bala en el pecho (lu)

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we call ships ‘she’. we call our machines 'women’. we compare women to black widows and vipers. and you’re going to tell me it’s not 'lady-like’ to scream, to take up space, to fight and demand respect and do whatever i want. you’ve looked at nuclear bombs and been so in awe that you could only name them after women. don’t try to down-play my power.(unknown)

Il y a l’écho d’une absence, d’un père qui se vend à qui payerait pour ses services. Des affections qui se font et se défont sur la toile d’une ville ravagée par les cartels gourmands et enragés. Les hommes frères de poussière se débattent pour leur richesse, s’épuisent pour leur famille. Elles sont haletantes de frayeur leurs femmes restées à la maison. Elles désapprouvent en faisant la moue et courent se couvrir d’oripeaux dès que la liasse s’éparpille sur la vieille table de la cuisine. Elles se signent au nom d’un dieu qui laisse la violence sévir jusqu’au pas de leur porte, les rend veuves ou orphelines pour apaiser les cœurs épris de vengeance. Au milieu il y a les gamins. Leurs âmes versatiles s’envolent en milliers de papillons quand ils galopent dans les ruelles qu’eux seuls connaissent. A la recherche de modèles, afin de ressembler à ces pères abstraits. Elle ne fait pas exception petite Lucrecia. Il lui manque son père, aux aller-retours incessants, dont l’absence irrite sa mère. Elle est terrible l’attente et l’impuissance. Qu’elle a un goût amer la terre rougeâtre de leur pays endeuillé.



Ils chantent pour ce qu’ils partagent. On éprouve l’esprit de famille à sa voix de ténor, Beksiński les fait tous taire et s’accrocher au rictus de ses lèvres qui s’envolent dans les chants de leur Colombie. Il fait sourire Kahlo, qui les chérit tous et se laisse transporter par l’amour qu’elle leur porte. Elle a des espoirs et des rêves pour ceux qui la suivent depuis si longtemps. Les coeurs insolents et les yeux furieux. Son royaume est petit mais elle y règne sans ombre, portée de ferveur et sans frayeur. Pas de peur de la part des siens. Elle sait Lucrecia, tout ce qu’elle attend d’eux la madone. Elle sait aussi que leur reine s’est salie les mains pour eux, pour la beauté, pour la réussite. Et qu’elle leur demandera de le faire aussi, un jour. Par loyauté. Par ambition. Mais sous le soleil couchant, dans un jardin luxuriant, sous les modulations presque hypnotiques, ils sont réunis pour partager vins, mets, rires et chants. Ils ont de grands projets, n'ont pas l'intention de se fossiliser au creux des montagnes de Medellín.



Ses cheveux soulevés par le vent en colère lui fouettent le visage. Le tarmac s'étend, luisant, théâtre de la tragédie des âmes. Elle n'est que spectatrice attentive, légèrement en retrait et l’œil vissé sur la nuque de Beksiński devant elle. Le vrombissement de l'appareil prêt à décoller résonne dans les cages thoraciques alors que le ton monte. Pour s'écouter, pour s'entendre. Pour négocier. Les sons lui parviennent, mâchés. Saccadés. Se joue un bras de fer, une partie d'échecs pressée au milieu des montagnes. Dernière proposition, à prendre ou à laisser. Les silhouettes hésitent, incapables de réfléchir correctement par dessus les grognements de l'avion impatient. Elle est le bijou en exhibition, la moue ennuyée des adolescentes exaspérées laissées en dehors des affaires. Mais sa longue chevelure s'enroule et claque sous les bourrasques, Méduse en colère aux langues létales, aux yeux glaçants. Les pupilles en tango entre sa manucure et les collines ensoleillées, elle ne perd pas une goutte de ce qui s'échange. L'avidité pour une prime plus élevée, l'entêtement sur un accord passé. Son talon piétine le macadam brillant de la piste, impatience en palpitation. Par dessus le vent, un courant d'air chaud s'engouffre dans ses vêtements ajustés et la caresse l'étreint imperceptiblement. Le raclement de gorge qu'elle laisse échapper fait l'effet d'un coup de feu. Pan! Un drapeau baissé pour lâcher les chiens, le signal qu'il voulait entendre. Il avance d'un pas vers ses interlocuteurs, cerbère agité, la main collée à l'arme glissée dans son dos. Elle le voit refermer ses doigts lentement dessus, comme un amant empressé dont les mains se courbent sur le corps désiré avec la retenue de la tension. Sa voix se module, se fait doucereuse, les mots percutent. La menace s'éveille en lui, émane de chaque pore, fait galoper le sang dans les veines de la poupée. Alors les négociateurs en face abdiquent, soupirent et se mordent la langue, inquiétés. Se rangent à plus impressionnant qu'eux, plus dangereux. Plus fou. La nuque se courbe, il se tourne vers elle et lui adresse son vague rictus satisfait. Elle a le sourire qui crève le ciel, son rire s'élève en tourbillon et la figurante en exposition reprend les rênes qu'on lui a confiées. « ¡Vamonos! » In the name of art, from Colombia to America.



Depuis l’arche séparant la galerie du restaurant, elle contemple la salle pleine du Charcoal’s. Un énième vernissage où brillent œuvres d’art en exposition et humains désireux de se faire voir. Pas d’alcool tiède ou de petits fours réchauffés, tout est millimétré. L’or au cou, la poudre au nez. Les femmes rient, de ces rires qui roulent dans la gorge, qui donnent l’impression aux hommes qu’elles ronronnent et sont prêtes à se laisser flatter. Les ornements accrochés à leur jugulaire, agrippés à leurs lobes ou enroulés à leurs bras jettent des œillades énamourées aux joyaux qui ornent les revers de costume ou enlacent les poignets. Et tout cela la charme, Lucrecia, ça l’enchante. Elle se sent maîtresse. Elle sait. Ce qui est authentique, ce qui est contrefaçon. Elle sait et savoir c’est avoir le pouvoir. Le pouvoir d’un Etat neutre qui se vante de distraire tous ceux qui le souhaitent, toutes allégeances oubliées le temps de quelques heures. Et pour ceux qui ne sont pas présents ce soir, une invitation leur sera envoyée pour la prochaine exposition, le prochain vernissage. Ils seront tous les bienvenus, jusqu’au coup d’envoi.