Kawther Dascomb - Ricochet

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Une opportunité, une chance. Un rêve américain vendu à une pauvre femme cherchant à fuir la déchéance de son pays. Kawther ne porte de ses origines qu'un prénom et un teint hâlé. Sa mère n'a pas eu le choix. Dire oui à cet homme qui lui promettait la lune. Une rencontre qui, pour le bien des protagonistes, n'aurait jamais dû se faire. Une naissance qui n'aurait jamais dû arriver... La mère ne supportait plus ce mobile-home et les promesses de son mari. Tout ce qu'elle voulait, c'était des papiers. Il l'avait ainsi enchaînée, clouée avec cette fille venue au monde. Mais ça n'empêcha pas la drogue d'éloigner la pauvre femme dont tous les espoirs s'étaient consumés par les boulots miteux et les coups de son mari.

Une violence dans laquelle Kawther grandit. On ne remarquait pas les traces sur son corps car il frappait à des endroits bien pensés. Complice car ne voulant pas être abandonnée, elle faisait attention et cachait les hématomes trop audacieux.

Mais l'argent manquait. L'alcool qu'ingurgitait son géniteur devait bien être payé d'une manière ou d'une autre... Alors elle quitta l'école, Kawther. Elle trouvait des petits travaux ici et là. Garde d'enfants, services à la personne. Dans certaines maisons, il lui venait cette envie de prendre tel ou tel trésor et de l'enfouir. Des petites babioles. Quand son père s'en rendit compte, il en tira profit, voyant en cela une opportunité d'utiliser son rejeton de fille. Il l'encouragea à voler. Plusieurs fois elle fut prise. Et arriva un jour où les services sociaux comprirent que ce n'était pas tant la faute de la fille que du père.

Écartée de lui, elle rejoignit un foyer après un séjour dans un centre de réinsertion pour mineurs. Cependant, Kawther ne collait pas à l'ambiance... désinvolte, secrète, désintéressée. Elle passait son temps dehors à fréquenter les mauvaises personnes et à se faire embarquer dans des histoires qui la dépassaient. La drogue fut sa meilleure amie et sa meilleure ennemie ; comme si c'était génétique... Une attraction dangereuse qui la fit plonger dans la prostitution. D'abord seule puis, à traîner dans les mauvais endroits, pour le compte d'un mac.

Il lui promit d'avoir tout ce dont elle rêvait, de s'assurer qu'elle ne soit plus jamais frappée ou dénigrée. Une clientèle respectable pour un métier qui n'avait rien de digne. La jeune femme crut à ces promesses et s'enlisa, se faisant appeler Safia sous ses services. Il fournissait la dope qu'elle voulait uniquement pour la rendre dépendante à lui... Une relation qui marchait car Kawther se brisait la cervelle de bien des manières pour oublier ce qu'était sa vie. Pour oublier qu'elle ne s'en sortirait jamais. Une fois s'être assuré de la totale résilience de sa proie, le mac s'assura qu'elle reste présentable, la sevrant de force et lui interdisant tout ce qui pouvait nuire à sa santé à moins que ça ne soit avec un client. Un moyen comme un autre pour la maintenir au travail. En cela, elle devrait lui être reconnaissante, non ? À vingt-trois ans, on n'a pas toujours la notion des risques...

Kawther en rencontra des clients, aussi différents les uns que les autres. Certains pensaient lui faire l'honneur de leur présence, d'autres assumaient de n'être que des ratés ou des mecs en chien. Elle s'en fichait bien, Kawther. Devenue imperméable, ne croyant guère aux chevaliers servants lui promettant de la sortir de ce miasme incommensurable. La jeune femme avait accepté sa situation et cela se déroulait mieux. Finit de se battre et de voir ses illusions se briser une à une. Jusqu'à ce qu'arrive cette fille. Un déclencheur. Une révélation. Elle s'attendait à une énième pouliche qui ne tiendrait pas la cadence, n'aurait pas les épaules pour ce monde mais elle se trompait. Elles partageaient une chambre et ainsi une grande partie de leur temps libre, sans vraiment le vouloir. Pour la première fois depuis longtemps - depuis toujours - Kawther s'attacha à quelqu'un. Cette Jules devint un rayon de lumière dans sa vie. Elle lui apprit à sourire de nouveau avec sincérité et non par simple courtoisie. À apprécier les petits instants.

En avait-elle conscience, de cet effet qu'elle avait sur Kawther ? Sans doute pas... Cette dernière ne s'exprimait pas vraiment sur ses émotions, n'ouvrait guère ses sentiments. Les semaines les ont rendues proches, complices, confidentes, à se partager leurs vérités, leurs identités et leurs vies brisées. Kawther regrettait ces fois où d'autres posaient les mains sur Jules. Serrant le poing et se pinçant les lèvres, Kawther ne pouvait qu'accepter. Vinrent certaines nuit où elle s'approchait de Jules plus que nécessaire. Elle aimait s'entourer de ses bras, embrasser sa peau délicate, sentir sa chaleur et son souffle dans le creux de son oreille. Une sensation qui lui manqua terriblement lorsqu'un soir, en rentrant d'une soirée agitée, Kawther trouva la chambre à moitié vide. Son cœur se serra et elle tomba genoux à terre. Sur les draps, restait encore son odeur. Jamais elle ne pleura autant que cette nuit et les jours qui suivirent.

Demander des explications c'était s'attirer les foudres des hommes de main. Kawther préféra se remettre au travail en faisant mine de rien. Comme si tout allait bien. Mais rien n'allait. Tout ce qu'elle avait en tête c'était de retrouver cette femme dont elle avait partagé la vie durant quelques mois seulement. Une attache si forte qu'il ne pouvait s'agir d'autre chose que du destin ! Peu importe si elle se trompe, Kawther questionna les autres filles, collecta les informations qu'elle pouvait. Jusqu'à entendre cette folle histoire qu'un type l'avait achetée. Sur l'instant, elle se sentit légère, préférant en un sens qu'il ait acheté la liberté de son amie plutôt que la sienne. Sauf qu'un mauvais pressentiment la guettait. Qu'est-ce qui pousserait un homme à acheter ainsi une femme ? Elle savait quels genres d'énergumènes étaient prêts à balancer autant d'argent dans de la chair à ces soirées... Craignant pour la vie de la seule personne qu'elle avait jamais aimée, Kawther se décida à la retrouver, quoi qu'il en coûte.

Il ne lui fallut pas longtemps avant d'abandonner Safia et reprendre Kawther en main. Comme une décharge d'adrénaline. Elle prit le risque de demander à d'autres filles de la couvrir le temps nécessaire pour s'enfuir. Elle savait que seuls quelques jours pouvaient lui être accordés avant d'être recherchée. Et s'ils la retrouvaient, seule la mort l'attendait... Un danger totalement inconsidéré. Lewisburg. Un nom parmi les conversations entendues cette soirée-là. Un coup de poker, elle y était habituée. Tentant le tout pour le tout, Kawther se retrouva à traverser le continent sans même être sûre de frôler son but...

Heureusement pour elle, le monde est grand. Il est aisé pour une femme de sa trempe de se fondre dans la masse. Parfois, elle usait de ses charmes, s'autorisait quelques larcins et autres détournements. Cela ne suffirait pas éternellement, la fugitive en avait conscience. Après tout, elle suivait la trace de Jules, c'était bien suffisant pour les hommes de main de son mac... Elle se traça un chemin dans la petite ville et parvint à se faire embaucher dans un nightclub on ne peut plus douteux qui n'était pas bien regardant sur les références. Sa gueule d'ange passait bien auprès des clients ; un bon décolleté, du maquillage, et le tour serait joué. Sa promesse : ne pas causer d'ennuis. Cela en fit rire certains qui lui firent comprendre qu'elle ne bosserait pas pour la jeunesse dorée des environs. Au moins de quoi la mettre - paradoxalement - en confiance.

Ce qui lui offrit l'ersatz d'un toit, l'esquisse d'une vie. Il y avait ce client, Ace. Kawther ne l'avait vu que quelques fois dans la boîte de nuit. Mais le jour où les hommes de son précédent employeur la retrouvèrent, il intervint pour la défendre. Un instinct ou une simple histoire de convictions ? Toujours est-il qu'à le remercier, Kawther se sentit de lui raconter son histoire. Ou tout du moins, une partie... Elle avait les mains liées et la prochaine fois, si elle ne payait pas sa liberté, ils la tueraient pour de bon. Une chanson à laquelle Ace se fit sensible. Suffisamment pour éponger la dette de la demoiselle. Loin d'être innocente, elle savait que ça ne serait pas qu'un simple geste de bonté. De toute façon, Kawther ne l'accepterait pas. Ace ne tarda pas à la mêler à ses histoires, lui demandant de lui rendre service sans poser de questions.

La voici alors à la botte de cet homme qui, contre toute attente, ne s'attendait pas à la voir dans son lit. Peut-être ne dirait-il pas non, mais jamais l'idée ne fut évoquée. De quoi acquérir la considération de l'ex-prostituée. Pour ce que ça valait... Ce qu'Ace attendait de Kawther était tout autre et bien plus dangereux. S'occuper de refourguer certains objets volés, quelques marchandises passées sous le manteau. En échange, il l'aida à trouver une adresse : Jules Clark. Chacun servant l'intérêt de l'autre, leur relation aurait pu s'en tenir à cette superficialité égoïste. Et c'est ce qu'ils aiment sans doute se raconter. En vérité, ils sont bien plus attachés qu'ils n'oseraient l'admettre. Kawther a beau ne pas avoir épongé la dette qu'elle a envers Ace, elle aimerait pouvoir compter sur lui pour sortir son amie des griffes de cet homme sans scrupules que semble être Falco Lowe, de qui Jules semble dépendante.