Echec et mat •• Dante

Assis dans le parc, Dante regardait les gens qui passaient. C'était assez spécial d'être parmi eux sans appartenir au reste de ce monde. Ils étaient tous éparpillés, en train de sourire ou rire. Certains lisent, certains parlent. Mais aucun n'est comme lui. Aucun n'est en retrait. Pourquoi se sent-il soudain tellement désengagé? Dante regarde l'heure sur sa montre et réalise que la date anniversaire est arrivée. Il y a des années, il était condamné à la prison. Date fatidique pour Dante qui avait envie de tout sauf de souffler ces bougies. Il aurait bien été voir Jax pour en discuter avec mais Jax pensait toujours à sa petite sirène. Arielle. L'intrigante demoiselle occupait les envies du meilleur ami de Dante et ce dernier n'avait aucune envie de passer sa journée en présence de quelqu'un ailleurs. La prison lui manquait presque. Car au-delà de la puanteur des lieux et de la pénombre ambiante, il y était chez lui. Là, entre les murs, il était avec ses pairs. Il avait trouvé sa place. Bien qu'il n'était pas un criminel au sens que le commun des mortels donnait à ce mot... il demeurait un voyou. Avec ces voleurs, ces violeurs et ces assassins, il avait des points communs. La noirceur de l'âme.

Là, devant cette foule qui profitait du printemps, il n'y avait aucun doute pour Dante. Mal à l'aise devant cette étrangeté, devant cette exclusion à laquelle il se soumettait tout seul, il se leva et mis un coup de pied en direction d'un pigeon qui picorait au sol. L'amoureux des animaux ne souhaitait pas faire de mal au volatile, non. Il cherchait juste à exprimer sa frustration. Cette frustration l'habitait depuis toujours. Mais celle du jour était différente car pour une fois, Dante ressentait un mal-être puissant à être aussi seul dans sa noirceur. Car pour une fois, et c'était rare, il avait envie de compagnie pour oublier que quelques années plus tôt, il avait été condamné à tort.

Dante s'engagea dans la rue, plongeant les mains dans les poches de sa veste en cuir brun. Il était plus proprement vêtu que d'habitude. Son jeans était presque neuf et le t-shirt blanc avec son col en v, mettait son teint particulièrement en valeur. Ses lunettes de soleil étaient accrochée à son col et il marchait d'un pas vif. Au bout de quelques minutes, une ombre se fit voir sur le sol. Le sentiment d'être suivi s'installa. Dante avait l'habitude d'avoir des ombres pendant son séjour carcéral. Il avait détesté cela à l'époque et le détestait toujours à l'époque. Les émotions d'antan revinrent au galop. Cette angoisse due à l'inconnu, à ce qui était attendu de lui, tout cela serra ses entrailles. Prêt à mettre un coup de poing à son agresseur, il fut désarçonné en sentant une simple caresse au niveau de son fessier. C'était imperceptible. La seule raison pour laquelle il l'avait sentie, c'était parce qu'il savait que quelqu'un allait se manifester à lui d'une façon ou d'une autre. Dante fit volte-face et vit une silhouette féminine s'en aller d'un pas alerte.

Il fit alors demi-tour et s'engagea dans la direction de l'inconnue. La rattrapant assez rapidement, il posa sa main lourde sur l'épaule de la voleuse.

"On n'a pas été présenté je crois."

Dante avait un air supérieur. Il se savait en force car il venait d'attraper une délictueuse créature et qu'elle ne pouvait plus fuir. Mais Dante n'en voulait pas aux silhouettes qui oeuvraient dans le noir et dans le mal. Voler était une mauvaise chose. Mais voler était assumer le côté sombre de son âme, contrairement à tous ces êtres humains qui passaient leur temps dans des entreprises, volaient les petites gens et prétendaient être honnêtes.

Il tendit une main à la petite voleuse et sourit d'un sourire en coin. Cette main tendue pouvait signifier plusieurs choses. Mais il attendait qu'elle lui rende son bien. Dante aimait cependant le jeu qui pouvait s'installer car si l'inattendue femme venait de lui voler son portefeuille, elle l'avait surtout subtilisé à la journée morose qui l'attendait. Dante était prêt à faire la connaissance de celle qui se cachait derrière cette farce totalement ridicule. Voler Dante Silva, c'était une grande blague. Il avait hâte de raconter cette anecdote à Hera. Mais avant tout, il devait voir ce qui ressortirait de cet échange.

Il avait dû poursuivre la demoiselle sur une bonne centaine de mètres avant de la rattraper. Demoiselle. A son capuchon enfoncé sur son visage, il n'aurait même pas été certain qu'elle en était une. Mais Dante avait le flair de ces choses. Il traitait si souvent avec ces femmes qu'il méprisait qu'il avait appris à reconnaître leurs démarches. Cependant la voleuse ne marchait pas, elle glissait, passant entre les gens comme une anguille. S'il n'avait pas été Dante, il aurait pu la perdre facilement.

Le ton de la dame est fort, agressif. Elle se sait en tort et n'hésite pas à crier sur celui qui cherche à récupérer son bien. Dante sourit devant l'animosité du specimen.

- Je vous lâche, n'ayez crainte. Je ne veux pas...

Il la regarde avec un air supérieur, l'analysant avec un sourire qui en dit long. Ce mépris qu'il affiche, ce sous-entendu impliquant qu'il ne la retenait pas pour abuser d'elle, c'est sa manière à lui d'insulter tacitement. Même celles qui ont l'intelligence de ne pas vouloir fricoter avec le Silva se seraient insultées de le voir ainsi les dénigrer.

Mais l'inconnue n'a probablement que faire de son intérêt. Ce qu'elle voulait, c'était l'objet qu'elle lui a dérobé comme une féline agile. Devant la main tendue de Dante, elle finit par lever les yeux au ciel et lui rendre le bien. L'américain se fiche bien qu'elle ait volé, pour autant qu'il ait récupéré son portefeuille. Il l'ouvre, pour voir si par un tour de passe-passe ingénieux, elle ne lui en a pas déjà subtilisé le contenu. Mais tout semble y être. La voix de la dame résonne dans ses oreilles. Il relève les yeux vers elle, étonné qu'elle soit encore là.

- Les flics?

Dante penche la tête sur le côté, comme s'il regardait un animal curieux. Il ressent l'agitation interne de l'inconnue et pour une raison inconnue, il décide de ne pas être aussi abject que d'accoutumée. Il regarde ce qu'il a dans son portefeuille et compte les billets devant elle.

- Voilà ce que je te propose petite arnaqueuse. On va aller boire un verre dans le café là-bas. Il pointe l'endroit du doigt avant de reporter son regard sur elle. Et tu vas m'y raconter pourquoi tu as besoin de ce fric. Vérité ou mensonge, je m'en fiche. Fais-moi croire à ce que tu racontes, persuade-moi et c'est à toi.

C'est à double tranchant. Il n'est pas certain qu'elle aura envie d'aller bavasser avec l'individu qu'elle vient de tenter de voler. Mais lui n'a pas envie de passer l'anniversaire de sa condamnation à prison tout seul. Si la voleuse peut le distraire, il ne dira pas non. Si elle refuse, il est prêt à jouer à un tout autre jeu, bien moins plaisant pour elle. Mais il sait, pour en avoir fais les frais plus jeune, qu'il y a des caméras de surveillance dans cette zone de la ville. Il doit y en avoir qui ont repéré le duo atypique. Dante ne cédera devant rien pour se changer les idées aujourd'hui.