mordre ton coeur.

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elle ne parle pas ? la femme qui se tient dans l'entrebâillement de la porte confie ses troubles en risquant un regard jusqu'à ton petit corps planté sur la chaise qu'on t'a ordonné de ne surtout pas quitter. un homme se tient derrière elle, pas beaucoup plus grand que sa moitié dont il tient doucement les épaules dans ses larges paumes. à eux deux, ils dégagent tout l'amour que ce pays pouvait te donner car derrière leurs traits similaires aux tiens, c'est l'amérique qui héberge leurs vies. depuis qu'elle est au courant de votre venue, elle se tait beaucoup. l'autre femme, celle dont les phalanges te sont familières pour avoir tant de fois heurté tes joues, se confond en excuses.
tu as tout oublié. tu as tiré un trait de tes ongles maquillés de crasse sur tes premières années. tu ne te souviens que des gifles pourtant tes souvenirs te sont plus douloureux.
herrera s'est approchée, incertaine, et t'a tendu une main bien plus forte que la tienne. tu as levé les yeux et tu as vu son sourire. alors tu t'es levée et lentement, t'es pendue à son cou. gracias que tu as soufflé dans son cou de tes petites lèvres encore roses. elle a refermé ses bras sur toi et posé à tes pieds les premières pierres de tes remparts.



tout autour de vous, les gens applaudissent. les paumes claquent les unes contre les autres et par instants, tu entends les mots hurlés frapper tes tympans. l'échine baissée des remerciements que tu ne prononceras jamais, tu offres un regard à la femme tassée qui te tient le bras. les rides prennent son visage telles les racines de son grand âge, mais elle est toujours aussi belle, maria. ta mère s'accroche à ton corps car les larmes qui coulent sur ses joues font flancher ses vieux os.
les jeunes femmes, sveltes et impeccables, qui portent tes créations viennent flatter l'épaule de la muse qui t'a transmit son don. elle tremble, et ne saurait prononcer un mot sans perdre sa contenance. tu l'aides à se redresser à temps pour entendre les louanges qui lui sont destinées, es usted estupenda, señora venues de cet homme que la vieille femme a longtemps admiré.
ce fut, encore aujourd'hui, le jour qui ébranla ton armure d'une joie incommensurable.



pourquoi, silene ? trop d'années que tu occupes les draps de cet homme duquel tu as volé l'infidélité pour qu'il ne soit que tien. trop d'années qu'il dévore le monstre d'ambition que tu es devenu, cette femme à la poigne de fer, gantée de velours, qui tient les rênes d'un couple que tu n'investies qu'à temps partiel. t'épouser, oui, mais je ne prendrai pas ton nom, aaron. jamais.
tu es de ces femmes qui vivent d'indépendance et d'arrogance. de ces femmes qui refusent d'oublier leur identité pour quelques coups de reins. lorsqu'il t'aime, ne traversent ses lippes que ton prénom ou des qualificatifs plus animaux. alors un nom, un simple nom.
tu refuses.
de façon incessante.
alors que la veille, il ployait le genou devant sa reine.
et tu ne lui avoueras jamais, que c'est ce nom qu'elle t'a donné, que tu n'abandonneras jamais.



sur tes joues coulent les premières larmes d'un combat que tu ne pourras pas gagner. le souffle de maria est court, rapide. ses paupières luttent à peine et son sourire s'est dissipé. elle a plus de rides encore qu'elle n'en a jamais eu, mais elle est toujours aussi belle. la douleur pèse sur son front gris et elle gémit chaque fois que ses côtes s'écartent.
depuis que la nuit est tombée sur ses rétines, tu caresses sa main et ne détournes jamais le regard. le sel séché maquille le sourire que tu lui donnes pour dernière offrande.
maria s'en est allée ce soir.
et tu lances à son coeur avant qu'il ne s'arrête, les mots que tu n'as jamais prononcé, te quiero, mamá.