upside down ; falco.

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Les éléments.
Tu les as traversé. Si certains avaient une saveur douce contre ta peau, d'autres t'ont brûlé si profondément que tu ressens parfois le goût du souffre sur ta langue.

Il y a d'abord eu la terre, tranquille, réconfortante mais tellement fade. Lewisburg, tu as toujours eu l'impression qu'il ne s'y passait rien. Tu rêvais chaque nuit qu'un séisme de magnitude huit la brise en deux plutôt que continuer dans cet état léthargique. Ta famille ne ressemblait à rien et tu as eu l'audace de t'en détacher une fois adulte mais le mal était déjà fait. Si tes parents ne t'avaient pas délaissé alors peut-être serais-tu devenu un autre que ce délinquant persuadé de pouvoir prendre sans jamais rendre en retour. Le chaos avec lequel vos parents vous a bordé, toi et tes sœurs n'a fait que renouer les liens qui vous unissaient. Comme s'il n'y avait qu'elle, tu t'es raccroché à Ova avec l'amour distendu d'un gamin perdu et d'un frère protecteur. Tu ne lui mentais pas lorsque tu lui disais qu'elle était la femme de ta vie. Tu n'as jamais été aussi sincère dans ces moments où tu la serrais dans tes bras afin de lui offrir ton amour.
Elle n'a pas vu quand tu as commencé à mentir au monde entier. Elle n'a pas senti que le séisme était en toi et qu'il ruinait le peu de conscience qu'il te restait.
Tu te mentais, espérant en vain devenir un autre que ce type qui parvenait tout juste à payer ses factures. Quand tu as commencé les parties de poker entouré de ces types friqués, ils n'ont pas vu que de l'autre côté du costume se trouvait un imposteur aux poches vides. Quand tu as misé une fortune, persuadé de pouvoir gagner et tripler ta mise, tu as laissé le danger venir à toi. Tu savais au fond de toi que ces histoires termineraient mal et qu'on te traquerait jusqu'à ce que tu craches ce fric que tu n'avais pas. Tu n'as pas eu peur, persuadé qu'ils n'iraient pas loin mais lorsque les menaces de mort sont entrées dans le jeu, mettant alors ton petit ego à genoux, tu as compris que tous ceux que tu aimais termineraient par payer ce que toi ne posséderais jamais.

Puis il y a eu l'eau, l'océan incrusté dans les iris d'Hazel. Un étendu d'eau sauvage et de calme dans lequel tu t'es laissé porter. Les remous des vagues étaient agréables, tu t'y serais éternisé si dehors on ne te rappelait pas sans cesse tes dettes. Tu aurais voulu qu'elle te porte encore longtemps cette nana, si menue que tu te demandais parfois comment elle pouvait tenir sur ses jambes. Elle était un bonbon Hazel et tu lui as laissé entrevoir le plus beau de toi. Tu l'as laissé faire sans jamais broncher ou essayer de l'éloigner de toi. Tu aimais cette façon quasi chirurgicale qu'elle avait de t'ouvrir le cœur pour y incruster quelques parcelles d'espoirs. T'aurais voulu qu'éclosent un jour les fleurs qu'elle avait fait germer en toi et qu'elle arrosait chaque jour de ses sourires mais l'ombre au dessus de ta tête a pris le dessus sur l'aura si solaire qu'elle dégageait. Parfois, tu te souviens encore de son parfum dans l'odeur sucrée d'un gâteau ou le sourire d'une fille qui lui ressemble. Tu te rappelles votre histoire et ces fleurs que tu sens, là, toujours en toi, en suspend ; leurs pétales desséchés servent d'engrais à ta nostalgie. Tu les cueilles souvent pour les recracher mais par une magie que tu ne contrôles pas, toutes finissent par repousser. Ces fleurs blanches que tu maudits car elles te rappellent la couleur de la robe qu'elle portait le jour où en costume de mariage tu n'es jamais venu la retrouver pour fuir des chimères. Hazel était si réelle dans ton monde d'illusions que tu as senti que l'épouser serait la détruire et la forcer à porter sur ses maigres épaules un fardeau que même toi ne pouvait soutenir.
Lorsque tu as pris la fuite tel un animal pris dans les filets d'un braconnier, tous les visages que tu abandonnais à Lewisburg ont traversé ton esprit.
En tournant le dos à Hazel, tu as compris que cet océan si doux que tu quittais serait purifié. Tu n'étais qu'une tâche de pétrole.

Huit ans, c'est long, mais c'est au moins ce qu'il faut pour traverser l'épreuve du feu. Enfant capricieux aux dettes interminables, tu t'es échoué à Las Vegas car là-bas, tout se passe à cent à l'heure. Rien ne s'arrête jamais sous les lumières aveuglantes des néons et dans l'addiction des machines à sous. Tu as rencontré Conway qui a fait de toi ce que tu es aujourd'hui. Perdu dans l'ombre d'un monstre plus grand que toi, Moran a réveillé ces démons que tu reniais par peur de découvrir ce qu'était ta vraie nature. Le tourbillon de Las Vegas t'a soufflé le courage de dix hommes. De poussière tu es devenu pépites d'or, d'invitations en invitations tu es entré dans ce monde qui te faisait rêver, persuadé que l'argent serait toujours plus viable que le reste. Tu as parfois pensé durant ta longue ascension à tous ceux que tu avais laissé derrière. Tu t'es raccroché à Hazel, à ce qu'elle serait devenue à tes côtés si elle avait été là, ce que tu lui aurais offert, comment tu l'aurais fait sourire sans comprendre qu'elle se fichait royalement du fric que tu te faisais. Au creux des putains et du luxe, tu y as laissé ton âme. Tu la sentais se disloquer et t'enlever le peu de bonnes manières que tes parents t'avaient donné. Tu n'as plus voulu de cette simplicité, elle avait un goût de trop peu, une amertume à te faire vomir jusqu'à tes ambitions. Les entrailles de Lewisburg faisaient de toi un survivant où chaque jour était une galère de plus, attaché à l'image malsaine et clichée du gamin qui tourne mal car ses parents n'ont pas eu l'intelligence de la contraception avant de fonder une famille qui ne tiendrait jamais la route.
A Las Vegas, Falco est devenu Falco.
Celui que tu as toujours rêvé d'être.
Qu'importe qu'il soit faux. Sale. Cupide.
Tu t'es laissé engloutir par le vide car il chassait mieux que personne les regrets.

Et puis il y a eu l'air.
Frida et ses grands yeux tristes, le visage figé comme si la vie lui avait donné une sale leçon qu'elle n'oublierait jamais. Tu t'es laissé avoir par sa tristesse en pensant qu'elle lui servait de gagne pain mais elle était sa réalité. Ce n'était qu'un bout de chair que les Moran trimballait à qui le voulait et tu t'es esquinté à la vouloir pour toi, te perdant dans la facilité de l'argent pour qu'elle t'appartienne. Elle était le vent qui soufflait sur ce brasier au creux de tes reins. Tu la désirais si fort, comme si elle était la réponse à toutes tes questions.
Tu savais qu'elle ne t'appartiendrait jamais vraiment, qu'elle resterait à la propriété des Moran mais tu voulais passer au dessus de toute cette fatalité. Elle laissait un tel vide dés qu'elle quittait tes draps que tu avais la sensation d'en souffrir physiquement. C'était une blessure qui s'ouvrait et s'infectait à chaque fois que tu la savais ailleurs. Possessivité malsaine du garçon découvrant l'influence de son argent sur le monde et sur l'Homme. T'étais si abruti que tu lui as promis de la sortir de là en sachant que bien plus fort que toi la posséderait jusqu'à la fin. Le jour où elle n'est plus revenue, tu as senti cette brise traverser ton âme, un vent clair et délicat d'après guerre laissant naître un profond sentiment de mélancolie. Tu l'as cherché tel un clébard abandonné, si t'avais pu japper tu l'aurais fait mais elle n'est jamais revenue.
Frida cette bouffée d'air si pure d'oxygène qui te laisse en apnée alors que tes poumons sont déjà plein d'eau.
Pour brouiller la tristesse et les pistes, tu as trouvé dans la foulée une créature afin de faire d'elle une fiancée confortable à qui tu ne demandes jamais rien, pas même de t'aimer.

Tu as condensé huit ans de ta vie au cœur de Vegas, goûtant à tout ce que tu pouvais dévorer. Tu as brûlé les étapes, accumulé les masques, assassiné tes anges pour protéger tes démons. Tu as abandonné cet homme que tu ne supportais plus : toi-même. Tu l'as noyé dans le regard d'Hazel, brûlé dans l'incendie du Nevada et tu l'as laissé se disloquer dans les tumultes de Frida.
Tu as embelli l'homme, enlaidi l'âme.
Tu es devenu riche mais ton cœur est sans cesse en carence.
Tu as découvert le vide qui te composait et tu as eu le vertige.
En revenant sur terre, tu as retrouvé Lewisburg et ce coffre que tu avais enterré avant de partir. Tout était encore là, présent, Hazel, ta famille, tes souvenirs, tes échecs trop nombreux, tes erreurs, l'endroit même où tu as pris ta fuite. En passant devant la Mairie tu as eu la sensation qu'elle t'attendait toujours dans sa robe.
Tout est si figé. Et toi tu t'es transformé en un autre que plus personne ne connaît. Pas même toi.
Tu es revenu parce que tu as senti que rester loin ne ferait que t'user d'avantage. Tu t'es dit qu'Ova te manquait, qu'il était peut-être temps de retrouver le vrai monde tout en accompagnant Conway qui se retrouve aujourd'hui dans la même merde que tu as connu huit ans plus tôt.