’absence d’un géniteur qu’elle ne connaîtrait sans doute jamais, qui ne méritait aucunement de la connaître. Tu avais une relation particulière avec cette petite et tu ne laisserais jamais Falco s’immiscer entre vous. « Pour l’instant. » Car elle n’avait pas tort. Rien n’empêche cette charogne de porter plainte et de créer le plus de problème possible. Il fallait qu’il soit très prudent dans ce qu’il allait faire. Très très prudent. Mais pour l’instant, tu avais des choses plus importantes à penser. Comme à la femme que tu tenais pour l’heure dans tes bras.
« Adam… Je refuse de fuir mon appartement. Je suis chez moi ici. Je ne suis pas lâche, moi. Prendre la fuite, ce serait lui donner raison quelque part, lui donner de l’importance tu vois ? Je dois continuer ma vie sans me préoccuper de lui. » Tu serres les lèvres mais tu ne dis rien. Tu aurais voulu qu’elle accepte parce que c’était la chose la plus sage à faire, parce que ce serait la façon la plus simple pour toi de t’assurer qu’elles étaient toutes les deux parfaitement en sécurité. Mais encore une fois, elle refusait d’entendre raison. Comme elle refusait régulièrement que tu l’aides d’un point de vue financier. Elle était fière, ta petite Hazel, mais ce ne lui rendait pas la vie plus facile, ni à toi d’ailleurs. Qu’est-ce que tu allais bien pouvoir faire de cette tête de mule ? Tu n’en savais rien mais tu savais qu’elle ne cèderait pas cette fois, comme elle n’avait pas cédé la fois où tu avais proposé que Wendy et elle viennent s’installer chez toi de manière plus définitive. « Tu vas finir par avoir ma mort, Hazel. Et j’espère que tu l’auras sur la conscience. » Mais le contact de sa main sur ta joue chasse tous les nuages noirs qui emplissaient l’atmosphère. Cette sensation t’apaise et te calme plus que tu ne voudrais l’admettre. Peut-être que tu ferais mieux d’être enfin honnête avec elle et avec toi-même après toutes ses années. Tu la serres bien volontiers un peu plus fort contre toi alors que ton nez vient se perdre dans ses cheveux. Tu t’enivres de son odeur qui fait battre ton cœur plus fort. Tes lèvres effleurent son front pour atteindre son oreille. L’une de tes mains est fermement cramponnée à sa taille alors que l’autre caresse inlassablement la courbe de son dos. « Alors rappelle-toi quand je vous ai emmené en Californie, Wendy et toi. Imagine le soleil. Il est là, haut, fixé dans le ciel. Et ses rayons brûlants te caressent la peau nue. » Comme tes doigts caressent la sienne à présent. « Et le bruit des vagues au creux de ton oreille. » Comme tes lèvres qui l’effleure, et ton souffle qui la titille. Tu mets plus d’intensité dans ce récit que tu ne le pensais au début. Mais il faut dire que tu es douloureusement conscient de son corps plaqué contre le tien, à demi nuit et que ton appétit d’elle est en train d’accroître à chaque seconde qui passe. « La mer immense et accueillante. Humide. » Un petit rire grave t’échappe malgré toi. Et tu la renverses sur le lit, sans prévenir. Te voilà à présent qui la surplombe tes yeux mi-clos rivés aux siens alors que tes doigts continuent de caresser ses côtes et que tes lèvres murmurent. « L’eau qui te chatouille et te caresse inlassablement. » Tu te penches un peu plus près, tu attends. Tu attends qu’elle te repousse. Qu’elle te demande d’arrêter. Ou d’aller plus loin ? Tu avais bien une idée de comment tu avais envie de lui changer efficacement les idées. Mais jamais tu ne lui imposerais quoique ce soit.