you're killing people ? no, i'm killing boys

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Seuls les bruits incessants des machines résonnent dans la pièce. La porte de la chambre est fermée, pourtant, l'odeur de la javel de l'hôpital lui brûle encore le nez. L'odeur de l'hôpital. L'odeur de la mort. Aura s'dit que quand tout sera fini, elle mettra plus jamais les pieds dans l'un d'ces bâtiments. Elle préfère encore accoucher sur son canapé ou crever dans sa baignoire. Les bruits du couloir ne lui parviennent plus. On s'croirait presque dans une bulle isolée du monde. Monde qui est sur le point de s'écrouler, mais qui continue tout d'même à tourner. Elle entend son père renifler, et pour la première fois depuis une bonne demi-heure, elle cesse de fixer ses pieds comme une gamine punie et observe ses parents, qui, sans surprise, ne lui jette pas un regard. Du plus loin qu'elle s'en souvienne, les Cartwright, ils ont jamais transpiré le bonheur comme ces familles qu'elle voyait dans les pubs à la télévision, celles où tout l'monde riait et s'embrassait. Ils n'étaient pas malheureux non plus, mais pas sûr que la définition du bonheur soit l'absence de malheur. Ils n'étaient pas blindés, mais pas à plaindre non plus. en fait, ils étaient moyens surtout. Normaux. Banals à en crever. Le genre de couple que les voisins trouvent sympathiques, le genre de famille que les gens pensent soudés. Aura, elle n'a pas d'souvenir de la vie d'avant. Après tout, elle n'a qu'un peu plus de six ans quand sa mère lui apprend qu'elle va être grande sœur. Pas tout a fait sept quand iris vient au monde. Et tout juste onze quand l'univers bascule et que les médecins diagnostiquent à l'enfant de quatre ans une leucémie aiguë myéloblastique. Myéloblastique. Un mot qui dans la tête d'une enfant semble long et dégueulasse. En réalité, il est bien pire. La gamine qu'elle était alors ne comprenait pas grand chose, en revanche, elle avait conscience de l'évidence ; son monde commençait à s'effriter. Et aujourd'hui, il finirait de s'effondrer. C'est ce que les docteurs avaient dit.

Aura voudrait que la dernière chose que sa sœur entende avant de s'endormir pour toujours soit des rires, des souvenirs. Quelque chose qui fait chaud au cœur. Quelque chose qui manque cruellement à cette famille. Mais après tout, son centre, la dernière chose qui liait le peu de personne réuni dans la pièce était sur le point de disparaître. La brune n'était pas assez naïve pour croire qu'à la mort d'Iris, les yeux de ses parents se poseraient à nouveau sur elle, comme si quinze ans ne s'étaient pas écoulés. Après tout, cela n'avait pas marché à la première cigarette, ni à la première fête, au premier copain, à la première fugue, au premier renvoi. Elle avait un besoin irrépressible d'attention, dû à celle qui lui avait manqué plus jeune. C'est c'que le psychologue aurait dit si ses parents l'avaient forcé à en consulter un par désespoir. Même ça, aurait été trop demander. A la place, ils ont juste continué de l'ignorer. Après tout, pour l'instant, une seule d'leur fille méritait leur attention parce qu'elle était en train de crever.

Il y a les bips de la machine qui s'emballent pour la énième fois de la journée, et tout le monde retient son souffle. Aura, furieuse, se met à fixer ses pieds de nouveau. Elle est folle de rage. Contre ses parents, pour l'avoir oublié. Contre elle-même, pour penser à ça alors qu'Iris est en train d'expirer. Il y a en des tonnes, des choses qu'elle voudrait hurler. Mais elle garde tout. Faut croire que c'est d'famille, et que finalement, elle en fait bel et bien partie. Cette fois, les bruits de la machine ne s'adoucissent pas. Son père renifle plus fort, sa mère sanglote, et elle, elle reste là, les bras ballants, appuyée contre le mur. Elle sait ce qu'ils pensent. Qu'cette gamine qui n'en est plus une est insensible. Qu'elle devrait s'faire soigner. Qu'elle est capable d'exploser de fureur, mais pas d'pleurer sur le lit de mort de sa propre sœur. Qu'elle est incapable d'aimer, mais après tout, sait-elle seulement c'que c'est ? Ou peut-être bien qu'ils ne pensent rien, surtout pas à elle. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Aura accepte la colère qui l'envahit comme on accepte une gifle. Parce que c'est toujours mieux que rien. Et tandis qu'les bips de la machine disparaissent pour devenir un bruit constant et que la dernière lueur d'amour qui la relie à ces gens disparaît, la brune claque la porte, encore plus furieuse contre ce monde qui va continuer d'tourner.